Depuis sa première apparition discographique au tournant des années 80, Isnard Douby n’a cessé de déjouer les codes de la bienséance musicale. Il a, plus précisément, maîtrisé à la perfection les règles académiques pour s’en amuser et expérimenter.Un artiste multidisciplinaire respecté qui peut s’enorgueillir d’avoir franchi les barrières de style avec aisance et intelligence. Sa complicité avec les grands de la musique, sa camaraderie avec les musiciens de son époque, son ouverture d’esprit et son désir irrépressible d’innover, ont nourri sa notoriété et son aura à travers le monde musical.
Le trompettiste chanteur fit ses études au lycée de Pétion-Ville en compagnie de plusieurs de ses amis musiciens. À cette époque-là, le lycée était dirigé par un personnage rectiligne, Marc Klébert Cantave, qui imprimait sa marque avec justesse et respect, répétaient souvent les anciens de ladite école. Douby fit ses premiers pas de musicien dans la fanfare de l’institution avec son instrument favori : la trompette.
Le maestro débuta sa carrière de musicien professionnel avec les Frères Déjean où il était à la fois chanteur et trompettiste. Depuis, Isnard Douby étalait sa classe, s’imposait comme un vrai pro. Il était un des fers de lance de la bonne musique du groupe jusqu’au System Band, avec des titres les uns plus percutants et succulents que les autres. Des textes bien structurés et surtout avec des arrangements de haut niveau comme Belle Déesse, Haïti, Malere. Du bon compas direct, tout bon vre.
Le maitre à penser du System Band a déposé sa voix sur des dizaines de compositions et dans près de sept albums avec les Frères Déjean tels que : Bouqui ak Malice, kote mennaj ou, pa gen pan’n, l’univers, sans rancune, signé Dejéan. De la bonne marchandise comme aimait dire le chanteur. De la bonne qualité de musique. Qui ne se souvient pas du super hit Marina, chanté par un Isnard Douby tout feu toute flamme ? De par son timbre vocal hors du commun et sa maîtrise de son instrument, il a traversé le temps.
En 1981, après une brouille ultime avec les Dejean lors d’une tournée au pays d’Obama, il fonda son propre groupe : le System Band, le caramel Machiavel. Dès lors, une nouvelle aventure commença pour lui et sa bande qui, dans leur première production ont demandé du passage avec Banm pase. Douby savait que ce n’était pas gagné d’avance dans le « Big Apple » et il fallait bosser pour créer sa place dans la faune musicale qui comptait déjà les Skah Shah # 1, Accolade, Tabou Combo, le Djet-X et qui régnaient. Il avait foi en sa bonne étoile. L’espoir qu’une fois le marché pénétré, son immense talent ferait tout le reste. Le tout premier disque du groupe, « toupiti nou nan mitan yo », a eu un succès retentissant.
Le maestro interpréta un titre prémonitoire sur cet album: Pita pi tris. Savait-il que les choses allaient chambarder un peu partout à travers le monde ? Et depuis lors, le maestro est devenu une bête de scène infatigable avec le System. Cependant, à la suite d’une opération chirurgicale à la gorge, il a dû effectuer un choix, après l’avis de son médecin traitant, entre la trompette et le chant. Le choix était vite fait! Ne reconnaît-on pas l’homme par sa voix ? Les consommateurs du compas direct et du System n’ont pas perdu une miette du talent de l’ancien du lycée de Pétion-Ville. Au contraire, il devint une usine à fabriquer des slogans. Un propagateur infatigable , émérite de slogans du genre : Alatraka, bel moun, ayimanman, wapbammagi pou karamel et j’en passe. Il riait aussi sur les musiques avec une ironie débordante et sans pareille, bien avant Michael Jackson.
Avec le Sytem Band, Isnard a donné sa pleine mesure. Le groupe a à son actif une quinzaine de disques : Anita, Baton Moise, Viagra, Cesar, kote’mye la, Vacances, Cumberland, Gladia, janlpaselpase, etc.
Après s’être mis, dès son plus jeune âge, comme bien d’autres musiciens avant lui, au service de la communauté pendant plus d’une décennie à faire chanter, danser et parfois même piaffer les mordus du compas direct, le maestro Isnard Douby, musicien dans l’âme, sans rival, a inscrit son œuvre dans la pierre. Sa musique fait partie du patrimoine culturel de notre pays. Isnard Douby est un intemporel. Sa voix de ténor percutante, forte, lourde, comme celle d’un prêtre vodou qui animait une cérémonie d’une semaine, sans répit, continuera de résonner encore et encore dans les têtes, donnant aussi, la chair de poule à la cantonade. Le musicien Isnard Douby avait conquis les cœurs et les esprits pendant sa longue carrière. L’homme au grand cœur laisse un vide immense dans la communauté. Sigue maestro !
Chaque album, chaque concert, chaque apparition d’Isnard Douby appelle des réactions, souvent dithyrambiques, parfois dubitatives.
Isnard Douby reste ce touche à tout de génie qui continuera à nous surprendre tant que brillera la flamme de son inspiration débordante.