la carrière du maestro Levy n’a jamais connu de pause. Cultivant son naturel, le gé nie de la musique est culte car il est à la fois un icôn de la musique jazz dans le nord du pays, un égérie Directeur musical ,un doyen de la musique haïtienne, pour sa constance, son courage, sa persévérance, son génie, sa ténacité, tout en gardant un lien affectueux avec son public.
Fils d’un éducateur d’origine juive, Monsieur François Nicole Lévy, pianiste de très grande classe est né au Cap-Haïtien en 1952, quatre ans après la création du Jazz Septentrional. Son père fut un organiste consommé, professeur de solfège et de musique, fondateur et directeur d’une école primaire où il forgeait les âmes de garçonnets portant la cravate noire, fondateur et directeur d’une chorale très prisée aux grands-messes du dimanche à la Cathédrale du Cap-Haïtien. François Nicole Lévy Le petit nicole allait suivre les traces de son père, encouragé d’ailleurs par celui-ci. En effet, Maître Marius M. Lévy, ayant remarqué l’intérêt que portait son fils au piano, l’inscrit aux cours particuliers de Mlle Liliane Sam, fille du Président Vilbrun Guillaume Sam. Qui a eu le bonheur d’écouter Mlle Sam au piano comprendra aisément que la touche de nicole est toute imprégnée de celle de son professeur, elle-même influencée par l’Ecole de Vienne. D’où l’amour que le jeune pianiste voua à Chopin et à ses disciples haïtiens, Justin Elie et Ludovic Lamothe, le « Chopin noir », aux dires du célèbre viloncelliste russe, Bogumil Zygora. L’Hymne à Damballah ou l’Hymne à Legba de Elie, les méringues de Lamothe ont dû le marquer puisqu’on le retrouve plus tard dans la mouvance « rasin » avec le groupe Sakad qu’il fonde en compagnie de Ronald Félix, et plus tard, avec le groupe Fusion. Vers les années 60, le jeune adolescent Nikol était déjà connu comme un virtuose du piano dans cette belle ville du Cap-Haïtien où florissaient tant d’artistes : Gousse, Nancy Bertrand, Gérard Blot, fils de Louis Blot qui fit partie de l’Orchestre Philharmonique de la Grande Rivière du Nord. Lors d’un récital au Collège Notre Dame du Cap-Haïtien, où il faisait ses classes secondaires, il exécuta avec une rare maestria les Polonaises de Chopin. Il faut dire que de Chopin, le timide et mélancolique Nikol connaissait tout le répertoire : les impromptus, les ballades, les préludes, les nocturnes, les sonates, les mazurkas, les scherzos, les valses, etc. Le maître de cérémonies, Gérard Agénor, se rappelle qu\’au moment où il vantait les qualités du jeune virtuose, après qu’il eût exécuté la Polonaise Héroïque, celui-ci l’arrêta net, lui arracha le micro, pour dire : « Le speaker est trop bavard ». Ce qui lui valut une salve d’applaudissements à laquelle il ne s’attendait pas. Pour peu, sa timidité l’empêchait de poursuivre son récital. Nicole a un autre visage connu uniquement de ses amis d’enfance.
Le docteur Didier Toussaint parle, lui, du footballeur discipliné qu’a été son ami. Jouant à la place de demi-attaquant, nicole ratissait toutes les balles et mettait souvent en orbite Didier ou Gary César, la paire d’attaque de la redoutable équipe du Champ de Mars, qui marquaient des buts d’anthologie. Il était craint de ses adversaires sur le terrain, malgré son physique qui ne payait pas de mine. Ces qualités d’organisateur de jeu, nicole les transposa dans le champ musical pour le bien des groupes musicaux qu’il dirigea et de ceux qu’il dirige encore. Vers le début des années 70, le jeune nicole Lévy s’expatrie pour fuir la tyrannie des Duvalier qui chassait les jeunes aux idées avant-gardistes au Cap-Haïtien et dans tout le pays. Il passe quelques mois au Canada d’où il s’envole pour Bordeaux, en France. Il y séjournera un an. Au cours de son séjour en territoire français, il eut l’occasion de suivre des cours particuliers de musique. Il reviendra en Amérique du Nord. Là, il s’établit à New-York où il s’adonne à la musique engagée en composant pour les groupes Tanbou Libèté et Soley Leve des morceaux à succès tels « Ansanm, Ansanm », «Lalam tiré ». Vers la fin des années 70, il exécute les interludes de l’album « Flè Dizè » de Jean-Claude Martineau. De vrais bijous ! Analysant le style de Nikol Lévy, dans son livre «Tambours Frappés, Haïtiens Campés », Monsieur Ed Rainer Sainvil dit ceci : « Claviériste épanoui, il a évolué dans un style tout en tonalité, paré de sa solide formation conventionnelle, en attachant plus