Affaire Sogener: Le cri de Me. Georges A. Pétion aux Mes. Fevry, Canton, Saint-Juste: “Ne soutenez jamais le mal ou l’injustice!”
Port-au-Prince, le 17 Janvier 2020
À Mes.
Osner H.Févry,
Fritzo Canton,
Ephésien Joissaint,
Newton Saint Juste.
En leur Cabinet.
Confrères et amis,
Lorsqu´au début du mois d´octobre 2019, à travers les réseaux sociaux et les médias, j´ai appris que vous aviez, en votre qualité d´avocats constitués de l´Etat haïtien, sommé la SOGENER S.A à restituer, à votre client, certains montants justifiés ou pas qui lui seraient dûs en termes de surfacturation, de détournement de biens sociaux, d´enrichissement illicite et d´association de malfaiteurs, je fus enthousiasmé par cette louable et courageuse initiative du chef de l´Etat haïtien et par l´idée que d´autres dossiers de corruption tout aussi importants tels que : Le CIRH, le rapport Paul Denis, le détournement des fonds de Pétrocaribe ainsi que d’autres dossiers à caractère criminel impliquant certaines autorités étatiques antérieures ou actuelle allaient enfin prendre le chemin des tribunaux. L´idée que l´ère de l´impunité était révolu chez nous effleurait mon esprit. À travers cette action, je crus voir poindre à l´horizon le moment tant attendu des justes revendications populaires, des redditions de compte, du respect de la stricte application des lois en vue d´une saine gestion et d´une équitable répartition des biens de la collectivité trop longtemps voués au gaspillage, à la gabegie et à des enrichissements illicites, d´autant que cette action est conduite par ce quatuor implacable dont la compétence est avérée.
Comme tout bon citoyen respectueux des principes préétablis, des lois, des institutions et de la personne, je m´attendais à un procès juste, équilibré et équitable entre l´Etat haïtien et la SOGENER S.A où les droits de chaque partie seraient protégés et respectés de la manière la plus scrupuleuse qui soit.
Mes attentes n’ont point été comblées. J´assiste au contraire à un début de procès que sous-tend l’arbitraire de l’une des parties en cause : l´Etat qui, en fait, s’est permis tous les coups : Que ce soient les coups bas, les coups durs, les coups de gueule, les coups fourrés, les coups de force, les coups de feu et même des coups d´état contre la justice elle-même qui est vassalisée, instrumentalisée ; c´est comme un procès opposant le loup et l´agneau où la raison du plus fort est celle qui prévaut et qui a toujours prévalu. J´espère que vous n´allez tout de même pas en prendre ombrage et croire que je considère les actionnaires de la SOGENER S.A et tous ceux impliquées dans cette affaire, comme des agneaux ni que je pense qu’ils peuvent aussi montrer pattes blanches. Je ne puis donc m´empêcher d´intervenir dans cette affaire en tant que citoyen haïtien ayant son mot à dire dans un dossier qui concerne l´universalité des citoyens, depuis le cireur de bottes jusqu´au président Jovenel Moise, pour lesquels vous êtes en train de travailler et qui cherchent à comprendre le déroulement de ce procès peu orthodoxe.
Cette affaire me rappelle étrangement celle qui opposait le président Préval et Franck Ciné où l’on assistait désespérément à l´effondrement et à la fermeture de deux institutions commerciales (SOCABANK et HAÏTEL). L’irresponsabilité des acteurs politiques de l’époque a occasionné la perte des centaines d’emplois au pays.
L’affaire SOGENER S.A qui défraie la chronique depuis des semaines pour des raisons inavouées, traduit de façon éloquente la mesquinerie des hommes surtout quand ils sont détenteurs de pouvoir.
