1902 : GUERRE CIVILE.
Le gouvernement de Boisrond-Canal et du général Nord Alexis affronte les troupes rebelles d’Anténor Firmin. (Nord Alexis l’emportera et gouvernera jusqu’en 1908).
1902, 8 août : A Petit-Goâve, 450 civils auraient péri dans l’incendie de la ville supposément provoqué par les forces gouvernementales du général Carrié pour déloger les forces firministes de la ville, ce que démentit l’intéressé.
* (Gaillard, 1993:70-73)
1902, 17 septembre : 10 « paysans désarmés » des forces gouvernementales sont tués sur ordre du général firministe Laborde Corvoisier à la suite d’une bataille au Limbé (nord du pays). Les six premiers sont des adolescents qui, blessés, sont achevés dans une infirmerie de campagne ; les quatre autres sont exécutés « pour l’exemple » (sic) par un peloton d’exécution, toujours sur ordre de Corvoisier. Le nombre, même approximatif, de victimes civiles et de combattants désarmés pendant cette guerre civile demeure inconnu, mais selon l’historien Roger Gaillard, la paysannerie a payé « un lourd tribut ».
* (Gaillard, 1993:180-181)
1902-1908 : RÉGIME DICTATORIAL DE NORD ALEXIS
1908, 14 mars : Au moins 27 opposants ou supposés opposants et pour la plupart membres des élites intellectuelles et sociales, sont arrêtés et exécutés, dans la soirée du 14 mars, sur ordre de Nord Alexis. Plusieurs d’entre eux ont leurs corps mutilés. Massillon Coicou, un des poètes haïtiens les plus importants du début de siècle, est la première victime de la tuerie. (Sa mort inspire au poète français Apollinaire Le poète assassiné .) Le corps de Coicou est décapité avant d’être jeté dans une fosse.
Durant toute la durée du régime, la dictature de Nord Alexis pratique l’exécution sommaire de ses opposants, généralement sur ordre direct d’Alexis lui-même. Notons toutefois que les femmes et les enfants étaient systématiquement exclus de la répression (mêmes les épouses des chefs des diverses rébellions qui se levèrent contre le régime d’Alexis). A la chute de Nord Alexis, plusieurs procès jugent, et gracient, les différents responsables politiques et militaires de la tuerie.
*** (Jolibois, 1988:46-48,213-54 ; Gaillard, 1995:267-272 ; Gaillard, 1998:86).
1915, 27 MARS : GUILLAUME VILBRUN SAM PREND LE POUVOIR À LA SUITE D’UNE INSURRECTION ET EST ÉLU PRÉSIDENT D’HAÏTI.
1915, 27 juillet : Des partisans armés du Président Guillaume Sam ainsi que des troupes du Général Charles Oscar Etienne tuent 167 prisonniers politiques emprisonnés les jours précédents au Pénitencier National (Port-au-Prince). Ils sont exécutés dans leurs cellules même, au travers des grilles. La très grande majorité des victimes appartiennent aux élites intellectuelles et sociales de la capitale. Les deux responsables de la tuerie, Sam et Etienne, sont lynchés par la foule le jour suivant alors qu’ils avaient trouvé refuge, respectivement à la délégation de France et au consulat dominicain. Plusieurs des auteurs de la tuerie (des soldats et des geôliers) sont jugés et acquittés en juillet 1917. La mise à mort de Vilbrun Sam fournit le prétexte, le 28 juillet, au gouvernement des États-Unis pour intervenir et occuper Haïti.