d’importance à la rigueur et à la discipline. Avec, toutefois, un jeu qui se permet quelques envolées improvisées.» Du classique au folklore, nicole devait glisser vers la musique de danse haïtienne. Avec d’anciens musiciens de l’Orchestre Septentrional, Jean-Claude Edouard, Robert Menuau, Eddy Leroy, Arlet Pierre, on le retrouve au sein du groupe compas PHASE ONE dont il est le maestro. Son morceau « An-Avanse » est « une chaîne de modulations, de rythmes brisés qui, finalement, aboutit au Compas, gai et enthousiaste ». Nikol, dans les années 70-80 Toujours dans les années 80, on le retrouvera, arrangeur et musicien des groupes SYSTEM BAND, FEDIA LAGUERRE et autres. Il reviendra au folklore de son pays tant aimé avec le groupe SAKAD. Sur l’album REBATI AYITI, il nous fait du voodoo rock, ce qui est interprété par certains conservateurs capois comme une révolte contre la bonne éducation religieuse qu’il reçut au sein de sa famille. O sacrilège ! Le fils de Maître Marius M Lévy, parti de la musique conceptuelle classique et solennelle, abouti à la musique vaudou ! Il a dû être voué à toutes les gémonies. Heureusement que l’enfer le refusa, puisque, de retour dans son pays natal, il prend la relève discrète de son père en dirigeant l’école que celui-ci légua à la ville du Cap-Haïtien et qui vit passer sur ses bancs tant de gloires capoises. Nicole la dirige avec son humilité, sa simplicité provierbales, alliant ses convictions arrêtées aux bonnes vieilles traditions capoises. Hulric Pierre-Louis, le co-fondateur et maestro du Grand Orchestre Septentrional, sentant ses forces décliner, fait appel à nicole pour en prendre la direction musicale, sur proposition du docteur Harry Prophète appuyé par un groupe d’indéfectibles supporteurs, tels que François-Marie Michel, Raymond Menuau, Fritz Newbull, Eddy François, Wilfrid Hyppolite. Ce fut pour le plus grand bien de cette institution doyenne de la musique haïtienne. Il y apporte la rigueur et la discipline dont parle Sainvil, cette même rigueur, cette même discipline qui avaient permis à Hulric de faire ce long chemin avec l’orchestre jusqu’à son retrait en 2003, soit 55 ans après avoir co-enfanté avec Jean Menuau, Raymond Jean-Louis, Léandre Fidèle, Rigaud Fidèle, Théodule Pierre, Jacques Mompremier, Pierre Volonté Jacques, le JAZZ SEPTENTRIONAL qui allait devenir l’Orchestre Septentrional, et aujourd’hui LE GRAND ORCHESTRE SEPTENTRIONAL.
Hulric et Nikol nicolel re-écrit les partitions des anciennes compositions de Septent, les arrange et les fait exécuter par les jeunes musiciens de l’orchestre entourés des anciens jeunes encore présents au sein de cette institution vieille aujourd’hui de soixante ans. Il compose aussi pour l’orchestre. Sa chanson, « DEMEN », figurant sur le dernier album du Grand Orchestre Septentrional est un vrai diamant qui fait briller de tous ses feux la « BOULE DE FEU INTERNATIONALE ». Sa grande maîtrise de l’écriture musicale lui valu des éloges du chef d’orchestre de « SYMPHONY OF THE AMERICAS », James Brooks, lors du passage de cette philharmonique à Labadie. En effet, Nikol aura fait du classique CITE DU CAP-HAITIEN de Septent, une version instrumentale qu’il soumit audit chef d’orchestre. Celui-ci lui en remettra la baguette au moment de l’éxécution. Parallèlement, il dirige au Cap-Haïtien un groupe musical d’inspiration vaudou, GOVI, qui s’est récemment produit au cours d’un festival au Vénézuéla. Des musiciens du Grand Orchestre Septentrional en font partie, tels Jocelyn Alcé (Ti-Bass), Rolain Valbrun au sax alto, Evens César, sax tenor, Joseph Miratel, à la percussion, Junior à la trompette. Hervé, le chanteur, un ténor classique, est de confession vaudou. Nikol, bien sûr, est au piano où il explore en toute liberté la dimension percussive du clavier, à la manière de son mentor, Ludovic Lamothe. C’est dire que Nikol a de la suite dans les idées. Qu’on se rappelle la chanson « KOUZEN » de PHASE ONE, « mariage d’un air puisé dans notre folkore avec le rythme à la mode, le Compas… C’est l’ancien mis au service du nouveau.» L’ancien au service du nouveau, c’est la philosophie qui traverse le Grand Orchestre Septentrional, sous la direction musicale de Nikol Lévy. A écouter ces jeunes musiciens interpréter « MARYANA » ou « TIFI A» ou encore « PASE CHEVE », on se demande, des deux interprétations, les anciennes ou les nouvelles, lesquelles plaisent le plus. A vous de juger !
