Il était un temps où la diplomatie était secrète et où ceux qui négociaient n’avaient aucun compte à rendre à personne, à l’exception des princes qui les mandataient.
Face aux nouvelles menaces et aux nouveaux enjeux d’un monde multipolaire, une nouvelle conception des interventions a des conséquences importantes, notamment quant à l’utilisation d’un smart power plus mesuré, ciblé et discret. Des nouveaux terrains de confrontation à recourir à une nouvelle articulation entre le hard power (la puissance militaire coercitive) et le soft power (la puissance d’influence par les valeurs, les principes, la culture, etc.). Se joue dans la région une nouvelle pensée de la politique étrangère articulant l’action diplomatique et le recours à la force.
L’ancien président français François Mitterrand disait : «la pire erreur n’est pas dans l’échec, mais dans l’incapacité de dominer l’échec ». Non seulement les représentants du pouvoir en Haiti ne « dominent pas l’échec », mais ils ne le digèrent pas et l’assument encore moins.Des gesticulations, alimentées par un amer goût de rancœur, reflètent une diplomatie Haïtienne en déliquescence, dans le sillage d’un régime désavoué par le peuple.
La diplomatie remonte à la nuit des temps. Elle a toujours été considérée comme une arme fatale à double tranchant et redoutable , à laquelle très peu de nations, de peuples et de simples entités étatiques ont su opposer une résistance farouche. Elle est aussi un moyen utilisé par ces mêmes entités pour régler leurs différends. À bien des égards, pour ainsi dire, la diplomatie est vue sous un angle comme l’instrument, celui qui pourrait aider vraiment à sortir du bourbier dans lequel des partenaires se trouvent empêtrés. Elle peut aussi être un boomerang lorsqu’elle est mal utilisée contre n’importe quelle entité passive, ringarde. D’où l’absolue nécessité d’en faire bon usage et non un usage abusif ou démesuré.
Comment voir et comprendre la diplomatie haïtienne, si réellement il en a existé une ?
La diplomatie, étant aussi cet instrument qui permet à des États en déliquescence de résoudre pacifiquement leur litige , est également – quand toutes les voies de négociation se seraient épuisées – la seule boussole, le seul phare capable d’éclairer ,de guider les peuples, les dirigeants vers la paix ou vers la guerre.
Pourquoi parle-t-on de diplomatie quand on sait qu’elle est l’art de négocier, quand on sait qu’en tant qu’art, elle est inhérente à l’espèce humaine ?
Pourquoi encore parler d’une diplomatie haïtienne ?
On n’a pas besoin de passer par quatre (4) chemins pour dire résolument oui il faut en parler ; car Haïti fait partie du concert des nations et a toujours participé aux prises de grandes décisions mettant en cause les États-nations de la biosphère. Peut-être, dans la logique même de son existence comme sujet du droit international, ayant au lendemain de son acte de naissance , acte fédérateur des pères fondateurs de cette nation, une certaine reconnaissance par ses pairs , nonobstant toute l’hypocrisie qui accompagnait leurs efforts (reconnaissance), ne serait-il pas opportun que soit posée la question qui ne cesse de tarauder l’esprit de plus d’un observateur et commentateur, comme celle qui se veut être déterminante à savoir :
Quel est l’état de la diplomatie, existe-il une diplomatie haïtienne ?