* * * (Michel, 1998:36-42 ; Gaillard, 1973:87-99)
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1915-1934 : L’ARMÉE DES ÉTATS-UNIS OCCUPE HAÏTI
1915-1921 : Plusieurs milliers de civils et de combattants désarmés sont tués par les forces d’occupation américaines alors que ces dernières combattent, avec l’aide de la gendarmerie haïtienne commandée par des officiers américains, une insurrection armée de paysans, les Cacos , principalement dans les campagnes du Centre et du Nord-Est du pays. (La guérilla des Cacos représente la seule véritable résistance armée à l’occupation américaine et est organisée et menée par Charlemagne Péralte, exécuté par un officier américain le 31 octobre 1919, avant d’émerger plus tard comme une figure héroïque nationale.) Le nombre total, même approximatif, de victimes demeure inconnu. La mémoire collective haïtienne garde vivace le souvenir des exécutions sommaires, dont la plupart ont probablement lieu de juillet à novembre 1915 et surtout de 1918 à 1921, périodes de résistance ouverte à l’occupant. En 1918-1919, les prisonniers et blessés Cacos sont systématiquement exécutés une fois désarmés. Des ordres clairs sont passés, par écrit, à cet effet (in Gaillard, 1981:32-39,49,214,307). La torture des Cacos ou de supposés Cacos par les Marines était également pratiquée : pendaison par les parties génitales, absorption forcée de liquide, et ceps , pression sur les tibias à l’aide de deux fusils.
Outre les violences et exécutions commises sur des combattants désarmés, l’armée américaine et ses auxiliaires haïtiens auraient également perpétré des exactions et de nombreuses tueries contre la population civile. Selon des témoignages oraux recueillis par l’historien Roger Gaillard (1981, 1983), ces exactions incluent des exécutions sommaires, viols, maisons mises à feu après y avoir enfermées des familles entières, pendaisons, civils brûlés vivants et un notable enterré vivant. La mémoire collective dans les localités touchées conserve le souvenir des noms, en créole, des gradés américains qui ont commis des actes de violence contre les civils: Ouiliyanm (lieutenant Lee Williams), Linx (Commandant Freeman Lang) et le capitaine Lavoie (Gaillard, 1981:27-71). H.J. Seligman (in Gaillard, 1983), journaliste américain ayant enquêté sur place à l’époque, affirma que les soldats américains pratiquent le bumping off Gooks , le tir contre des civils comme s’il s’agissait d’un sport ou d’un exercice de tir. Un rapport interne de l’armée américaine, en juin 1922, reconnaît et justifie l’exécution des femmes et des enfants, les présentant comme des « auxiliaires » des Cacos (in Gaillard, 1983:259). Un mémorandum confidentiel du Ministère américain de la Marine (in Gaillard, 1981:238-241) s’élève contre « des tueries aveugles (« indiscriminate ») contre les indigènes qui se sont déroulées pendant plusieurs semaines. » H. J. Seligman évalue, en juillet 1920, le nombre des victimes innocentes, hommes, femmes et enfants, à 3 000. Gaillard (1983:261), totalisant victimes innocentes et Cacos morts au combat, avance le nombre de 15 000.
Mise à part la lutte contre la rébellion, des centaines voire des milliers de civils meurent et sont tués lors de constructions forcées de routes dans le pays, travaux appelés corvée . Selon Trouillot (1990:106), 5 500 personnes sont mortes pendant les corvées. Des civils tentant de fuir le travail forcé sont abattus. Certains de ceux qui ralentissent le travail sont tués à l’arme blanche par des officiers américains (Gaillard, 1982).
Le racisme des Marines américains pendant cette occupation, la plupart originaires du sud des États-Unis (particulièrement de la Louisiane et de l’Alabama) a été présenté comme un facteur de ces tueries indiscriminées contre des « nègres qui prétendent parler le français » (dans les termes d’un général américain).
** (Gaillard, 1983:186-190,237-241,259-262 ; Gaillard, 1981:231-241 ; Trouillot, 1990:102-107 ; Manigat, 2003:71-74)
1916, 4 juin : Le général Caco Mizrael Codio et 10 de ses hommes sont abattus après avoir été capturés, à Fonds-Verrettes (nord-est de Port-au-Prince, près de la frontière dominicaine) par des Marines américains.
* * (Gaillard, 1981:82-88).
1919, janvier : 19 prisonniers Cacos sont exécutés, à Hinche, sur ordre du Capitaine américain Lavoie. Lors des audiences menées par la commission d’enquête de la Marine américaine, en 1920, il est accusé de ce crime par d’autres officiers américains. Mais aucune preuve matérielle n’est, selon cette commission, apportée pour prouver sa responsabilité.
