Haïti est l’une des îles la plus grande et densément peuplée des Caraïbes ; elle demeure également l’une des plus riches en défis et opportunités. Avec une population de 10,4 millions d’habitants1 , Haïti est aussi l’un des pays plus densément peuplé d’Amérique Latine. Alors que 22 pour cent de la population totale résident à Port-au-Prince, plus de la moitié (52 pour cent) des Haïtiens vivent dans les zones rurales et le reste habite dans d’autres zones urbaines en dehors de la capitale2 . Sa position stratégique au milieu de la mer des Caraïbes, à proximité des États-Unis, sa population active jeune, ainsi que son riche patrimoine culturel offrent un large éventail de possibilités économiques et géopolitiques. Malgré cela, la richesse produite dans le pays est largement insuffisante pour répondre aux besoins de sa population. Aujourd’hui, Haïti reste le pays le plus pauvre de l’Amérique Latine et parmi les plus pauvres au monde, tant en terme de PIB par habitant (1575 dollars PPA de 2011, en 2012) et de développement humain (Haïti se classe 161eme sur 186 pays dans le classement de l’indicateur du développement humain du PNUD) .
La pauvreté est généralisée en Haïti, avec un taux national de 58,7 pour cent et un taux de pauvreté extrême de 23.9 pour cent en 2012. Près de 6,3 millions d’Haïtiens ne peuvent pas satisfaire leurs besoins de base, et 2,5 millions vivent en dessous du seuil d’extrême pauvreté, ce qui signifie qu’ils ne peuvent même pas couvrir leurs besoins alimentaires4 . L’incidence de la pauvreté est considérablement plus élevée dans les zones rurales et dans le Grand Nord5 . Plus de 80 pour cent des personnes en pauvreté extrême habitent dans les zones rurales, où 38 pour cent de la population ne sont pas en mesure de satisfaire ses leurs besoins nutritionnels, par rapport à 12 pour cent dans les zones urbaines et 5 pour cent dans l’Aire Métropolitaine (Figure 2). Les pauvres sont en général géographiquement concentrées dans la région Nord du pays, où les départements du Nord-Est et Nord-Ouest affichent des taux de pauvreté extrême supérieures à 40 pour cent (représentant 20 pour cent du contingent de pauvres extrême du pays), contre 4,9 pour cent dans la région Métropolitaine de Port-au-Prince (représentant seulement cinq pour cent des personnes en extrême pauvreté). L’incidence de la pauvreté est la même parmi les individus vivant dans des ménages dont le chef est une femme ou bien un homme, à environ 59 pourcent : 43 pourcent de la population Haïtienne vivent dans des ménages dont le chef est une femme .
Les ménages qui vivent en dessous du seuil de pauvreté et qui n’ont pas accès aux services de base sont considérés comme chroniquement pauvres. Ils font face à plus de défis pour sortir de la pauvreté par rapport aux pauvres transitoires qui, eux, manquent de ressources monétaires mais peuvent avoir accès aux services de base. Près de la moitié de la population en Haïti sont chroniquement pauvres, ce qui suggère que leurs chances de sortir de la pauvreté et d’améliorer leurs conditions de vie sont fortement limitées (Figure 3). Près de 70 pour cent des ménages ruraux sont considérés comme des pauvres chroniques, par rapport à 20 pour cent dans les zones urbaines : ceci souligne encore une fois, la difficulté des ménages à sortir de la pauvreté dans les zones rurales d’Haïti. D’une part, seulement 14 pour cent des ménages sont transitoirement pauvres à l’échelle nationale, en ce sens qu’ils manquent de ressources monétaires, mais ont accès aux services de base ; de ce fait, ils sont plus susceptibles d’être en mesure de passer au-dessus du seuil de pauvreté. D’autre part, 12 pour cent des ménages vivent au-dessus du seuil de pauvreté modérée, mais n’ont pas d’accès aux services de base, ce qui suggère qu’ils n’ont pas les moyens d’améliorer leur bienêtre de façon durable et risquent de retomber dans la pauvreté. La proportion élevée de pauvres chroniques est inhabituelle pour la région latino-américaine et souligne les défis structuraux qui caractérisent la lutte contre la pauvreté en Haïti.
