Pour faire face au Covid-19, l’administration Moïse/Jouthe, après avoir déclaré l’état d’urgence sanitaire, a commencé à engager des fonds. Les 18 669 500 de dollars américains pour l’acquisition de matériels hospitaliers de la compagnie Bowang Co.Ltd/ChinaXu Xia, d’autres ressources engagées ou à engager pour des kits alimentaires et autres opérations coup de poing ont fait des gorges chaudes et remis sur le table le besoin de transparence, d’efficience des dépenses publiques en Haïti où l’on remue les cendres encore chaudes des mauvais usages, vols, détournements et gaspillages d’une partie de l’aide internationale après le tremblement de terre et le Fonds PetroCaribe.
Si le Premier ministre Joseph Jouthe a vanté les mérites de la transparence et a promis de travailler avec la Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif, il n’a cependant pas encore soumis à la CSC/CA ce contrat de 18 millions de dollars américains pour l’acquisition des équipements hospitaliers, a appris le journal d’une source bien informée le jeudi 2 avril 2020.
“Jusqu’à présent, la cour n’a pas reçu de contrat”, a-t-elle indiqué, soulignant qu’il y a eu toutefois “des échanges téléphoniques” à ce sujet. Les consultations téléphoniques sont ce qu’elles sont. Au niveau administratif, il n’y a rien de formel, a fait remarquer notre source. La source du journal, interrogée sur les bonnes pratiques à instituer pour qu’il n’y ait pas à l’avenir des revendications populaire genre “#KotKòbKowonavirisLa”, a conseillé la création d’une synergie permettant de respecter la loi. Même s’il y a urgence ou extrême urgence, comme c’est le cas avec le Covid-19, la cour est prête à travailler 24/24, à avoir des tête-à-tête avec les autorités contractantes qui doivent produire des documents, faire ce que dit la loi, a fait savoir notre contact.
Pour Me Claudie Marsan, spécialiste en passation des marchés publics, la transparence est vitale. “L´état d’urgence n’ouvre pas la voie automatiquement à la signature de gré à gré, car il faut toujours garantir la transparence des procédures, l’égalité de traitement des candidats et le libre accès à la commande publique”, a-t-elle confié au journal, estimant que “le gouvernement aurait dû déjà lancer une procédure de préqualification” par rapport à ce marché de 18 millions de dollars.
“Le gouvernement va certainement faire l´acquisition de beaucoup de masques, d´apareils médicaux et de médicaments. Il doit au moins avoir une idée de ces marchés à passer. Nous devons être mis au courant”, a poursuivi Me Claudie Marsan. “Il faut que toutes les institutions de l’Etat susceptibles d´intervenir dans la solution de cette crise additionnelle qui commence (Covid-19) lancent un ou des avis de préqualification ouvert à toutes les entreprises nationales, ce, conformément au vœu de l’arrêté du 30 août 2017 en question”, a appelé l’avocate.
“La législation régissant les marchés publics en Haïti s’est enrichie en 2017 où des manuel de procédures de passation de marchés suivant des procédures célères ont été adoptés ainsi que les documents standards applicables. L’état d’urgence n’est pas encore déclaré, mais il y a a également des procédures allégées applicables dans les situations d´état d´urgence déclarées. Le gouvernement n’a aucun pretexte pour appliquer ces procédures sans que le président de la République n’ait encore déclaré l’état d’urgence”, a fait remarquer Me Claudie Marsan.”Si le gouvernement est de bonne foi, pour faire preuve de transparence, il doit également publier sur le site des ministères et sur le site du CNMP la liste des marchés passés”, a-t-elle ajouté.
“La mobilisation de ressources contre l’épidémie de coronavirus doit pouvoir nous rassurer dans la méthodologie, dans le ciblage, dans la priorisation d’actions, dans la transparence et dans les résultats. Dans cette situation de marasme économique, il devient plus urgent de bien gérer et d’envoyer des signaux clairs de transparence. La vie de millions de personnes en dépend. La survie de dizaines de milliers d’entreprises en dépend”, a estimé l’économiste Etzer Emile qui rumine le goût amer de l’enrichissement de familles, de groupes politiques grâce à l’aide post-catastrophe aux dépens de plus vulnérables à qui on laisse des miettes et pas ou peu de financement pour se relancer et renforcer ses capacités.
