Une bonne dose d’hypocrisie, de mauvaise foi et de naïveté à la fois pourrait seule empêcher de reconnaître que l’issue des dernières élections présidentielles en Haiti était jouée d’avance. Aucune surprise : tout le monde savait, depuis la fin du mandat de Martelly en 2015, que celui-ci n’avait aucune intention de quitter le pouvoir et de s’en éloigner.
Dès lors, tous les moyens étaient bons pour rester près d’un pouvoir qu’il considère comme le sien, même s’il n’était pas candidat aux élections.Moise Jovenel était son plan A, x le plan B pour divertir. Les dernières élections en Haiti révèlent la magie et l’énigme d’une victoire électorale d’un président sortant qui n’était pas candidat à sa propre succession.
Il y a donc eu élections en Haiti, mais pas de démocratie ; sauf à penser que la démocratie ne consiste qu’en les seules élections : exactement ce que font les non démocrates . La critique de la démocratie, d’une certaine démocratie dévoyée, trouve là sa raison : une idée plus sincère et noble de la démocratie fait qu’il faut la distinguer soigneusement des simples formalités électorales, à cause précisément des irrégularités et tricheries qu’elles occasionnent.
Pas partout, mais singulièrement en Haiti. Du coup, toute réflexion et toute analyse doivent commencer par s’étonner de ceci : que non démocrates et démocrates, Haïtiens et non Haïtiens acceptent ces irrégularités et tricheries électorales comme normales, comme de simples détails sans importance (pourquoi organise-t-on même alors encore des élections avec des « observateurs » du monde entier, si ces vols électoraux à ciel ouvert sont des détails insignifiants ? Pourquoi autant de précautions préélectorales si ces tricheries ne représentaient aucun danger ni menace pour la raison d’être et l’essence même des élections ?) .
Le non sens, l’insignifiance, l’absurde seraient plutôt de flanquer des « observateurs » pour surveiller les vols électoraux, et de ne pourtant jamais tenir compte de ces vols lorsqu’ils sont avérés et parfois massifs comme en Haiti ; de n’en tirer aucune conséquence, et n’y donner aucune suite à part le cynisme qui consiste à demander aux candidats volés de n’utiliser que les voies légales pour contester les résultats électoraux. Cynisme, puisque l’on sait ou fait semblant d’ignorer que les institutions électorales légales (CEP ) font partie des mécanismes de la tricherie et sont les outils mêmes des vols électoraux, préparés et formatés en amont pour valider l’invalidable. Par où se plaindre de tricheries auprès des tricheurs ôte tout sens et sérieux aux procédures de recours.
Ce non sens est finalement celui de la démocratie elle-même, d’une certaine démocratie qui serait inadmissible et interdite ailleurs, mais qui, en Haiti seule, est admise et acceptée comme un pis-aller, la solution politique la moins pire à laquelle des Nègres devront se résoudre, car il y a pire chez eux : les coups d’Etats, les dictatures et les guerres civiles et ethniques. L’état de nature en somme, la sauvagerie (en) politique . la transition « civilisée » en cours au Congo : sans doute, pour des Nègres, la tricherie ou la fraude électorale reste bien le seul moyen civilisé, raffiné et sophistiqué pour garder le pouvoir ou y accéder).
Il ne servirait cependant à rien de vouloir et demander que cette « communauté internationale » en fasse de même en Haiti et ailleurs Inutile de gaspiller des forces et des ressources en intervenant par la force en Haiti, pour la cause de la démocratie : les Nègres peuvent se contenter d’une sous-démocratie, de la démocratie des fraudes et de la violence, sans que cette démocratie-là entache la démocratie exemplaire donnée comme modèle à imiter au monde entier. Pendant qu’on nous dit que les vraies démocraties sont aujourd’hui en crise, c’est-à-dire connaissent aujourd’hui des problèmes qu’elles n’ont pas connus avant, ce qui veut dire encore que la crise leur arrive après coup, on remarque qu’en Haiti, au contraire, la démocratie est toujours liée à la crise dans ses institutions et son fonctionnement mêmes Pas qu’elle intervienne pour résoudre des crises qui la précéderaient, ou qu’elle crée des crises (les crises qu’elle crée viennent de son état de crise structurelle et institutionnelle), mais parce qu’on ne peut y parler de démocratie sans aussi parler de ses institutions qui permettent les tricheries préélectorales et électorales, la démocratie en Haiti est toujours déjà, comme l’Etat, en crise, détraquée et en panne dès le départ, en même temps qu’elle « fonctionne » : comment une telle démocratie pourrait-elle jamais résoudre des crises et des problèmes ? Ces disfonctionnements électoraux n’auraient donc rien à voir avec la nature et l’essence même de la démocratie, mais seraient liés à la nature et à la condition des Nègres dans ce monde :
A des sous-hommes, une sous-démocratie de la violence et des tricheries, une démocratie sans hauteur ni raffinement, dans laquelle il ne manque plus que la légalisation même des fraudes électorales (Haiti n’a récemment donné ni plus ni moins que l’exemple de cette légalisation nationale et internationale des fraudes électorales en Haiti) ! Aussi, devant des hommes qui se complaisent dans leurs propres problèmes et misères, et qui se congratulent au milieu de leurs crises qu’ils tiennent pour des victoires et des progrès, il n’y a pas, pour le reste du monde, d’autres attitudes possibles que celle de spectateur sidéré et muet, parfois inquiet, souvent indifférent…