Un million de personnes vivent juste au-dessus du seuil de pauvreté et pourraient être poussées au-dessous à la suite d’un choc quelconque ; ce qu’implique que près de 70 pour cent de la population sont soit pauvres soit vulnérables à la pauvreté (Figure 4)8 . Seulement 2 pour cent de la population possèdent un niveau de consommation qui excède les 10 dollars par jour ; ce qui représente le seuil de revenu de la région Latino-Américaine pour définir la classe moyenne. Tous les ans, un ménage haïtien typique doit faire face à plusieurs chocs. Environ 75 pourcent des ménages ont été affectés économiquement par au moins un choc, en 2012. Les individus se trouvant en pauvreté extrême sont plus vulnérables aux chocs et à leurs conséquences: 95 pourcent d’entre eux étaient frappés par au moins un choc en 2012, produisant un impact économique. Les catastrophes naturelles, en particulier, ont un grand potentiel perturbateur puisqu’elles affectent l’agriculture, principale source de revenu pour la plupart des pauvres résidant dans les zones rurales. En effet, l’évidence empirique montre que les chocs covariés les plus communs sont ceux liés au climat, alors que le choc idiosyncratiques les plus communs relèvent de la santé .
Les données disponibles sur la pauvreté fournissent des instantanées du niveau de bien-être au début du 21ème siècle et en 2012, et ne permettent pas une analyse détaillée de la façon dont chacun de ces chocs a affecté les ménages. Toutefois, la comparaison de ces deux moments dans le temps fait penser que le bien-être s’est amélioré en dépit des chocs recourant. En particulier, au niveau national, la pauvreté extrême est passée de 31 à 24 pour cent entre 2000 et 2012 (figure 5)10. Des améliorations dans les zones urbaines expliquent cette baisse de la pauvreté. En effet, l’extrême pauvreté est passée de 21 à 12 pour cent dans les zones urbaines, de 20 à 5 pour cent dans la région métropolitaine, alors qu’elle a stagnée dans les zones rurales à 38 pour cent. Bien que les données ne soient pas disponibles pour évaluer les tendances de la pauvreté modérée en terme de consommation, il est raisonnable de penser qu’une modeste amélioration a également eu lieu, au cours de la dernière décennie.
Les gains les plus importants ont été enregistrés dans le secteur de l’éducation, où les taux de fréquentation scolaire d’enfants en âge scolaire est passé de 78 à 90 pour cent. Cependant, la qualité de l’éducation reste faible: en raison d’une combinaison de début tardif, d’abandons et de redoublements, seulement un tiers de tous les enfants âgés de 14 ans se trouvent dans la classe appropriée à leur âge12. Le taux de défécation en plein air a diminué de 63 à 33 pourcent au niveau national entre 2000 et 2012, reflétant des gains dans les zones urbaines et rurales. Cependant, la qualité de l’accès à l’assainissement reste faible, et en 2012 seulement 31 pour cent avaient accès à un assainissement amélioré au niveau national et moins de 16 pour cent dans les zones rurales13. L’accès à des sources d’eau à boire améliorées est similaire en zone urbaine et rurales, à 55 et 52 pourcent respectivement : cependant, la plupart des ménages n’ont pas accès en zone urbaine (36 pourcent) achètent l’eau propre sur les marché ; le restant 9 pourcent utilise des sources d’eau non-améliorées. Au contraire, ceux qui n’ont pas accès en zone rurale (44 pourcent) n’ont pas cet option, et utilisent des sources d’eau non-améliorées (eau de rivière ou bien puits non protégés), avec une haute probabilité de contamination. L’accès à l’énergie (électricité, solaire, ou générateurs) n’a que légèrement progressé grâce à des gains dans les zones urbaines et est resté constant dans les zones rurales à 11 pour cent .
Les améliorations sont fortement liées à des flux financiers externes tels que l’aide et les transferts privés de l’étranger plutôt qu’a des politiques nationales visant à dynamiser la croissance ou la redistribution. Les populations rurales pauvres sont particulièrement vulnérables avec l’inégalité croissante, une forte dépendance au secteur agricole erratique, un accès plus limité aux transferts privés, et des très faibles niveaux d’accès aux services de base (qui a également connu des taux d’amélioration inferieurs aux zones urbaines dans les années 2000).
Une solidarité économique favorisant la sécurité alimentaire, l’accès au crédit, la lutte contre la précarité énergétique. C’est un choix politique : l’aide internatinale avec Haïti sera-t-elle encore et surtout celle de pompiers de service ou plutôt celle d’architectes du développement en 2020?