La question de l’insécurité devient le phénomène majeur qui préoccupe citoyennes et citoyens. Ces temps-ci, le pays connaît une prolifération de gangs organisés, une recrudescence d’actes de violence horribles, et plus précisément dans les quartiers périphériques de Port-au-Prince, les banlieues, les bidonvilles où les conditions sociales des populations sont dans l’extrême précarité. Les démonstrations terrifiantes de ces gangs armés opérant de Carrefour-Feuilles à Croix-des-Bossales, de Grand Ravine à Cité de l’Eternel, de La Saline à Cité-Soleil, de Bois-Neuf à Croix-des-Bouquets inquiètent et font réfléchir les observateurs les plus sensés.
Souvent au premier commentaire, on a tendance à associer ce mal endémique à une dégradation accélérée de la condition humaine des Haïtiens ; ce mal dont des politiciens improductifs et nuls font leurs choux gras et bonne recette et qui leur fournit matière et sujet d’opinion, de revendication. Mais personne ne va plus loin que la façade, plus loin que le décor de la scène. Personne ne voit qu’en Haïti, durant les trente dernières années, ou pour mieux dire à partir de l’année zéro, l’année 1986, l’année de la boîte de Pandore, pour une raison ou une autre, toute une mentalité, toute une culture a été préparée au besoin d’une instauration, d’une promotion d’un système de banditisme, de gangstérisme sociopolitique.
Ces trente dernières années, la culture de sous-traitance qui fait de ce pays une décharge de déchets culturels occidentaux, plus précisément de l’Amérique du Nord, la drogaddition (drogue et addiction) qui fait de la marijuana ou le crack, une hostie de la sainte communion de la grande messe pour les jeunes, les fonds et les formes des charabias et vacarmes d’une musique de ra-bordaille populaire et populacière, l’exode rural et l’exode vers l’étranger engendrant une déstructuration de la famille, l’échec des religions occidentales sur la terre indigène, la terre de la résistance vaudou, façonnent, redéfinissent toute une autre forme de mentalité des Haï-tiens.
Dans une musique rabordaille, on a souvent entendu ce refrain « sa ki gen bèl manch yo, mete yo anlè », alors les « belles manches » font allusion aux armes à feu, aux armes de pointe. Et ce refrain est quotidiennement bien entonné par nos écoliers, nos adolescents, et surtout nos adolescents des quar-tiers populeux et populaires, des bidonvilles. Entre-temps, aux abords des écoles, dans les périphéries des quartiers de Turgeau, Bois-Verna, Lalue, Bas-Peu-de Chose, les marchands de marijuana rapportent gros des écoliers consommateurs, sans oublier une bonne partie de la clientèle des marchands d’alcools, des buvetiers ou mieux dire des marchands de clairin, sont ces jeunes, ces mineurs, ces adolescents en uniforme.
Du populisme vingt-dixard : culture de violence et mentalité antisociale
En plus de cela, il y a le populisme politique, idéologique, social qui inévitablement charrie, nourrit, alimente de manière permanente des sentiments de haine, d’agressivité, d’hostilité ; tout populisme politique, idéologique est porteur de déformation culturelle, de pervertissement culturel, de dépravation culturelle. Car à l’apparition du phénomène Ti sourit qui a pris naissance, au dos du bureau de la Police de Port-au-Prince, à la rue Monseigneur Guilloux, il fallait voir et « savourer » ce cocktail composé de flics, de ripoux, de prostituées et prostitués, de dérangés, de drogués, d’alcooliques, de déportés d’Amérique du Nord, de dealers de drogue, de proxénètes, etc. C’est ce même Ti sourit que l’État populiste lavalasien, prévalien, symbole du pervertissement et de la dépravation des masses, allait baptiser sous loin de là.
En conclusion, on a tendance à oublier vitement le passé qui permet de mieux comprendre le présent. L’opération Bagdad 1 et Bagdad 2, entre 2004 et 2006, a laissé une grosse et lourde facture de 2 000 à 3 000 morts, parmi lesquels 125 policiers dont une dizaine retrouvés sans tête, 3 000 femmes violées. L’un des célèbres violeurs s’appelait Yoyo piman.
Cette situation fragilise le fonctionnement de l’État, infiltré par des alliés et sympathisants des chefs de groupes armés illégaux. Ceci affaiblit la PNH. « Le policier ne se sent plus soutenu dans sa lutte contre la criminalité parce que cela risque de se retourner contre lui, soit par son transfert ou par sa révocation », dit Me Bernard Gousse
En fait, tous ces gens victimes étaient issus des masses défavorisées, à part quelques individus de la classe moyenne. Car les gangs sont créés pour terroriser les masses, une forme d’opération de charcutage idéologique, de désarmement socialo-politique.
Peu de temps après, sous l’administration Préval, une certaine commission a été créée pour « désarmement et réinsertion » dirigée par Samba Boukman et Alix Fils-Aimé. Les assassins et les violeurs ont été récompensés pour le « bon travail » effectué et les missions accomplies.
Léonide Brasseur