Je voudrais avant tout, préciser que je n´ai absolument rien à voir avec les personnes indexées que l´Etat haïtien, à travers vous, a pris injustement pour cibles, ce qui ressemble à de la persécution. J´ai bien pesé mes mots, il ne s´agit pas d´un procès tel que cela devrait se dérouler, étant entendu que l’Etat Haïtien a en face de lui une société anonyme, dénommée SOGENER SA, mais bien de persécutions exercées contre certaines personnes en raison apparemment de leur appartenance politique et de leur prise de position à un moment crucial de la vie nationale où se positionner constitue un impératif, et se taire, un péché. Dans le cas contraire, ce procès aurait eu une toute autre allure et les concernés seraient traités autrement que comme de vulgaires assassins, des parias que la police poursuit jusque dans leur intimité. Ce sont quand même des citoyens à part entière, des entrepreneurs, des compatriotes qui ont des droits et aussi des obligations, qui méritent d’être traités avec condescendance. Est-ce seulement le contrat de la SOGENER S.A qui fait l´objet de votre analyse, de votre étude approfondie? Avez-vous pris la peine de vérifier les autres contrats du même genre afin de constater leur similitude par rapport à celui de la SOGENER S.A Pourquoi cet acharnement, ce zèle contre des personnes, actionnaires d´une société anonyme plutôt que contre la société elle-même, personne morale jouissant de la personnalité juridique comme toute personne physique? Autant de questions, si elles demeurent sans réponse de votre part, ne vous épargneront pas des reproches, des diatribes, voire des invectives, avec raison, de la part du simple quidam.
De plus, madame Elisabeth D. Préval reste quand même l’épouse d’un chef d’Etat décédé, qui devrait être traitée avec plus de respect. Quel chef d’Etat haïtien vivant cautionnerait, d’après vous messieurs, de telles persécutions, de tel traitement à l’endroit de son épouse pour des faits non encore établis ? Conduisez vous-mêmes votre petite enquête là-dessus, interrogez tour à tour, les anciens présidents Aristide, Boniface, Avril, Martelly, Privert et Jovenel Moise lui-même, président en exercice, avant de me répondre. On ne fait pas à autrui ce qu’on ne voudrait pas qu’on se fît à soi-même, dit-on.
Tous les juges de la juridiction du Tribunal de Première Instance de Port-au-Prince sont interdits de statuer dans cette affaire par une action en dessaisissement en masse introduite contre eux. Comme une porte sans clef que ‘’ l’Etat’’ peut ouvrir et refermer à sa guise, paradoxalement, il a introduit devant les juges récusés une action au correctionnel contre les responsables de la SOGENER S.A sans attendre la décision de la Cour de Cassation sur la demande en récusation en masse portée devant elle. C’est une politique de deux poids et de deux mesures empreinte d’immoralité et d’inégalité où le chef de l’Etat, garant des institutions, les vassalise, les instrumentalise plutôt que de veiller à leur bonne marche, tel que le prescrit la constitution de 1987 en vigueur. A sa guise, il peut récuser les juges et les utiliser en même temps lorsqu’il veut atteindre des objectifs inavoués. L’exploit en date du 13 décembre 2019 en est un exemple probant.
Depuis le début des hostilités exercées contre ces personnes, vous n´avez fait qu´errer dans cette affaire éminemment civile en employant des procédures totalement inappropriées que les initiés en droit qualifieraient de PROCÉDÉS. Par votre manière peu orthodoxe d´agir, vous avez fait disparaitre mon enthousiasme du début. Comme de l´éther, il s´est volatilisé pour être suppléé par un sentiment avoisinant le dégoût, l´inconfort, la gêne, la honte tellement le jeu auquel on vous fait jouer comme des gamins est inégal, malsain, injuste et même dangereux. Aucune règle de droit n´est respectée. C´est une situation qui aurait dû soulever l´indignation de tous, notamment ceux qui investissent dans ce pays, de tous les secteurs de la vie nationale pour dire halte-là au gouvernement, au Commissaire du gouvernement, aux juges, aux avocats et à tous ceux qui, à un titre ou à un autre, se font complices de l’Etat, qui s´échauffent déjà en s’imaginant supplanter Vorbe et consorts et la SOGENER S.A
Etonnamment, le secteur des affaires, jusqu´à date n´a montré aucun signe de solidarité avec les persécutés livrés à eux-mêmes parce qu’ils ne sont pas concernés aujourd’hui; pas une seule voix ne s´élève pour dire que c´en est assez, non en raison de l´action en soi mais, pour afficher ouvertement leur réprobation quant aux traitements infligés à ses pairs et à la manière de procéder dans cette affaire devant une justice qui, encore une fois, est piétinée, vassalisée et brocardée. La Justice a elle-même établi qu´elle n´est plus un pouvoir comme les deux autres, mais un simple corps composé d´hommes et de femmes qui, le plus souvent, attendent des directives pour décider dans le sens des intérêts ou de la volonté du plus fort. Même sous la dictature des Duvalier, la justice n´a jamais été aussi vilipendée et dépendante. Lorsque François Duvalier traquait ses adversaires politiques, il le faisait toujours politiquement et ouvertement, sans s´abriter derrière une quelconque justice. N’allez pas croire non plus que je fais l’apologie de la dictature ; j’en reconnais, toutefois, le bon côté. Je vous rappelle ces deux faits survenus sous la dictature des Duvalier, en guise d’illustration.