“Les réponses après le séisme de 2010 n’ont pas fait de miracles, tout comme après le cyclone Matthew. La mauvaise foi des donneurs se joint à la corruption des gouvernants, à la lâcheté des institutions de contrôle, à la complicité du secteur privé des affaires, et à la passivité de la société civile pour consacrer notre échec à chaque fois”, a détaillé Etzer Emile.
Me André Michel, du Secteur démocratique et populaire, a soutenu que “l’Etat de droit est permanent”, que “l’urgence sanitaire ne dispense pas le gouvernement de la nécessité de respecter les règles républicaines de la transparence financière”. “Je veux en profiter pour dénoncer les circonstances dans lesquelles 18 millions de dollars américains ont été dépensés sans aucun avis de la Cour des Compte. Le gouvernement ne doit pas comprendre que l’urgence lui donne un boulevard et une carte blanche pour gaspiller les maigres ressources de l’Etat”, a-t-il poursuivi, soulignant qu’avec la caducité du Parlement “par la faute” du président Moïse, “ des institutions comme la Cour supérieure des Comptes et la CNMP doivent jouer leur rôle de façon systématique s’agissant du contrôle des dépenses de l’Etat en cette période d’urgence”.
La transparence est absolument indispensable. Au-delà du regard à porter sur la réponse au niveau sanitaire, il est extrêmement important d’être attentif à la gouvernance, aux actes de corruption. Le groupe Nou Pap Dòmi et d’autres citoyens, citoyennes et institutions sont mobilisés pour faire notre travail de veille et de dénonciation de la corruption et l’impunité, a confié au journal la Petrochallenger Pascale Solages. “Il ne faut pas oublier que dans les situations d’urgence sont propices à toutes les formes de corruption et de gaspillage, des dépenses non efficaces et non efficientes aux dépens de la population”, a indiqué madame Solages, révélant qu’une cellule de vigilance composée de Nou Pap Dòmi, des citoyens, des citoyennes engagées et d’institutions est en passe d’être mise sur pied “pour surveiller et retracer les ressources financières qui seront utilisées dans le cadre de la situation d’urgence sanitaire provoquée par le Covid-19”.
En début de semaine, lors d’une intervention publique, le président Jovenel Moïse a assuré que le gouvernement inscrit son action dans la transparence. Le Premier ministre Joseph Jouthe, lors d’une rencontre récemment avec des responsables de médias, a promis de faire preuve de la plus grande transparence dans la gestion du Covid-19 et dans l’engagement des ressources publiques.
La ministre de la Santé publique et de la population, Marie Gréta Roy Clément, au cours de cette retransmission, a dit, à côté de la commande en Chine d’équipements hospitaliers, avoir commandé aussi 3 000 bonbonnes d’oxygène pour la somme d’environ 130 500 000 gourdes. Le ministre de l’Économie et des Finances, dans le cadre du transfert de cash à 1.5 million de familles, le Trésor public va débloquer 4 milliards de gourdes rien que pour le mois d’avril dans le cadre du programme de transfert de cash via des téléphones. Pour la distribution des kits alimentaires à environ un million de familles, le Fonds d’assistance économique et sociale dispose d’une enveloppe de 1.5 milliard de gourdes pour le mois d’avril, a fait savoir Michel Patrick Boisvert.
Si le coût unitaire du kit alimentaire a été communiqué, l’entreprise qui a fourni ces produits à crédit, dit-on, n’est toujours pas connue. Alors que l’Etat dépense ou s’apprête à dépenser des milliards de gourdes, le dernier avis d’appel d’offres disponible sur le site de la commission nationale des marchés publics (CNMP) date du 13 mars 2020 et concerne l’acquisition de 12 lots de fournitures (matériels de bureau et d’informatique) pour l’organisation d’examens d’Etat, a constaté le journal, jeudi 2 avril 2020. Les derniers plans prévisionnels de marchés remontent au 31 janvier 2019.
source Lenouvelliste