Ce n’est donc pas par hasard que Monsieur nicole Lévy devient le Directeur musical du doyen de la musique haïtienne, le GRAND ORCHESTRE SEPTENTRIONAL. C’est le fruit de sa constance, de son courage, de sa persévérance, de son génie, de sa ténacité, de sa main de fer. N’a-t-il pas grandi à l’ombre de Maître Ma, son père, forgeur d’âmes comme notre Roi Henri ? Il devait forcément reproduire l’un ou l’autre, le père ou le Roi, pour la plus grande gloire de notre bonne vieille CITE DU CAP-HAITIEN.
« Septen va durer…durer…durer pour longtemps », a averti le Maestro de l’orchestre, Ulrick Pierre Louis, dans un entretien qu’il nous a accordé.
« l’Orchestre a connu des moments difficiles,mais a su les surmonter », a-t-il souligné.
« Nous avons résisté dans les mauvais moments …et nous résisterons encore…car nous avons un long parcours à effectuer », a-t-il poursuivi.
« Nous sommes loin de baisser pavillon…Notre objectif est d’atteindre 42 autres années », indique le mythique maestro de 78 ans, dont les services de saxophoniste ne sont plus requis au sein de l’Orchestre, en raison de son âge avancé.
D’ailleurs, depuis environ deux ans (Nov-Déc 2004), la Direction musicale et artistique de l’Orchestre a été confiée à Nicole Lévy, un ancien compositeur et arrangeur de System Band et de Sakad, qui a également collaboré avec des artistes comme Roger Colas et Carole Démesmin.
Ayant vécu aux Etats-Unis depuis plusieurs décennies, Nicole Lévy a donc établit son QG dans la deuxième ville du pays, le Cap-haïtien (sa ville natale).
Selon le maestro Levy, de grands changements ont été apportés au sein de l’Orchestre « afin de s’adapter au besoin du moment ».
« Nous avons aujourd’hui une équipe très jeune… Des 16 musiciens que compte Septen, seulement 4 font partie de l’ancienne génération », a fait remarquer le Directeur musical et artistique de « la boule de feu internationale », avant d’ajouter : « cela ne veut surtout pas dire que l’Orchestre va abandonner son rythme de feu ».
« Septen a connu plusieurs étapes au cours de son existence », a souligné le musicien. « Au début, l’Orchestre était très proche des rythmes folkloriques, des rythmes traditionnels (congo, ibo, contredanse, rabòday)… Cette première génération était également très influencée par les musiques latino-américaines, spécialement la musique cubaine ».
Selon Lévy, « avec l’arrivée du Compas direct, Septen a du rectifier le tir afin de s’adapter à ce nouveau rythme apporté par Nemours Jean Baptiste. D’où la naissance du rythme “boule de feu”, qui est une fusion des rythmes traditionnels et du Compas.
Aujourd’hui, « pour survivre, Septen doit à la fois conserver certains de ses aspects fondamentaux et aussi s’adapter avec l’évolution du Compas », soutient Nicole Lévy.
Le Septentrional a été honoré à l’occasion de ses 50 ans (1998) par les présidents René Préval (haïtien) et Bill Clinton (américain).
Francois nicole Levy a une vision humaniste et bienveillante de son métier, rappelant à ceux qui le croisaient qu’il faut toujours s’attacher à comprendre les trajectoires des personnalités, sans les juger, sans les salir, tout en assumant la révélation des faits ». Une belle leçon où à l’heure d’internet ces principes donnent parfois le sentiment de se réduire en peau de chagrin.
Jusqu’au bout, Levy reste actif, les yeux gourmands sur cette musique qui n’a jamais cessé d’exciter sa curiosité et son intellect. Il s’enthousiasme de manière contagieuse ou s’écrier devant le spectacle du monde. Toute sa vie, il a garde aussi cette exigence de liberté musicale, d’indépendance vis-à-vis de tout dogme , rythme ou parti pris, cette volonté de qualité qui n’excluait pas la passion de faire savoir et la gourmandise pour la vie et la musique. Il parvient magnifiquement à communiquer cet état à ceux qui le connaissaient, un exemple pour toute une génération .
Henry Beaucejour
Photo credit :Chokarella
Source:
https://dicocitations.lemonde.fr/citation_auteur_ajout/8252.php
https://lenouvelliste.com/article/61146/nikol-levy-directeur-musical-de-lorchestre-septentrional
https://www.alterpresse.org/spip.php?article5020#.XvOSVjpKiUk