On ne peut parler de leadership sans qu’il soit question de communication et d’image. Contrairement à ce qu’on pourrait attendre d’un conseiller en communication comme moi, je ne crois pas que la forme l’emporte sur le fond, que la communication l’emporte sur le réel. Le réel est la meilleure forme de communication. C’est pour cela que les politiciens font si souvent piètre figure. Le contenu n’apparaît pas soudainement, sans efforts. Les individus qui souhaitent diriger avec substance sont des gens responsables qui travaillent fort. Entêtés, c’est l’accumulation des gestes qu’ils exécutent et des décisions qu’ils prennent quotidiennement qui fait d’eux des leaders de substance. Ainsi, la meilleure façon de construire l’image d’un leader consiste à bâtir sur la substance et sur la transparence.
Les ressources humaines constituent l’axe fondamental du leadership. Tout ce qui relève des leaders relève en réalité des personnes que nous voulons diriger. En tant que leaders, nous devons comprendre les motivations de notre équipe et faire en sorte que les personnes puissent mener leurs projets à bien pour atteindre un objectif commun. Une bonne communication est essentielle pour établir notre leadership et créer des liens avec notre équipe.
Après deux nouvelles journées de manifestations violentes dans la région métropolitaine de policiers pour réclamer la reconnaissance d’un syndicat au sein de la Police nationale d’Haïti et de meilleures conditions de travail pour tous les policiers, le gouvernement Jouthe, après une réunion extraordinaire du Conseil supérieur de la Police nationale, a capitulé mardi soir sur toute la ligne et s’aligne sur les revendications des protestataires.
Selon une résolution, rendue publique le 10 mars 2020, après une réunion d’un CSPN spécial :
1. Un arrêté viendra amender l’article 11 qui interdisait aux fonctionnaires de police le droit de s’associer pour défendre leur droit ;
2. L’Exécutif prendra un décret pour organiser le droit d’association ou de syndicat dans la fonction publique ;
3. Le CSPN a demandé de revoir les dossiers des policiers révoqués…, a annoncé le premier ministre lui-même.
Le premier ministre Jouthe, qui s’était présenté il y a quelques jours comme le premier des policiers, a été des plus laconiques et n’a pas répondu aux questions des journalistes présents, après avoir lu la courte déclaration.
En vingt-quatre heures, toutes les lignes de conduite de l’administration Moïse, définies le 18 février dernier, ont sauté après que les policiers se soient pris aux bureaux publics, aux véhicules de particuliers et tenté d’investir par la force la résidence officielle du premier ministre qui lui sert de bureau depuis que les chefs de gouvernement ne sont plus en mesure, pour des raisons de sécurité, de se rendre pour travailler au siège de la Primature au Bicentenaire, un quartier livré aux gangs.
Ce changement majeur dans la doctrine de la Police nationale d’Haïti, vingt-cinq ans après la création de la police civile devenue la principale force armée du pays en termes d’effectif et d’armements, signe une débâcle de plus de la gouvernance de l’administration Moïse.
Devant la grogne au sein de la police depuis des mois, les mouvements violents et publics depuis cinq semaines, les promesses du président et des ministres n’avaient pas pu endiguer la fureur des policiers. Cela fut d’autant plus difficile que les engagements annoncés n’ont pas été suivis d’actions concrètes. Même les véhicules blindés promis n’ont pas été à la hauteur des attentes des policiers qui réclament de l’armement pour mettre les rapports de force de leur côté dans le combat contre l’insécurité.
Depuis les débuts des mouvements violents de rue par des policiers, le gouvernement, faut-il le rappeler, n’a pas pu adresser les revendications. Mardi matin, un membre du syndicat rappelait que la somme de cinq mille gourdes annoncée en grande pompe par le président Moïse et qui devait être octroyée à chaque policier le 1er mars 2020 n’est toujours pas disponible sur les cartes de débit de la troupe.
Mauvaise gestion ou promesse impossible à tenir, cette énième parole non suivie d’effet a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase.
Il ne restait au gouvernement que la capitulation ou le repli stratégique pour éviter que la bombe policière n’explose. Le pas a été franchi mardi soir par le premier ministre avec la décision d’accepter, forcé et contraint, le syndicat pour calmer l’ardeur des protestataires et la frustration des troupes. Pour désamorcer d’autres bombes, le gouvernement va aussi statuer sur les syndicats dans toute la fonction publique.
Pendant un mois, il faut dire que jamais aucun policier n’a tenté de stopper ou de raisonner les révoltés. Il y a bien eu un affrontement entre policiers et militaires le 23 février dernier, mais personne ne sait vraiment si les membres des Forces armées d’Haïti sont satisfaits de leur sort. Ou s’ils espèrent sortir renforcés de ce qui se passe dans la police.
Personne ne sait non plus ce que pense la communauté internationale, les Américains en tête, elle qui soutient et finance l’existence de la PNH depuis des années.
Personne ne sait non plus si la capitulation ou le repositionnement stratégique du gouvernement va mettre fin au mouvement des protestataires ou si la politique ne va pas venir se greffer sur le mouvement pour donner naissance à un autre épisode de la grande crise haïtienne et de l’effondrement des institutions.
Un fait est cependant certain, les nouveaux responsables viennent de laisser voir leur faiblesse et la taille de leur moyen. Pour un gouvernement jeune, que de mots et de gestes en une semaine seulement.
Le contenu n’apparaît pas soudainement, sans efforts. Les individus qui souhaitent diriger avec substance sont des gens responsables qui travaillent fort. Entêtés, c’est l’accumulation des gestes qu’ils exécutent et des décisions qu’ils prennent quotidiennement qui fait d’eux des leaders de substance. Ils se révèlent dans l’action, la constance et le bon jugement. C’est ainsi qu’ils deviennent des êtres cohérents, qui savent comment mener leur barque. Un peu comme l’artiste qui peint une toile. Au premier coup de pinceau, on ne sait pas de quoi aura l’air l’œuvre finale, mais tranquillement on voit naître son contenu. La meilleure façon de construire l’image d’un leader consiste à bâtir sur la substance et sur la transparence.