Effritée. Sans poids. Sans voix. Telle est la réalité de notre diaspora haitienne Elle est sans ciment et sans âme. Il y a d’abord, cette diaspora installée depuis presque un siècle ailleurs, avec une longue mémoire forgée dans la souffrance, les dechoukajs, les haines et les défis. Et à travers ce parcours particulier elle a accumulé un riche capital de valeurs en forme de traditions culturelles, artistiques, syndicalistes et politiques. Mai…. Et il y a cette nouvelle diaspora haitienne installée particulièrement, depuis deux décennies peut-être un plus, aux USA , Canada ,France , chili et la République Dominicaine et qui est en train de se rechercher dans un contexte mondialement caractérisé par une agressivité féroce sur le plan politico-culturel.
Toutes les diasporas, à travers le monde, gardent et cultivent, par peur ou par défi, de génération en génération, un tissu fonctionnant comme lien symbolique entre leurs composantes ethniques, linguistiques ou géographiques. À l’exception, la diaspora haitienne n’arrive pas à se concevoir une harmonisation solide et continuelle pour maintenir un échange de valeurs entre ses membres constituants.
Fasciné par l’histoire d’Haïti, car dépositaire d’une assez bonne connaissance de notre histoire nationale, le général américain Russel L. Honoré, un des instigateurs du « Haiti Unity Summit », qui se tient en Louisiane du 13 au 19 janvier, invite la communauté internationale et les États-Unis à soutenir un « Plan Haïti » en s’engageant différemment aux côtés d’Haïti via la recherche d’une solution inter-haïtienne.
Chaos ! À ma modeste connaissance, il n’existe pas d’associations actives et durables, ou pas assez, capables d’intervenir sur l’imaginaire de notre diaspora. Questionner la mémoire. Habiles de transmettre l’image d’une nouvelle Haiti qui se forge, depuis plus de cent ans, dans l’amertume de la décomposition et la douleur de la réfondation.
« Pendant plus de deux siècles, les puissances étrangères, en particulier les États-Unis, ont poursuivi des politiques qui ont contribué de manière significative aux problèmes et défis uniques d’Haïti. Ces pays ont la responsabilité d’aider Haïti à surmonter cet héritage de démocratie instable, de catastrophes et de mauvaises politiques », a écrit le général américain Russel L. Honoré dans une tribune publiée dans les colonnes du Miami Herald en amont de la tenue du « Haiti Unity Summit », organisé en Louisiane par le Southern University Law Center et le Nelson Mandela Center for Public Policy.
A la tête de l’État haïtien, les plus hautes autorités ignorent la principale crise qui secoue la communauté haïtienne au niveau mondial, la situation migratoire au Texas, pour s’adonner au jeu préféré des politiciens haïtiens : courir après le pouvoir.
Il faut dire que les enjeux sont de taille. Sans hausser le ton, sans paraître habile, Ariel Henry prend tous les pouvoirs et écarte, les uns après les autres, les obstacles qui étaient ou sont encore sur sa route.
Le neurochirurgien opère à la tête de l’État une délicate opération. Aura-t-il le temps de la parachever? On ne sait pas. Ses adversaires de tout horizon vont-ils lui laisser toute latitude pour gagner le délicat pari de la captation de tous les pouvoirs ? On verra.
En attendant, toute la classe politique fait du Ariel Henry. La situation au Texas n’existe pas. Les avions qui déversent nos compatriotes au Cap-Haitien et à Port-au-Prince sont ignorés. Les rumeurs qui parlent de camps à Guantanamo, comme pendant la période du coup d’État (1991-1994), pour interner nos compatriotes, n’inquiètent pas nos responsables.
La route de la prise du pouvoir est si belle.
Il reste comme souvent la diaspora et ses associations. Pas celles qui se cachent derrière des noms pompeux pour venir quémander des postes en Haïti ou dans la diplomatie, non, les vraies associations de combattants pour la défense des droits des Haïtiens. Celles qui s’inscrivent dans la lignée du père Gérard Jean Juste ou du pasteur Jean Rénélus, pionniers de la défense des Haïtiens aux USA.
La diaspora et tous ceux qui aspirent à devenir membres de la diaspora ne peuvent pour le moment compter que sur les bons samaritains de la communauté, ceux qui ont su se regrouper, s’organiser et exister avec, souvent, des supports américains, pour prendre fait et cause pour eux.
Cette nouvelle crise souligne combien la représentation haïtienne dans les pays d’accueil est faible et comment, même après cent ans d’immigration, nous ne maîtrisons pas assez les codes des pays où nous vivons ou voulons vivre.
Haïti n’a pas de politique étrangère pour la protection de ses ressortissants, la diaspora n’a pas encore pris le contrôle de tous les leviers et boucliers qui sont à sa disposition.
Chaque membre appartenant à cette diaspora éparpillée, qui excelle dans les arts et les lettres, vit comme dans un bocal, écoule son temps et son encre seul, esseulé. C’est triste ! Personne, parmi les membres de cette forte diaspora haitienne ou d’origine, n’a pensé à créer un cercle d’écrivains, d’investisseurs , de dramaturges, de cinéastes ou d’artistes plasticiens dont les rencontres, sans doute, peuvent engendrer des idées nouvelles pour le pays d’origine ou de mémoire. On ne peut pas imaginer une avancée déterminante dans la politique, dans l’économie ou dans la vie sociale et sociétale en l’absence des enfants de l’imagination.
Un peuple vif et ardent est celui qui détient, d’abord, l’énergie et le pouvoir de l’imagination. Le peuple qui ne rêve pas est agonisant. Et c’est le rôle des écrivains et des artistes de réveiller cette magique machine productrice de l’imagination.
Sommes-nous un peuple en panne d’imagination et de leadership ?
Henry Beaucejour
Président de la Chambre haïtienne-américaine de commerce électronique
hb@hatcec.org