- Le juge d´instruction Félix Kavanagh à côté duquel j´eus la chance et l´honneur de travailler comme substitut au Parquet de Port-au-Prince avait, une fois, invité le puissant chef des corps des VSN et maire de Pétion-Ville, monsieur Paul Véricain, à se présenter devant son cabinet d´instruction dans le cadre d´une affaire qu´il instruisait. Celui-ci s´est permis de se présenter au Palais de Justice avec l´uniforme habituelle des VSN, costume bleu, foulard rouge, armé de pistolets et de sa mitraillette UZI et flanqué de plusieurs anges gardiens en uniforme aussi. L´ayant vu en cette tenue, le Juge Kavanagh a dépêché un gendarme de service au Palais de Justice pour aller informer monsieur Véricain qu´il le reçoit dans 15 minutes à son bureau et qu´il ne souhaite pas qu´il se présente devant lui en cette tenue. Offusqué, il aurait informé le Président F. Duvalier par téléphone de sa déconvenue par suite du message reçu du Juge, ce qu´il considérait comme une impertinence, une insulte même à l´endroit d’un digne fils de la révolution duvaliériste. Le Président F. Duvalier lui aurait demandé de décliner l’identité du juge et le conseiller d’exécuter à la lettre sa volonté et que, dans le cas contraire, il sera arrêté et il ne pourra pas lui venir en aide si toutefois le magistrat s’appellerait Kavanagh. Je ne sais où on lui avait passé une chemise toute étroite dont les boutons rencontraient à peine les boutonnières et un pantalon qui lui serrait au point de lui faire mal, manquant encore au moins une bonne dizaine de centimètres pour boucler la ceinture de ce colosse afin qu’il pût se présenter convenablement devant le Juge. Je vous fais grâce de vous décrire l’image de cet homme de grand gabarit, extra- large de tour de poitrine probablement, dans une chemise médium et d’un pantalon tels que décrits plus haut.
