Les partis politiques sont frappés de discrédit. Les résultats électoraux en sont le symptôme : en effet, la participation aux diverses élections en Haiti est extrêmement faible. Malgré leurs différences apparentes, les partis politiques ne mobilisent plus les électeurs. Les appels spontanés à la révolte portent beaucoup plus haut et plus fort que les discours bien pensants tenus par les dirigeants politiques lors des campagnes électorales.
Pour commencer les mouvements politiques donnent l’impression d’avoir une existence végétative, seulement interrompue à intervalle régulier par la perspective d’une échéance électorale :
« n’ayant plus de structures de base opérationnelles en dehors des élections, les partis politiques sont devenus des clubs où accourent les opportunistes de tout poil à l’occasion de chaque consultation électorale propulsant à la gestion des collectivités locales des militants sans culture politique et sans véritable engagement, produisant des gestions décevantes, voire aussi catastrophiques que celle, tant décriée, des représentants du pouvoir . »
La quête d’une parcelle de pouvoir, apparaît comme l’unique objectif des partis Haitiens de l’opposition, ce qui finit par les discréditer aux yeux de l’opinion publique. Elle ne vise pas à se substituer au pouvoir en place à travers un combat militant. Il s’agit plutôt de jouer le jeu des gouvernants afin d’accéder à de hautes fonctions, voire à des portefeuilles ministériels quitte à se compromettre. Les acteurs de ce jeu bénéficient de gratifications matérielles non négligeables . Les revenus tirés de la rente permettent de créer, sinon du lien politique, du moins des allégeances.
Les différents courants politiques sont ainsi largement discrédités. Les partis qui se réclament démocratique n’y échappent pas. Peut-on dire que ce résultat électoral signifie que l’opposition s’essouffle, usé par la violence traumatisante des années et désabusé par la participation décevante au jeu politique ? La réponse est plus complexe que ne le laisserait supposer ce questionnement.
Tout d’abord, les élections sont un révélateur des rapports de forces au sein des formations politiques. Le rendez-vous électoral aiguise les appétits, ravive les désaccords et finalement fait exploser les conflits latents. Les mésaventures successives du corrompu Jovenel Moise illustrent ce phénomène. Les divisions au sein du Mouvement de la société pour la paix tournent au conflit ouvert, poussant lentement vers l’éclatement.
Ainsi un régime qui gère son déficit de légitimité et la crise de confiance par la cooptation. Cette stratégie de gestion statu quo n’est pas sans revêtir de risques. En effet, elle donne à penser que seule l’opposition radicale en Haiti est susceptible de pouvoir apporter de réels changements.
Cette stratégie de gestion du statu quo en place menace de replonger Haiti dans le chaos. Dans le même temps, elle se présente comme la garantie d’un moindre mal.
Les Haitiens ne se sentent pas non plus concernés par les scrutins dits de proximité. Le taux de participation aux élections locales est aussi faible que pour les législatives. La fraude discrédite les processus électoraux. Certains opposants l’évoquent ouvertement. Peu de temps avant la tenue de l’élection présidentielle de 2015, on constatait que « les mécanismes de fraude [étaient] déjà apparents avant même le coup d’envoi officiel de la campagne électorale.
L’émergence d’une véritable opposition n’est pas à exclure dans ce pays ; la contestation est manifeste bien que non organisée ; la génération au pouvoir est appelée à disparaitre ; les dissensions au sein même des partis politiques pourraient déboucher sur une démocratisation de leur appareil ; l’ouverture économique peut contribuer à créer une nouvelle bourgeoisie qui ne se contentera pas du pouvoir économique. Et enfin, il est plus qu’improbable que l’opinion publique accepte un retour en arrière politique. Mis bout à bout, tous ces facteurs plaident en faveur d’un scénario de changement qui reste bien sûr à écrire.