* (Gaillard, 1981:33)
1919, novembre : Au moins deux avions de l’armée américaine bombardent et mitraillent la population civile de deux villages de la région de Thomazeau, au sud-ouest du plateau central. Hommes, femmes, enfants et vieillards sont tués (supposément, jusqu’à la moitié des habitants). Les survivants, cachés dans les bois et terrifiés, écrivent à un prêtre breton voisin pour réclamer sa protection et témoignent ainsi par écrit des actes commis contre eux. L’isolement géographique (et culturel) des populations rurales du centre du pays rend difficile la circulation des témoignages sur les exactions commises. La mémoire collective dans les campagnes garde le souvenir d’attaques contre les populations civiles à partir de 1919. Selon le journaliste américain Harry Franck (in Gaillard, 1981:208), les aviateurs ne vérifient pas « le type de rassemblement » qu’ils attaquaient (s’il s’agit d’un camp de Cacos, d’un marché de paysans ou de paysans se rendant à la messe). En outre, le 5 décembre 1929, pour intimider la population des Cayes, dans le sud du pays et la veille de la tuerie du 6 décembre, l’aviation américaine bombarde la rade de la ville, pourtant déjà sous occupation. Ces attaques apparaissent comme la première utilisation de l’aviation contre des populations civiles. L’aviation américaine en Haïti possède, à partir de 1919, au moins 3 appareils et 5 pistes d’atterrissage dans le centre du pays. Une commission d’enquête de la Marine américaine, en 1920, interrogea des officiers d’occupation sur les allégations d’exactions commises par l’aviation mais sans prononcer ni accusation ni condamnation.
* (Gaillard, 1983:40-42,152,282 ; Gaillard, 1981:205-213).
1929, 6 décembre : À Marchaterre, près de la ville des Cayes (dans le sud du pays), les Marines américains ouvrent le feu sur une manifestation pacifique de paysans, tuant entre 12 et 22 d’entre eux.
* * * (Castor, 1988:173-175 ; Gaillard, 1983:282; Renda, 2001:34)
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1934-1957 : RETOUR DES CIVILS HAÏTIENS AU POUVOIR
1937, octobre : En République Dominicaine voisine, entre 15 000 et 20 000 (le chiffre conventionnel donné en République Dominicaine est de 17 000 ; Saez, 1988, va jusqu’à 20 000 ; Turits, 2002 : 590, ramène ce chiffre à 15 000) haïtiens et dominicains d’origine haïtienne sont tués sur l’ordre du dictateur Trujillo, par l’armée dominicaine, dans le cadre de l’Opération Perijil (persil en espagnol, un mot présumé difficile à prononcer pour les Haïtiens sans trahir leur origine ; ceux qui échouent sont tués sur place). Dans la seule région du nord-est, jusqu’à 15 000 individus sont tués, la plupart à coup de machette entre le 2 et le 8 octobre. Les armes blanches sont utilisées, plutôt que les armes à feu, pour éviter de donner l’alerte aux communautés haïtiennes voisines, qui sont alors exterminées à leur tour. Le 5 octobre, l’armée dominicaine ferme les postes-frontières pour empêcher les Haïtiens de s’échapper. En janvier 1938 à Washington D.C., le gouvernement de la République Dominicaine accepta de payer une indemnité de 750 000 dollars (525 000 furent versés) au gouvernement Haïtien en compensation mais refusa paradoxalement de reconnaître toute responsabilité dans le document signé pour l’occasion (Cuello, 1985:456 ; Turits, 2002:622-623). Peu après, les tueries continuent dans le sud de la région frontalière du pays jusque dans les six premiers de 1938, quand plusieurs centaines de Haïtiens sont tués (plusieurs milliers selon l’historien Dominicain Juan Manuel Garcia, 1983). Une majorité d’historiens situent ces événements dans le cadre de la politique de terreur d’État de Trujillo et de l’idéologie raciste anti-haïtienne mise sur pied par ce même régime et des intellectuels dominicains. Turits (2003), dans un ouvrage de référence sur ces événements, identifie cependant la défense de l’intégrité territoriale, face à la perception d’une haïtianisation des régions frontières, comme un facteur déterminant. Turits (2003:169) affirme aussi, documents à l’appui, que les civils dominicains n’ont pas participé aux tueries, ce que contestent Castor (1988) et la mémoire collective haïtienne. Le terme de « génocide » est utilisé par plusieurs auteurs pour qualifier ces tueries.