- Dans un club appelé « Palais de l’Art »ci-devant King’s Club situé à Delmas 33 juste en face de la rue Charbonnière, devait se tenir un grand bal. Un garde du corps de Roger Lafontant eut des démélés avec un certain Baptiste, le propriétaire ou l´organisateur du bal. Au cours des disputes orageuses entre ces deux hommes, le garde du corps du ministre Lafontant, à la gachette facile, dégaina son pistolet pour tenter d’abattre Baptiste. Ce dernier, armé aussi mais plus adroit et plus rapide eut le temps de sortir le sien et abattit le garde du corps du puissant ministre d´Etat de l´intérieur, mort sur le coup. Arrêté et conduit devant le Juge d´instruction, Me Menan Pierre-Louis, Baptiste fut élargi par une ordonnance de non-lieu de ce magistrat intègre qui fit valoir dans son œuvre que Baptiste avait agi en état de légitime défense. La réaction de M. Lafontant ne se fit pas attendre. Usant de son influence, le ministre ordonna la révocation immédiate du Juge d´instruction pour n´avoir pas su s´aligner peut-être. L´affaire avait pris une dimension politique telle que le Président Jean Claude Duvalier qui voulut s´en informer davantage, fit appeler au palais Me Myrbel Jean-Baptiste, commissaire du gouvernement d’alors, qui lui lut les dispositions de l´article 273 du code pénal. Et, dans un magistral cours de droit pénal spécial, à domicile, exposé au président Duvalier, sa mère et son épouse sur le fondement de la légitime défense, Me Myrbel Jean-Baptiste, dont on connait la droiture, le franc-parler et aussi le timbre de voix à vous briser le tympan, déclara au Président J. C. Duvalier qu´à la place du Juge Pierre Louis, il aurait pris la même décision. Le président entièrement édifié et satisfait, ordonna que le Juge Menan Pierre-Louis, sur l’heure, réintègre ses fonctions. Puis, invité au palais national, il reçut sommes d´excuses de la part du Président J. C. Duvalier, lui-même.
Par ces deux illustrations, je voulais simplement vous rappeler, confrères, que la justice, en dehors des raisons politiques majeures, était délivrée. Elle fonctionnait tant bien que mal, même sous la dictature où les règles de droit étaient respectés et strictement observées ; qu’elle n’avait jamais atteint un tel niveau de dégénérescence. Je ne comprends vraiment pas ce qui se passe aujourd´hui dans cette justice qui nous est si chère.
À l´instar de simples ouvriers, vous êtes en train de travailler au goût du maître qui semble vous imposer ses propres manières de procéder qui ne sont pas celles établies par les lois en vigueur et des directives précises que vous devez absolument observer, en oubliant que vous êtes les maîtres et que votre rôle consiste justement à avoir la conduite exclusive des cas qui vous sont confiés et à les traiter suivant vos propres stratégies et dans les limites de la loi. Dans cette affaire truffée de non-dits et d´inconnus, certains éclaircissements méritent d’être faits.
- Vous dites agir au nom de l´Etat haïtien dont le représentant légal est le Directeur général de la DGI, pourquoi celui-ci est-il si absent dans ce procès ? Pourquoi son nom figure en dernier dans vos exploits et requêtes sans être assisté de sa batterie d´avocats hautement compétents, qui reçoivent des émoluments mensuels de la caisse du trésor et qui défendent ses causes devant tous les tribunaux et Cours de la République ? Je reconnais qu’il n’y a rien d’illégal à ce que l’Etat utilise les services d’autres avocats particuliers qui n’appartiennent pas au staff de la DGI, mais permettez que je précise, toutefois, que c’est un fait inédit dans l’histoire de la justice de chez nous.
- Le commissaire a.i Jacques Lafontant a convoqué, en son Parquet, les responsables de la SOGENER S.A et d´autres personnalités sans être imbu des faits sur lesquels il allait les interroger. C´était à ce moment que son Parquet a songé qu’il devait convoquer aussi le gouverneur de la Banque de la République d´Haïti, (BRH) pour obtenir de plus amples informations relatives à ces faits. Le commissaire Lafontant a donc mis la charrue avant les bœufs, trop pressé d´accomplir cette basse besogne. Il est à se demander pourquoi tant de précipitation dans cette affaire qui ne relève pas de la compétence du Parquet en raison (i) des motifs sus-invoqués concordant à l’article 925 du Code civil ainsi stipulé : « Les conventions légalement formées, tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi. » et (ii) de la clause arbitrale contenue dans le contrat liant les parties et qui ne peut être contournée en ce sens qu’aucune action en justice ne peut être envisagée par l’une ou l’autre partie avant qu’elle ne soit soumise devant l’arbitre qu’elles avaient délibérément et d’un commun accord désigné pour soumettre leur différend. Il est à se demander de quelle expertise dispose le commissaire Lafontant pour donner son avis éclairé sur des faits reprochés non à la SOGENER S.A, mais à des individus en particulier qui ne sont pas clairement articulés ou qui ne peuvent être articulés.
