- la séparation des pouvoirs : le pouvoir législatif (Assemblée nationale et Sénat) n’a pas les mêmes prérogatives que le pouvoir exécutif (gouvernement et président de la République).
- la « hiérarchie des normes » : en droit français, il existe plusieurs types de textes qui n’ont pas la même valeur juridique. Un décret, pris par le pouvoir exécutif, ne peut en aucun cas être contraire à la loi, votée par le pouvoir législatif, qui lui est forcément supérieure. Au sommet de cette pyramide, la Constitution, à laquelle tous les textes de droit doivent être conformes.
Qu’est-ce qu’un « décret » ? Me Patrick Laurent : En France, décret est un acte réglementaire pris par le gouvernement, sans consultation du Parlement, signé soit du président de la République, soit du Premier ministre. Les décrets sont souvent pris en application d’une loi qu’ils précisent. Ils peuvent être complétés par arrêtés ministériels. C’est une décision qui ordonne ou règle quelque chose. En Haïti, ce qu’on appelle généralement décret est un acte ayant force de loi adopté par l’exécutif en absence du Parlement, on le nomme aussi décret-loi.
Quelle est la différence entre décret-loi et loi ? Me Patrick Laurent : Le décret-loi est un acte de gouvernement pris en vertu d’une habilitation législative dans un domaine relevant normalement de la compétence de la loi. C’est l’une des deux variantes de la procédure législative déléguée. Mais, en Haïti, en aucun cas le Parlement ne saurait déléguer une partie de ses attributions à l’exécutif. L’article 60 alinéa 1 de la Constitution de 1987 dispose : « Aucun d’entre les pouvoirs ne peut, sous aucun motif, déléguer ses attributions en tout ou en partie, ni sortir des limites qui lui sont fixées par la Constitution et par la loi. » La loi : Votée selon la procédure législative par le Parlement (Chambre des députés et Sénat), la loi peut être adoptée à l’initiative du Parlement (on parle alors de proposition de loi) ou du gouvernement (projet de loi). Elle s’impose à tous dès lors qu’elle a été promulguée et publiée au journal officiel, Le Moniteur. La loi se situe au-dessus des décrets et des arrêtés dans la hiérarchie des normes.
Est-ce constitutionnel de gouverner par décret en Haïti ? Me Patrick Laurent : En Haïti, dans l’état actuel de notre législation et conformément à la Constitution en vigueur, la possibilité juridique de gouverner par décret n’existe pas, car le Sénat siégeant en permanence (réf. article 95 alinéa 1 de la Constitution de 1987), l’exécutif n’a pas la latitude d’adopter des décrets ayant force de loi.
Est-ce qu’un décret peut modifier un décret ou une loi ? Me Patrick Laurent : Le décret ne saurait modifier une loi. Dans un sens strict en Haïti, depuis l’adoption de la Constitution de 1987, on ne saurait parler de décret dans la nomenclature juridique. Cependant, en dépit de ce principe juridique formel, voire même sacré, on a des décrets qui modifient des lois surtout en période de transition où il n’y a pas de Parlement. Par exemple, la loi sur l’organisation judiciaire du 18 septembre 1985 est modifiée par le décret du 22 août 1995 sur l’organisation judiciaire.
Est-ce que le Parlement est tenu de rapporter, de modifier ou de transformer un décret en loi une fois fonctionnelle ? Me Patrick Laurent : Il faut retenir que dans l’état actuel de notre législation, l’exécutif ne devrait pas prendre de décret ayant force de loi. La loi est l’attribution exclusive du Parlement, c’est pourquoi il n’y a pas d’obligation que le Parlement se penche sur un quelconque décret. Par contre, il arrive qu’à plusieurs reprises la vie politique du pays soit perturbé soit par coup d’État, par démission du président ou la caducité du Parlement occasionnant souvent le disfonctionnement du Parlement ; ce qui de fait permettrait à l’exécutif de gouverner par décret, et ces décrets adoptés durant l’absence du Parlement auraient dû, selon toute vraisemblance, être soumis au Parlement, ce qui ne se fait pas, et ces décrets sont et demeurent en vigueur même avec le fonctionnement du Parlement.
Est-ce que les décrets qui sont actuellement en vigueur peuvent être modifiés par un autre décret ? Me Patrick Laurent : Ils peuvent être modifiés seulement par une loi. Cependant, si le Parlement est devenu caduc ou dysfonctionnel, l’exécutif pourrait profiter de ce vide institutionnel pour modifier des décrets voir des lois.
Nous évoluons actuellement en Haïti dans un contexte fragile et un ordre démocratique questionable même dans son essence. Et en dépit du fait que nous en sommes tous conscients, des sénateurs souffrant d’une cécité de pouvoir dont le sénateur du Centre Wilfrid Gélin, soutenus par des sbires du pouvoir de Jovenel Moïse, essayent de transgresser l’ordre «démocratique» établi. Après que la liste des sénateurs qui partiront en Janvier 2020 eut été rendue publique, ces assoiffés de la fonction parlementaire commencent par solliciter un rallongement de mandat de la part du chef de l’Etat Jovenel Moïse.
Il est clair, et pour l’exécutif et pour la communauté internationale et surtout nos plusieurs milliers de lecteurs, lectrices que 10 sénateurs partiront inévitablement en Janvier 2020 selon la constitution de 1987 amendée et la loi électorale, pourtant même une frange du pouvoir en place parle du départ des deux tiers en janvier 2020. Carl Murât Cantave, le président du grand corps, a promis à 6 sénateurs élus pour quatre ans, de prolonger leur mandant, mais vu la fragilité du contexte politique, on se demande si vraiment Monsieur Cantave pourra tenir sa promesse, qui bien sûr, sera une violation de nos lois, si l’on tient compte de l’article 95.3 de la loi mère parlant du renouvellement tous les deux ans d’un tiers du sénat.
L’inconvénient majeur, c’est que le Parlement, et donc la représentation nationale, ne peut pas discuter ni modifier le texte.