* * * (Turits, 2002; Turits, 2003:161-180; Roorda, 1998:127-139; Saez, 1988, vol I: 60-70; Castor, 1988; Garcia, 1983; Cuello, 1985).
1957, 15-16 juin : L’armée tue plusieurs centaines (Leconte, 1999), voire jusqu’à trois mille (Pierre-Charles, 1973) partisans du Président Fignolé (dans lequel les masses déshéritées de la capitale Port-au-Prince se reconnaissent) après l’avoir renversé et forcé à s’exiler. La plupart des victimes se trouvent dans les quartiers populaires de Bel-Air, La Saline et Saint-Martin. Le général Kébreau, responsable des tueries, est surnommé général Thompson en référence à l’utilisation de la mitraillette du même nom. Il s’autoproclame, avec le soutien de François Duvalier, chef de l’exécutif et organise les élections du 22 septembre qui porteront ce dernier au pouvoir. Dès ce moment, l’armée établit les bases d’un ordre « totalitaire ». (Trouillot, 1990:152).
* (Pierre-Charles, 1973:38,44 ; Leconte, 1999:38)
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1957-1986 : RÉGIME DICTATORIAL DES DUVALIER.
François Duvalier, connu sous le surnom de Papa Doc , est élu en 1957 avec le soutien de l’armée et gouverne jusqu’à sa mort en 1971. Son fils, Baby Doc, gouverne de 1971 à 1986. Le régime de Papa Doc, le plus brutal des deux, est responsable de 30 000 à 50 000 assassinats et exécutions et s’appuie pour cela sur une milice armée, les Tonton Macoutes (dont le nom officiel est : « Volontaires de la Sécurité Nationale » (VSN)), qui impose un règne de terreur sur la population haïtienne (Diederich et Burt, 1986). Ce régime est qualifié de « totalitaire » par Trouillot (1990) dans son étude détaillée des causes et des formes du Duvaliérisme.
Durant cette période, la plupart des tueries et exécutions concernent de petits nombres d’individus et ne peuvent ainsi figurer sur cette liste. Le nombre de prisonniers politiques exécutés, morts de faim ou qui ont succombé aux tortures dans les prisons, publiques et privées, demeure inconnu. Le régime ne maintient aucun véritable registre et ne sait ni ne cherche à savoir qui est emprisonné ou exécuté. Selon le chef de la police du palais national, Jean Tassy, 2 053 individus ont été tués de 1957 à 1967 dans les seuls locaux du quartier général de la police (Pierre-Charles, 1973:56).
Les groupes ciblés, outre les opposants au régime, n’obéissent à aucune logique qui puisse être définie en termes politiques traditionnels, ce qui fait que la violence Duvaliériste est fondamentalement nouvelle (Trouillot, 1990:166-170). En outre, pour la première fois dans l’histoire des tueries en Haiti, les femmes (Trouillot, 1990:153,167), les enfants et même les nourrissons constituent, selon les circonstances, une cible du régime. À plusieurs reprises, des jeunes enfants seront victimes de tortures.
Contrairement à ce qu’il s’est passé à l’issue d’autres dictatures latino-américaines, les efforts pour répertorier et documenter avec précision les tueries et exécutions n’ont pas abouti ni bénéficié d’un caractère officiel, la seule contribution à caractère exhaustif ayant été réalisée par une ONG, le CRESFED (Pierre-Charles, 2000). Pour une liste détaillée de quelques victimes de cette dictature, les sites Internet de deux organisations de victimes et d’universitaires basés aux États-Unis peuvent être consultés (Férère et Fordi9). Pour une liste détaillée des auteurs les plus emblématiques des exécutions et tueries commises par l’armée et les Macoutes, Pierre-Charles (2000:45-49) peut être consulté.
