Fondée en 1749, Port-au-Prince n’a cessé de s’étendre jusqu’à l’intégration des villes avoisinantes qui sont désormais dépendantes de l’agglomération port-au-princienne. Dans cette aire métropolitaine – qui regroupe selon les estimations entre un million et demi et deux millions d’habitants on assiste à un véritable clivage géographique. En effet, le phénomène de ghetto station des élites bourgeoises est prégnant à Port-au-Prince puisque celles-ci vivent sur les hauteurs, ou la verdure et l’altitude apportent la fraîcheur et préviennent des moustiques. Ainsi, la ville de Pétion-ville, située à 450 mètres d’altitude, au cœur de la végétation, abrite l’essentiel des demeures coloniales aujourd’hui habitées par les ambassades et les élites commercantes et terriennes d’Haiti. Plus on descend vers la mer, plus la chaleur se fait étouffante, on retrouve alors dans une atmosphère polluée les masses prolétariennes et dans les bidonvilles qui bordent le fleuve les habitations de tôle et de cartons qui abritent les paysans qui ont suivi le flot de l’exode laisse aux élites urbaines. On peut noter que le niveau d’analphabétisme des enfants des bidonvilles est proche de celui des campagnes alors que le taux d’équipements scolaires est, à Port-au-Prince, le plus élevé du pays. Seules les organisations humanitaires, parmi lesquelles bon nombre d’organisations religieuses, offrent à ces enfants la possibilité d’acquérir un certain degré d’instruction.
La ville est ainsi coupée en deux entre les riches des montagnes et les pauvres qui vivent dans la chaleur étouffante d’une ville sur-polluée. ll n’est par exemple pas anodin que la seule route goudronnée de la capitale soit celle qui relie l’aéroport a Pétion-ville en passant par le Palais National . Le reste de la ville est soumis à l’anarchie des véhicules qui tentent d’éviter les nids-de-poule et les fosses creuses par les pluies. Ce fossé qui existe entre les deux parties de la ville n’est que la traduction des inégalités sociales du pays. Mais leur proximité, qui les confronte à la situation de l’autre, provoque une véritable guerre civile dans la capitale. En effet, la ghetto station des riches est poussée à l’extrême puisque des quartiers entiers sont interdits d’accès pour la masse des habitants – exceptes ceux qui ont “la chance” de travailler dans ces propriétés – et sont protèges par des services de sécurité qui n’hésitent pas à faire feu. Pour montrer la réalité de cette violence au quotidien, il peut être intéressant de raconter ici une anecdote. En juillet 2003, des agents de sécurité du Rotary Club de Port-au-Prince (situé en face de la maison de l’ambassadeur américain) ont tué un jeune homme et en ont blessé un autre qui étaient venus récupérer un ballon sur la propriété. Cette agression montre à quel point les relations sont tendues car les riches se sentent menacés par la masse des pauvres. Port-au-Prince concentre en effet 46% de la criminalité totale de l’ile qui se manifeste par des meurtres, des enlèvements ou des agressions sur des hommes d’affaires.
L’endettement a triplé en 10 ans pour dépasser 3 milliards de dollars, empêchant tout investissement pour réduire les risques climatiques. A cause du manque de protection des investissements, de la corruption et de la lourdeur administrative, le magazine Forbes a classé Haïti parmi les pires pays pour faire des affaires en 2018 (151e sur 153 pays). Une économie fragile où les transferts d’argent de la diaspora représentent près d’un tiers du PIB et où l‘émigration massive des jeunes vers le continent américain constitue une menace grandissante pour la relance économique.
Des informations communiquées par la Banque mondiale dans un rapport daté de mai 2015 souligne que les grandes familles qui dominaient l’économie haïtienne à l’époque de Duvalier, au cours des années 70 et 80, conservent toujours aujourd’hui la mainmise sur de vastes pans de l’économie nationale. Une situation qui conduit à une forte concentration de leur pouvoir dans un certain nombre d’industries clés, à une distorsion de la concurrence et au maintien, dans de nombreux cas, de pratiques commerciales non transparentes.