Comme il est mentionné plus haut ,il a toujours – et ceci à l’origine – existé une diplomatie haïtienne dès les premières heures de la proclamation qui a suivi la lecture de l’acte de l’indépendance. Même les plus occultes des détracteurs admettront et reconnaîtront qu’Haïti fut très active sur la scène internationale et s’en va jusqu’à attiser la jalousie de ses voisins de l’hémisphère et encore outre-Atlantique. À telle enseigne qu’elle en vint à représenter une réelle menace pour les pays, grands pourvoyeurs de colonies, lesquels n’entendaient nullement baisser les bras ni accepter l’indépendance, puisque l’esclavage, la colonisation représentèrent pour eux seuls une véritable entreprise très rentable. Aussi doit-on rappeler les faits à l’origine de la haine des puissances coloniales pour Haïti, qui se fait de plus en plus menaçante sur ce continent, y compris ailleurs. Après l’indépendance, Haïti avait tous les projecteurs braqués sur elle. Ce jeune État attirait les regards et, de surcroît, accueillait favorablement les demandes des peuples en lutte pour leur libération de l’esclavage. Cette attitude vient de la volonté d’Haïti d’aider d’autres pays qui souhaitent expérimenter, voire appliquer les recettes haïtiennes dans leurs luttes pour la libération de leurs terres occupées par les Espagnols. À ce stade de l’animation de la diplomatie haïtienne qui se veut être dynamique et évolutive, il faut aussi comprendre la réalité de l’heure. Tout allait vite et rien ne pouvait être laissé au hasard, ni négligé. Or, il fallait aller d’un train en harmonie avec les échéanciers révolutionnaires . D’où les nombreuses visites de certains leaders latino-américains auprès de l’administration d’Alexandre Pétion, notamment Bolivar, Miranda et tant d’autres émissaires qui agissaient dans l’ombre. Pendant que le président Pétion s’occupait de la nature de l’aide à multiples facettes à octroyer à cette partie de l’Amérique, les indépendantistes grecs, sur le continent européen, n’ont cessé de solliciter de cette même administration une aide urgente et substantielle. Puisqu’il s’agit de créer (d’ouvrir) des brèches, la réponse ne se fit pas attendre ; car, derrière, il y avait l’idée de promouvoir l’image d’une jeune nation par la diplomatie. Ansi, l’administration Pétion envoya de l’argent en monnaies sonnantes et trébuchantes, des hommes, des armes et des munitions, du café, le tout en quantité suffisante jusqu’à ce que la Grèce parvienne à obtenir son indépendance en 1830, et ce grâce à Haïti, dont la diplomatie aujourd’hui se cherche . Le boycott des efforts déployés par ce jeune État est très certainement à l’origine du mal qui le ronge par ses racines, on est d’accord ! Mais , depuis , qu’avions-nous fait pour réviser l’état de la diplomatie du pays ? Sachant que l’une des fonctions régaliennes d’un diplomate c’est la promotion de son pays, cela doit aussi se faire en adéquation avec les moyens dont l’État accréditant se doit de disposer pour atteindre ses objectifs. Ce qui, de l’avis de plus d’un observateur peu ou prou avisé, est loin d’être le cas . Et cela , au regret de le dire, c’est bien le cas ,voire une évidence, au point de crier: «Halte là!» Dans les annales diplomatiques de la biosphère, le nom d’Haïti qui devait être écrit en lettres de feu est à peine perceptible, parce qu’elle est mal représentée. Cette diplomatie mal en point, pour avoir été mal conçue à l’origine, ne saurait être à même, à l’aube du XXIe siècle, d’aider ce pays à se relever du gouffre dans lequel il se trouve, plus de deux siècles, plongé et dont il ne peut s’en sortir que par le salut d’une nouvelle diplomatie. Oui, une diplomatie bien fagotée et mesurée à l’aune des diplomaties agissantes.
Quid d’une nouvelle diplomatie haïtienne ?
Il n’y a pas de doute que la République d’Haïti, au classement des pays jouissant et profitant des retombées de leur diplomatie réfléchie et planifiée, ait quelque chose à vendre aux enchères. Rien, absolument rien ne prédispose un renouveau d’Haïti. S’il en est ainsi, une diplomatie flambant neuve s’impose ! En conséquence, il faut une refonte de la diplomatie haïtienne, insérée dans une nouvelle dynamique, faisant l’objet d’un plan stratégique de développement décennal tout au moins.
1. Ce plan serait minutieusement étudié et exécuté à partir d’un budget variable, selon un coût approximatif.
2. Il contiendrait les modalités de recrutement du personnel des différentes missions diplomatiques qui se doivent, avant toute chose, d’être représentatives. Cela sous-tend que les choix seront rationnels et, il n’y a pas à en sortir de là, un choix méticuleux contribuera certainement à rehausser l’éclat du pays. D’autres l’ont fait, pourquoi pas Haïti, avec tout ce vivier de cadres, de jeunes diplômés (réservoir ) dont elle dispose? Il suffit d’utiliser à bon escient les jeunes qui sortent des différentes écoles diplomatiques, en accordant la chance aux plus capables sur la base de la méritocratie. Et, petit à petit, Haïti posera les jalons d’une réelle et sérieuse diplomatie . Par-dessus tout, l’État a pour obligation de doter le pays d’une élite politique, de spécialistes en relations internationales, en diplomatie qui sortiraient de l’Académie nationale diplomatique de Port-au-Prince (ANDP).
3. En vue d’une sérieuse mission préalablement définie par le ministère de Affaires étrangères, Haïti, via le gouvernement, procédera à une constante évaluation des ambassades ou différentes missions , afin de s’enquérir de leurs activités réelles. Pour ce faire, il sera nommé à deux niveaux un directeur des ambassades (vérificateur) flanqué d’un adjoint qui s’adjugerait le rôle de vérification d’identités réelles et effectives du personnel desdites misions .