** (Trouillot, 1990 ; Pierre-Charles 1973 et 2000 ; Lemoine, 1996 ; Romulus, 1995)
1963, 26 avril : À Port-au-Prince, suite à une tentative d’enlèvement de Jean-Claude Duvalier, le fils de Papa Doc, les macoutes assassinent plusieurs familles présumées opposées au gouvernement. La tactique des macoutes consiste, lors de cette journée, à encercler le domicile d’un ou plusieurs opposants puis d’y mener un raid ; il y tuent alors ses habitants, personnes âgées, enfants, nourrissons et domestiques avec des armes de poing et des machettes avant de s’attaquer ensuite à la maison d’un autre présumé opposant au régime. Les familles Benoît, Edelyn et sont exterminées, leurs corps laissés à la vue de tous sur les trottoirs devant leurs maisons. D’autres personnes sont assassinées dans la rue et parfois au volant de leurs voitures. Le bilan atteint une centaine de personnes. Plusieurs dizaines d’autres personnes sont emmenées à la prison de Fort-Dimanche à Port-au-Prince et « disparaîtront », une méthode plus tard employés par les régimes militaires au Chili (1973-1989), en Argentine (1976-1983) et au Brésil (1964-1985). La plupart des victimes sont issus des élites intellectuelles, sociales et militaires. L’enlèvement avait été orchestré par un proche du régime, Clément Barbot, macoute et ancien chef des services secrets de Papa Doc.
* * * (Pierre-Charles, 2000:85-86 ; Avril, 1999:146-149 ; Entretiens avec témoins)
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1964, août : Événement connu sous le nom de « massacre des Vêpres jérémiennes ». À Jérémie (sud-ouest du pays), des soldats de l’armée haïtienne menés par l’officier William Regala, les Lieutenants Abel Jérôme et Sony Borges et par les macoutes Sanette Balmir et St. Ange Bomtemps tuent 27 personnes (hommes, femmes et enfants), appartenant toutes à des familles de mulâtres éduquées. Tous les exécuteurs sont des familiers des personnes tuées. Plusieurs familles de Jérémie (Sansericq, Drouin et Villedrouin) sont exterminées. Un enfant de quatre ans, Stéphane Sansericq, est torturé devant sa mère avant d’être tué. Les macoutes Sony Borges et Gérard Brunache éteignent leurs cigarettes dans les yeux des enfants en pleurs.
Les sites Internet mentionnés plus haut incluent la liste de ces victimes. Ces assassinats furent commis sur l’ordre de Papa Doc lui-même, dans le cadre d’opérations de représailles contre une guerrilla anti-Duvalier à l’état embryonnaire connu comme Jeune Haiti et qui venait de débarquer dans la région (mais dont aucun membre ne se trouvait à Jérémie). Les causes de cette tuerie incluent également des dimensions idéologiques et raciales : Duvalier s’appuyait sur le noirisme , une idéologie politique, une doctrine et un projet national qui prétendaient promouvoir les masses noires au détriment des « élites mulâtres ». La dictature de Duvalier ciblait ainsi les secteurs mulâtres de la société, ces derniers étant considérés non seulement comme susceptibles de joindre l’opposition mais également comme des membres illégitimes de la nation.
Aucun des responsables ou des auteurs de la tuerie n’a été jugé. William Regala, qui envoya l’ordre, depuis Port-au-Prince, de « frapper la famille Sansericq » sera « promu » en 1986, après le départ de Jean-Claude Duvalier, en devenant membre de la junte au pouvoir.
