La Constitution de 1987 canalisa ce flot de revendications qui avaient abouti à la chute de la dictature, au milieu d’une effervescence politique sans précédent. Allant dans le sens d’une libéralisation profonde des pratiques politiques, et bien au-delà de la simple démocratie représentative, elle apporta des innovations significatives au système.
– L’adoption d’un régime semi-parlementaire, dans le but de réduire le rôle et les déviations possibles de la présidence. Cette disposition conféra un plus grand pouvoir au Parlement et au Premier Ministre dont la fonction de chef de gouvernement introduisit un facteur d’équilibre au sein de l’Exécutif et dans les rapports entre l’Exécutif et le Législatif.
– La non-réélection du Président et la prohibition de tout référendum modifiant la durée du mandat présidentiel.
– Des normes rigoureuses régissant tout amendement de la constitution évitant ainsi toute manipulation de la part de l’Exécutif ou
du Parlement pour modifier la charte constitutionnelle.
– La décentralisation administrative et municipale conçue dans une vision globale facilitant la modernisation de l’État, la participation civile dans la gestion publique, dans la nomination des juges et la formation de la Commission Électorale Permanente.
– L’obligation, imposée à l’État de promouvoir l’alphabétisation, la réforme agraire, la reconnaissance du créole comme l’une des deux langues officielles.
– L’adoption d’une disposition contre l’impunité, limitant pour une période de dix ans, l’éligibilité des responsables de crimes et abus graves, durant la dictature des Duvalier.
Ainsi, la Constitution de 1987, approuvée massivement par la population, devint-elle un instrument fondamental de la construction
démocratique, légitimant le combat populaire pour une véritable participation de la majorité à la vie politique. À partir de cette référence constitutionnelle, la lutte s’orienta vers la récupération, en faveur la société civile, des espaces du pouvoir arbitrairement occupés par les militaires héritiers du duvaliérisme et des tontons macoutes.
Gérard Pierre-Charles, Haïti. La difficile transition démocratique. (1997)