4. Comme sus-mentionné, étant donné qu’un pays doit avoir les moyens de sa politique, de sa diplomatie, il est évident que soient dégagés des fonds en vue de l’atteinte des objectifs. Donc, le directeur des ambassades (missions) aura à sa disposition un vérificateur des comptes afin que bon usage soit fait desdits fonds.
5. Un code d’éthique et déontologique sera remis à chaque membre du corps diplomatique, incluant une batterie de sanctions qui seront appliquées envers les fraudeurs, les dilapidateurs de fonds publics. Fort de ces considérations, l’on comprend que l’avenir de ce pays, en quête d’une nouvelle image, doit, avant toute chose, passer par une prise de conscience. Oui, une prise de Conscience rectificative qui mettrait à mal cette crise d’hommes dont le pays souffre profondément. Cela dit, à force d’y croire et de bosser avec fougue, Haïti , à l’instar d’autres pays, pourrait se refaire une nouvelle image et sortir la tête de l’eau par la diplomatie. Il suffit d’avoir un peu de volonté, qu’au niveau interne soit définie une politique étrangère axée sur le développement des affaires, le social, la promotion du tourisme, tout cela en répondant aux exigences des grands défis de l’heure.
Haïti, deuxième pays indépendant du continent américain, a compris d’instinct que l’éclosion de nouveaux Etats dans le Nouveau Monde consoliderait son indépendance (1). Aussi le président Alexandre Pétion n’a-t-il pas marchandé son aide à Bolivar. Celui-ci, vaincu une première fois, cherche en vain du secours soit aux Etats-Unis, soit à la Jamaïque. Mais les Etats-Unis et l’Angleterre n’avaient aucune raison d’altérer leurs relations avec l’Espagne en favorisant la rébellion dans ses colonies. Bolivar se rendit alors en Haïti. Le président Pétion mit à sa disposition des armes, des munitions, de l’argent, des soldats, surtout les éléments de cette fameuse demi-brigade polonaise, véritables paladins de la liberté qui, envoyés à Saint-Domingue par Bonaparte pour combattre Toussaint-Louverture, refusèrent de se battre contre des hommes qui luttaient pour leur liberté.
A Bolivar, qui avec insistance lui demandait comment lui manifester sa reconnaissance, Pétion répondit : « En abolissant l’esclavage dans tous les territoires qui tomberont sous votre domination. »
Fidèle à la parole donnée, Bolivar dès son retour au Venezuela libéra immédiatement les mille cinq cents esclaves qu’il avait dans ses domaines. Mais quand il décréta la liberté générale, il provoqua un profond mécontentement dans tout le pays. Les propriétaires d’esclaves étaient lésés. Abandonné de tous, même de ses principaux lieutenants, Bolivar fut battu le 10 juillet 1816 et se réfugia en Haïti. Il y resta six mois. Et une nouvelle fois le président Pétion lui donna des armes, des munitions, de l’argent. Ce sera le triomphe.
Cette aide apportée à la rébellion dans les colonies espagnoles ne mettait pas Haïti en bonne posture vis-à-vis des puissances. Après vingt ans d’existence, elle n’était reconnue officiellement par aucun Etat, et il lui importait d’être reconnue par la France, l’Angleterre, l’Espagne et, à un moindre degré, par les Etats-Unis, dont l’ombre commençait à se profiler sur le continent.
Qu’attendre de l’Angleterre et de l’Espagne, qui certainement redoutaient l’exemple d’Haïti pour leurs colonies toutes proches, la Jamaïque, Cuba et Porto-Rico ? Qu’attendre des Etats-Unis, esclavagistes, qui n’étaient certainement pas enclins à reconnaître un Etat « coloured », pour employer une expression américaine ?
Restait la France, l’ancienne métropole. Et ce fut elle qui donna le signal. La France républicaine avait été la première à proclamer la liberté générale des esclaves. Une France monarchique, celle de Charles X, fut la première à reconnaître le premier Etat noir indépendant du monde.
Les négociations furent longues et difficiles. Le roi de France, chef d’un des puissants Etats du monde, entretenait les relations les plus cordiales avec les Etats-Unis, l’Angleterre et l’Espagne, qui, nous l’avons vu, n’étaient pas enclins à reconnaître l’indépendance d’Haïti.
On devait trouver une formule susceptible de ne déplaire à personne, car il fallait tenir compte en outre de l’opinion publique en France. Alors il fut décidé que par une charte le roi Charles X octroierait l’indépendance à l’ancienne colonie de Saint-Domingue moyennant une indemnité, offerte dès le principe, du reste, par le président Pétion pour dédommager les anciens colons.