- Une fois que les personnalités convoquées n`ont pas répondu à l´invitation du Parquet pour des motifs dictés par la conjoncture, le commissaire n´avait qu´une décision à prendre: préparer son réquisitoire d´informer et déférer le dossier devant le cabinet d´instruction. Les articles 30 1er alinéa et 35 du code d´instruction criminelle, CIC le prescrivent en termes formels que l´émission du mandat d´amener est interdite au Commissaire du gouvernement si ce n´est qu´en cas de flagrant délit.
- Alors que les prévenus s´attendaient à voir leur dossier transféré au cabinet d´instruction où leurs droits seraient mieux garantis, des bras forts et invisibles ont empêché la bonne marche de la justice. L´action en habeas corpus introduite régulièrement devant le Tribunal par les prévenus contre l’arbitraire du commissaire du gouvernement en vue d´obtenir l´annulation des mandats d´amener du Parquet s´est soldée par un cuisant échec. En effet, sans avoir été partie à ce procès, vous, avocats de l’Etat haïtien, aviez obtenu un traitement de faveur du Tribunal qui vous a accordé la parole sans en avoir eu le droit puisque l’action en habeas corpus concerne les prévenus et le commissaire du gouvernement exclusivement, pour vous permettre de réaliser ce fait inouï dans les annales de la justice : la demande de rejet de leur action et le dessaisissement en masse de tous les juges de la juridiction. Je n´ai jamais vu ni entendu nulle part, ni consulté aucune jurisprudence, après mes 43 ans au service de la justice où l´Etat demande le dessaisissement en masse des Juges qu’il a nommés et qu´il rémunère pour rendre justice à qui elle est due. Cette décision, vous l´avez obtenue certes, mais, avouons-le, elle est insensée, fantaisiste, illogique même. Vous l´avez obtenue parce que vous êtes les avocats du plus fort qui dispose de grands moyens pour faire pression sur les juges. Je doute fort que le Juge Bernard Saint-Vil, ce technicien hors pair doté d´un gros bon sens et d´une capacité de raisonnement connue de nos grands ténors du droit d´autrefois, ait pu décider d´aller dans votre logique sans avoir été contraint de le faire par une force invisible et très puissante.
À présent, en analysant l´impact négatif de cette action de l´Etat et/ou du chef de l´Etat sur l´avenir sombre de notre économie déjà exsangue et sur la justice elle-même, vous allez voir qu’elle rejaillira sur de nombreux secteurs qui réaliseront qu’ils n’ont plus rien à faire dans ce pays ne leur offrant aucune garantie. Les têtes pensantes, les cadres de l’administration, les médecins, avocats, ingénieurs, journalistes, agronomes, professeurs leur emboiteront le pas et cela, au détriment de la collectivité.
Je suis peut-être le seul à m´adresser à vous personnellement et ouvertement, confrères, pour vous exprimer mes ressentiments quant à votre manière de procéder dans ce dossier, mais détrompez-vous, ils sont légions. Mon expérience des choses de la vie m´a permis de comprendre que tous ceux qui disposent de grands moyens et qui choisissent de rester au pays tel qu´il est devenu, d´y vivre et investir, jouant constamment à la roulette russe avec leur vie, livrés à eux-mêmes, par la prolifération des gangs armés et frôlant quotidiennement le rapt, la mort, l´assassinat, l´incendie de leur business, de leur demeure, sont de véritables patriotes auxquels des prix spéciaux devraient être accordés. Si d´autres, par contre, instinct de survie oblige, ont choisi d´aller s´installer ailleurs où leurs négoces fleurissent et leur famille en sécurité, mais privant des centaines de compatriotes d´un emploi qui nourrirait de nombreuses familles ne sont pas moins des patriotes. C´est à cette décision extrême que vous êtes en train de contraindre tous ceux qui font l´objet de poursuite de la part de l’Etat haïtien qui se sert de vous pour imprimer à son action une allure légale sans que vous ne le compreniez. Mais, rassurez-vous, la République dominicaine, en particulier, les attend les bras ouverts, patiemment et même sans passeport pour leur offrir l´hospitalité réservée aux princes.
