Mafia, régime mafieux, pillage et corruption, les rumeurs se transforment en vérités irréfutables et ne font désormais plus aucun doute. Quant aux coupables, ils sont identifiés et ne peinent guère pour renvoyer les accusations ou défendre leur honneur. Pire encore, ils continuent à circuler librement, à agir et à abuser en toute impunité.
Tout cela dévoile une réalité incontestable : une mafia qui gouverne en Haiti au vu et au su de tout le monde. Pour argumenter notre allégation nous avons fait recours au procédé scientifique qui dissèque le phénomène ou « l’objet étudié » à la lumière de sa conception épistémologique.
En effet, le criminologue français Thierry Cretin attire notre attention sur le fait qu’il n’est pas nécessaire de mettre de majuscule au mot mafia qui désigne d’évidence, écrit-il, la grande criminalité organisée dans l’esprit commun (Criminalité internationale, p 137)
Mafia est donc synonyme de la criminalité organisée et définie comme étant :
« …une société qui cherche à exercer ses activités en dehors du contrôle des citoyens et de leur gouvernement. Son action n’est pas improvisée mais résulte de conspirations très complexes ourdies pendant de nombreuses années et destinées à procurer le contrôle d’un champ complet d’activités en vue d’accumuler le plus de profits possibles ». (Crime Control Act de 1970) Au niveau de l’Union européenne, en octobre 1999, la criminalité organisée est définie comme la collaboration de plus de deux personnes pour une période assez longue, indéterminée, suspectée d’avoir commis des infractions pénales graves pour le pouvoir ou le profit. (CRIMORG 55, REV 1) Dix ans avant, en 1988, l’Organisation internationale de police criminelle (Interpol), a proposé la définition suivante :
« Toute entreprise (ou groupe de personnes) engagée dans une activité illégale permanente ne tenant pas compte des frontières nationales, et dont l’objectif premier est le profit ».
Ces définitions constituent de solides points de repère :
1/ la collaboration entre plus de deux personnes,
2/ des tâches spécifiques étant attribuées à chacune d’entre elles,
3/ sur une période de temps assez longue ou indéterminée,
4/ avec une forme de discipline et de contrôle,
5/ suspectées d’avoir commis des infractions pénales graves,
6/ agissant au niveau international,
7/ recourant à la violence ou d’autres moyens d’intimidation,
8/ Utilisant des structures commerciales ou de type commercial,
9/ se livrant au blanchiment de l’argent,
10/ exerçant une influence sur les milieux politiques, les médias, l’administration publique, le pouvoir judiciaire ou l’économie,
11/ agissant pour le profit et/ou le pouvoir.
Il est exigé la concomitance d’au moins six critères dont obligatoirement les n° 1, 5 et 11. La mafia haitienne n’est-elle pas donc un véritable cas d’école ? Sinon lequel des critères fait-il défaut ?
L’on a parlé longtemps de l’identification entre Etat et Parti en Tunisie mais jamais de la relation organique entre Etat et mafia.
C’est à notre humble avis dans cette dernière qu’il faut chercher la clé de la politique haitienne depuis 1804. Tous les phénomènes pathologiques ravageant le paysage haitien sont étroitement liés à cette relation à la fois énigmatique et diabolique. Et c’est cette métamorphose de l’Etat haitien d’un Etat – parti à un Etat – mafia qui fait toute la différence entre les acteurs .