L’opposition en Haïti se dressa contre la charte et excita le mécontentement populaire contre ce don, cette charité d’une indépendance si chèrement acquise. Quant à l’indemnité, non seulement elle était trop élevée, mais son principe même était discuté. De nos jours encore la charte de Charles X est matière à controverse et jugée selon les sentiments que l’on éprouve pour le gouvernement du président Boyer qui l’avait acceptée. Cependant l’observateur impartial ne peut qu’approuver le gouvernement haïtien d’avoir accepté la charte. La reconnaissance de l’indépendance d’Haïti par la France était incontestablement un succès pour la diplomatie haïtienne.
Le respect scrupuleux des traités et des pactes, la défense jalouse de l’intégrité de son territoire, une solidarité étroite avec les autres Etats du continent, telles étaient les grandes lignes qui devaient se dessiner de plus en plus nettement de la politique extérieure d’Haïti.
Haïti considérait toute atteinte à l’intégrité de son territoire comme une menace à son existence. C’est pourquoi quand, en 1891, l’amiral Bancroft Gherardi, de la marine des Etats-Unis, se présenta avec une flotte importante pour obtenir contre cinq millions de dollars la cession de la baie du Môle de Saint-Nicolas, située en face du canal de Panama (ce qui lui donnait une valeur stratégique de premier ordre), le gouvernement haïtien manœuvra pour décourager l’amiral américain, qui s’en alla les mains vides. Puis vint la guerre hispano-américaine, et les Etats-Unis firent de Guantanamo Bay à Cuba ce qu’ils avaient voulu faire du Môle de Saint-Nicolas. Les années passent. La notion de nationalisme s’est profondément transformée, ses tenants ne sont plus les mêmes. L’intégrité territoriale passe au second plan dans les caractéristiques de la souveraineté. Les forces économiques exercent une pression de plus en plus implacable sur la vie et l’existence des peuples. En regardant en arrière, les générations d’aujourd’hui peuvent discuter le geste de leurs pères refusant l’offre de l’amiral américain… Mais c’est avec le sang versé, c’est avec les sacrifices qu’ils se sont imposés que les fils font la grandeur et la pérennité de leur patrie.
La diplomatie Haïtienne a connu ses années de gloire Elle fût conquérante, entreprenante et triomphale face à une diplomatie Caraibéenne relativement stagnante. La descente en enfer débute il y’a plus de 30 ans.Par ces manipulations informationnelles, Haiti tente vainement de mettre sous le tapis ses nombreux échecs et déconvenues sur la scène internationale .
Dans « Le temps des humiliés », le professeur Bertrand Badie fait de l’humiliation le mode de conduite par excellence de la diplomatie moderne. La politique extérieure d’Haïti est l’expression la plus éloquente de cette pensée du français. Car, depuis un certain temps, nous sommes rabaissés sur le plan international. Notre souveraineté n’est qu’apparence. « Nous appartenons au bataillon des incapables et des inférieurs au niveau international », soutient Hérold Toussaint dans la préface d’un ouvrage de Pierre Raymond Dumas.
Néanmoins, remontant à l’orée de l’histoire diplomatique d’Haïti, nous nous sommes rendus compte que notre diplomatie n’a pas toujours été symbole de déception et d’improductivité. « Malgré les circonstances handicapantes de son avènement au statut d’Etat-nation, notre pays avait souvent brillé dans l’arène diplomatique », phrase de Pierre Raymond Dumas. « Toussaint Louverture, Jean-Jacques Dessalines et Henri Christophe avaient su définir et établir comme prioritaires les intérêts du pays et avaient su les promouvoir dans leurs relations avec les grandes puissances », ajoute-il. Alexandre Pétion de son côté, n’a pas manqué de faire valoir notre capital historique en léguant à la postérité le concept de panaméricanisme.
Outre les moments précités, la diplomatie haïtienne a connu d’autres périodes intéressantes. Mais cela n’empêche que toute l’histoire de ce pays est ponctuée par des chefs d’Etat non diplomates, du moins des dirigeants qui ne maitrisent gèrent le nouvel ordre mondial qui est en train d’émerger. Seulement les présidents Lysius Félicité Salomon Jeune, Sténio Vincent et Elie Lescot échappent à cette règle, par ce qu’ils ont été diplomates avant d’arriver au summum des affaires de l’Etat. Cela étant dit, la diplomatie haïtienne n’a pas toujours été faible.
Pour conclure, nous constatons que la diplomatie Haïtienne revêt des aspects multidimensionnels et pluridisciplinaires : sport, culture, politique, affaires, … A contrario, face à un appareil politique médiocre , le mouvement et trajectoires de la diplomatie reste, jusqu’à preuve du contraire, divergentes. Il est important de rester en éveil et d’œuvrer pour passer le cap et surmonter les obstacles et enjeux y afférents.