Alors confrères, pourquoi faut-il que ce soient les mains de personnes aussi intelligentes que vous qui servent d´arme à un pouvoir qui ne respecte pas ses adversaires politiques qu´il traque et pourchasse jusque dans leur intimité pour les contraindre à se mettre à couvert et même à s’exiler, par peur de représailles. Quels autres problèmes le gouvernement est-il en train de régler avec les Vorbe, actionnaires à la compagnie SOGENER S.A, Elisabeth Débrosse Préval, les anciens ministres lavalas : Frantz Verella, Daniel Dorsainvil, si ce ne sont pas des problèmes purement politiques? Pourquoi persistez-vous à traquer ces personnes qui ont fait le choix périlleux de rester au pays, d´y vivre et investir? Qu´est-ce qui empêche votre client de s´asseoir autour d´une table avec les concernés ou de prioriser la voie de l´arbitrage clairement stipulé dans le contrat liant les parties, clause à laquelle vous ne pouvez ni ne devrez passer outre, si vraiment il s´agissait d´une action en justice de l´Etat haïtien contre la SOGENER S.A, mais non celle opposant PHTK à Lavalas?
De toute façon, je vous le dis, je vous l´affirme, personne ne peut présager quant à présent, du dénouement de cette affaire. Vous savez pertinemment que cette action portée devant les tribunaux est injuste, illégale et irrégulière parce qu´elle n´a pas respecté la clause arbitrale contenue dans ledit contrat qui constitue la loi des parties et qui est incontournable. Quelle que soit l´issue du procès, elle n´empêchera pas la SOGENER S.A de poursuivre l´Etat haïtien devant l’instance arbitrale. Il risque même de subir une condamnation à des réparations pécuniaires exorbitantes dont il aura l´obligation d´honorer.
De toute façon, l’action que vous avez initiée met à nue l´état lamentable de nos institutions, notamment de notre justice qui a perdu toutes ses dents et dont la qualité n’attirera pas l´investissement chez nous.
En agissant tel que vous le faites, messieurs, vous ne rendez service ni à votre client, ni à la justice qui devrait être, en toutes occasions, totalement indépendante et sereine car, comme l´a si bien dit l´éminent homme de lettre, dramaturge, poète et juriste Léon Laleau: « la justice ne vit pas de scandale, elle en meurt ». L´affaire opposant Jovenel Moïse, à ses adversaires politiques est un véritable scandale porté en justice pour la galerie. Elle ne produira aucun résultat si ce n’est qu’elle n’assurera que la prédominance au pouvoir d’une chapelle politique. Alors, ressaisissez-vous, confrères, (i) en cessant tout bonnement de persécuter des personnes qui ne méritent pas ce traitement, pendant que des délinquants et des criminels notoires, dénoncés par la clameur publique circulent en toute tranquillité au su et au vu de tous; (ii) en ne permettant pas que les politiciens se servent de vos connaissances pour nuire à la considération due à certaines personnes et enfin, (iii) en tant que techniciens du droit, passés de présentation, en posant de préférence des actes qui redorent le veston de la justice dont le processus de délabrement, de pourrissement a déjà atteint son point culminant. Dans cette affaire, notamment, la justice a perdu le crédit qui lui est dû. Dites à votre client que des têtes pensantes de ce pays ont découvert le jeu macabre auquel il vous fait jouer malgré vous et que l’obligation morale vous est faite de vous raviser.
J’aimerais conclure mon entretien avec vous par la leçon tirée de l’histoire du lion, du mouton et de la tortue : Ne soutenez jamais le mal ou l’injustice, de quelque manière que ce soit, juste parce que vous n’êtes pas directement concerné aujourd’hui. Car, demain, ça pourrait être votre tour de subir le même mal ou la même injustice.
Je vous prie de recevoir, chers confrères, mes sincères et patriotiques salutations.
Georges A. Pétion, avocat.