« Il faut être suffisamment mégalomane pour viser les sommets, quelque peu paranoïaque pour faire face aux trahisons et plus ou moins psychopathe pour éliminer ses adversaires » (Pascal De Sutter)
Par Joel Leon
Si « Robin des bois » opérait contre les riches en faveur des pauvres, notre Robin des bidonvilles, Jimmy Cherisier, agit contre les pauvres en Haïti. La vie est impossible avec la multiplication quotidienne des cas de kidnappings à travers le pays. Les principales victimes sont celles qui n’ont presque rien. Les kidnappeurs séquestrent une marchande de victuailles, la fille d’une vendeuse de « fritay », le fils d’un instituteur d’école…Parfois, des citoyens de la classe moyenne, seulement par titres, sont aussi appréhendés.
Ainsi va la vie sous l’emprise de la fédération des gangs armés, G-9, de Barbecue. C’est une grande première, probablement le seul pays qui fait l’expérience d’une organisation publique de gangsters. Même la « Cosa Nostra », la mafia sicilienne ou américaine ne jouissait d’une telle notoriété officielle. « Matra Salvatrucha », appelé MS-13, quoique jouissant d’une capacite opérationnelle internationale, ne savourait pas cette reconnaissance médiatique. D’ailleurs Armando Eliu Melgar Diaz, l’un des principaux chefs du MS-13 vient d’être inculpé aux Etats-Unis, dans l’état de Virginie. Il est actuellement en prison au Salvador, d’autres sont enfermés au Guatemala, Mexique, Panama…
Haïti est le seul pays ou les chefs de gangs se font photographier avec les plus hauts responsables de l’état, incluant les présidents Jovenel Moise et Michel Martelly. D’ailleurs, dans une déclaration du responsable de la célèbre organisation des droits de l’homme en Haïti, RNDDH, Mr Pierre Esperance a déclaré publiquement que le G-9 est une création sur mesure de Michel Martelly. C’est une stratégie politique en prélude aux élections à venir. Donc, les gangs sont une arme politique.
D’après un ancien diplomate américain qui participait à la surveillance des dernières élections de 2016, les gangs favorisaient la victoire du parti PHTK, au pouvoir depuis une décennie. La mission des groupes armés est de créer un climat de terreur par des exécutions sommaires, des vols spectaculaires, des kidnappings au grand jour… afin de porter tout potentiel votant à réfléchir mille fois avant de s’aventurer dans un bureau de votes le jour des élections.
D’ailleurs, ce n’est plus un hasard que si les groupes armés sont particulièrement plus actifs dans deux départements géographiques distincts du pays : l’Ouest et l’Artibonite. A eux seuls, ils représentent plus de 50% de l’électorat national. Donc, quiconque gagne ces deux départements est élu automatiquement président de la république. Jimmy Cherisier, l’éminence grise du G-9, le comprend très bien.
Nous parlons de groupes armés, mais fondamentalement ce sont d’insolites entités qui utilisent des méthodes criminelles pour atteindre des objectifs politiques. La dernière scène de protestation de ces groupes dans les rues de la capitale « contre le kidnapping » lève la voile sur leur objectif. Non seulement des hommes recherchés par la police circulaient avec des armes de guerre, la plupart sans cagoules, sous la protection des autorités policières elles-mêmes. Ils lancent des slogans hostiles a l’opposition en faveur du pouvoir en place. En conséquence, G-9 et alliés est un regroupement politique. Rappelez-vous que l’objectif de tout parti politique est de prendre le pouvoir.
C’est pourquoi que des informations persistantes faisant croire que le G-9 vise les 3 circonscriptions politiques de Port-au-Prince, ceux de Delmas, de Cité Soleil, de Pétion-ville, de la Croix-des-Bouquets et de Carrefour pour lancer des candidats à la députation. Le G-9 convoite aussi les 3 postes sénatoriaux du département de l’ouest. Cette même source fait état de la discussion en cours, elle se situe au niveau de la stratégie à adopter. A savoir si les candidats du G-9 porteront leur propre « chapeau légal » ou s’ilsparticiperont sous le label d’une grande plateforme politique. A faire remarquer que le G-9 est déjà présent dans l’administration publique par l’obtention de plusieurs directions générales.
Jimmy Cherisier mérite qu’il soit pris comme un prétendant sérieux avec des appétits politiques démesurés. L’homme est singulier. Il est un grand communicateur. Il n’a pas froid aux yeux et d’après tout indice, il semble qu’il est brave. Il est un ancien policier qui connait bien les armes. Il exerce une influence considérable autour de lui. S’il arrive à maintenir une apparente harmonie au milieu des chefs de gangs pendant près d’un an, cela reflète une certaine capacité de leadership.
D’après plusieurs informations, Jimmy Cherisier contrôle plusieurs policiers en activité au sein de la PNH. Ils le respectent et obéissent aveuglement à ses ordres. Ils sont éparpillés dans plusieurs corps spécialisés de la PNH. C’est pourquoi il reste bien informé de tous les mouvements et gestes de la chaine de commande, incluant le directeur de la police lui-même.
Cependant, Jimmy Cherisier a un problème majeur, les américains. Washington veut la tête de celui-ci, la demande a été communiquée directement a Jovenel Moise. Ce dernier a toujours tout fait pour plaire au grand patron blanc. Barbecue le sait aussi, c’est pourquoi qu’il se méfie énormément du pouvoir en place. Il se recroqueville sur les alliés policiers plus que sur les hommes du pouvoir, d’ailleurs ce sont des agents de l’ISGPN qui désormais assurent le va-et-vient entre eux.
Jimmy Cherisier, dit Barbecue, finira-t-il comme tous les autres chefs de gang avant lui ?
Joel Leon