“La haute couture, c’est technique et patience. On peut facilement passer deux mois sur une robe ” Helmer Joseph
Cet été, le public montréalais pourra découvrir au musée McCord l’exposition Christian Dior, qui réunit des créations du couturier allant de la période de 1947 à 1957, tirées de la collection permanente du Musée royal de l’Ontario, de la collection Costume, mode et textiles du musée McCord et de prêts de Dior Héritage. Une plongée qui s’annonce fascinante dans l’univers de la haute couture parisienne et de ce créateur connu pour avoir révolutionné la mode d’après-guerre avec son « New Look ».
Mais il y a plus. Le musée avait en sa possession trois patrons papier provenant de la maison Dior, datés de la fin des années 50. Des patrons qui ont probablement été fournis, à l’époque, à un acheteur de licence montréalais, explique Cynthia Cooper, chef, collection et recherche, ainsi que conservatrice, costume, mode et textiles, pour le musée McCord. « Au Canada, c’était Holt Renfrew, à partir du milieu des années 50, qui avait la licence pour la maison de couture. On faisait des Dior ici, à Montréal, pas des reproductions ou des copies ; des modèles autorisés par la maison. »
Reconnaissant l’intérêt historique de ces patrons « si quelqu’un était en mesure de les comprendre », le musée McCord a élaboré le projet de redonner vie à ces créations. « Cela m’a semblé intéressant de pouvoir faire comprendre au public tout le processus qui est derrière la réalisation d’une robe Dior, telle que conçue dans les années 50, avec toutes les techniques de la haute couture », ajoute Mme Cooper.
Et qui de mieux pour mener ce projet inédit que le couturier Helmer Joseph ? Originaire d’Haïti et ayant vécu à Paris et à Montréal, celui qui est retourné dans sa terre natale depuis deux ans a une feuille de route impressionnante.
Un des rares Québécois à avoir étudié à la Chambre Syndicale de la Haute-Couture parisienne, il a œuvré au sein des plus grandes maisons de couture parisiennes, comme Louis Vuitton et Chloé, et a côtoyé les plus grands couturiers, parmi lesquels John Galliano, Thierry Mugler, Karl Lagerfeld et Christian Lacroix.
“J’ai eu la chance de voir ce qu’était la vraie haute couture ; les défilés, les collections, les préparations, les ateliers, les exigences… La haute couture, ce n’est pas juste fourrer une robe sous la machine ; il y a le plaisir de l’artisan, il faut une satisfaction.”
Helmer Joseph
Pour Galliano, Helmer Joseph a d’ailleurs travaillé à une époque pour la maison Dior. Chez Mugler et Maison Rochas, il a aussi pu faire sa main sur les robes de soirée finement travaillées. Le défi que lui a proposé le musée l’a intéressé assez pour qu’il vienne et reste à Montréal plusieurs semaines afin de donner vie aux trois modèles de robes nommées Bella, Dolores et Arthénice, dans un studio mis à sa disposition par l’École supérieure de mode de l’UQAM. Il y travaille sans relâche 7 jours par semaine, 12 heures par jour, dit-il.
« Pour moi, c’était des contraintes assez intéressantes, à la fois artistiques et techniques. Il faut aller chercher l’esprit de la maison, aller chercher le volume, les finitions… Dior Héritage donne son approbation, donc ce n’est pas une libre interprétation. Tout le monde veut que ça soit parfait et on attend de l’excellence », un fait qui, de toute évidence, le motive plutôt que le stresse.
C’est un véritable travail d’orfèvre que celui demandé par la haute couture, un exercice où Helmer Joseph semble être comme un poisson dans l’eau. Il nous raconte avoir passé près de trois jours sur le jupon qui va sous l’une des robes. Un nœud, à la taille du modèle Bella, sera probablement le détail sur lequel il estime qu’il passera le plus de temps pour cette robe somme toute « simple » qu’il trouve « assez harmonieuse ». « Parfois, un petit détail qui a sa valeur visuelle va nécessiter une grande part du travail technique », explique-t-il.
En fin de compte, ces robes se veulent les plus fidèles possible à ce que faisait Christian Dior lui-même lorsqu’il était à la tête de la maison dans les années 50, qu’on parle des techniques ou des matières utilisées — organza de soie, mousseline et coton ottoman ont notamment été sélectionnés par Helmer Joseph et l’équipe du musée, en regardant des photos d’archives, lorsqu’elles étaient disponibles.
Les robes deviendront de véritables ambassadrices de l’exposition et seront notamment portées au Bal annuel du musée par trois de ses donatrices, en mai. Tout le processus de création et le travail technique d’Helmer seront, quant à eux, documentés par le musée McCord.