* * * (Chassagne, 1999:235-262; Pierre-Charles, 2000:94-102)
1964, juillet-septembre : À la suite d’une infiltration, le 24 juin 1964, dans la région du Sud-Est, d’une guérilla anti-Duvaliériste basée en République Dominicaine, les macoutes et l’armée déclenchent une vaste opération de répression et exécutent environ 600 personnes dans les localités de Mapou, Thiotte, Grand-Gosier et Belle-Anse. L’une de ces tueries est passée dans la mémoire populaire comme le « massacre des paysans de Thiotte ». Les macoutes exécutent hommes, femmes, enfants, nouveaux-nés et vieillards soupçonnées d’avoir aidé les rebelles ou de ne pas leur avoir résisté. Plusieurs familles comptant plusieurs dizaines de membres sont entièrement exterminées. Un enfant de l’une d’entre elles, âgé de neuf ans, réussit à s’échapper mais est plus tard arrêté puis conduit au Palais National où il aurait été mis à mort par François Duvalier lui-même.
* * (Pierre-Charles, 2000:90-94)
1967, 8 juin : 19 officiers et officiers supérieurs de l’armée d’Haïti sont exécutés à la prison de Fort-Dimanche par un peloton d’exécution sous les ordres de François Duvalier lui-même. Toutes les victimes sont Duvaliéristes et proches de la famille Duvalier ou de Papa Doc lui-même. Les raisons de cette exécution demeurent floues. Les 19 officiers auraient été soupçonnés ou accusés de trahison par Duvalier mais les historiens réfutent cette thèse et mettent l’accent sur les méthodes de terreur de Duvalier lui-même qui faisait parfois tuer ses fidèles pour s’assurer une soumission plus grande encore au sein de l’armée et de la population en général. Les dépositions de plusieurs officiers établissent qu’ils ne connaissaient pas les raisons de leur future exécution. Le peloton d’exécution, choisi par Duvalier lui-même, est uniquement composé d’officiers supérieurs amis ou parents des victimes.
*** (Avril, 150-174 ; Pierre-Charles, 2000:87-90)
1969, 5 avril : Événement connu sous le nom de « massacre de Cazale ». Dans le village de Cazale (parfois orthographié Casale ou Casal), au nord de Port-au-Prince, des soldats de l’armée et des macoutes tuent plusieurs dizaines de familles de paysans. Quelques semaines auparavant, des jeunes membres mulâtres du Parti Communiste Haïtien (parti persécuté par le régime), dont Alex Lamaute et Roger Méhu, s’étaient réfugiés dans cette commune, croyant se fondre dans une population considérée comme claire de peau (de nombreux soldats polonais s’y étant installés après la guerre d’indépendance). À la même époque, la population locale se trouve au coeur d’une dispute fiscale et refusait de payer des taxes sur les ventes de produits agricoles, s’aliénant ainsi le régime de Duvalier. Le 3 avril 1969, plusieurs macoutes se rendent dans la zone, mettent le feu à plusieurs maisons et violent un nombre indéterminé de femmes locales. Le jour suivant, après l’arrestation de deux leaders paysans locaux par les Macoutes, la population locale met le feu au bureau du maire et retire le drapeau noir et rouge du régime de Duvalier (le drapeau haïtien était bleu et rouge à l’origine). Le 5 avril, 500 soldats et macoutes se rendent à Cazale et commencent la tuerie. À la fin de la journé, 25 corps sont retrouvés mais 80 autres individus « sont disparus » (tournure grammaticale utilisée en Amérique Latine pour qualifier la disparition forcée pratiquée par les régimes dictatoriaux) pour ne jamais être retrouvés, ce qui représente la plus large disparition forcée sous les Duvaliers. Plusieurs familles ont été entièrement massacrées. Par ailleurs, 82 maisons ont été pillées et incendiées, le bétail tué ou volé, et les soldats qui sont demeurés dans le village ont plus tard forcé les femmes à danser et à « célébrer la victoire » de ces premiers.
* * * (Benoit, 2003:6-9; Pierre-Charles, 2000:112-113)
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1969, 14 avril : Une trentaine de jeunes membres du parti communiste haïtien, détenus à Fort-Dimanche, sont exécutés sur une esplanade adjacente à la prison. Une vague de répression frappe pendant l’année 1969 les membres et sympathisants de ce parti, principalement au Cap Haïtien et à Port-au-Prince. Les victimes sont évaluées par Pierre-Charles (2000) à plusieurs centaines.
* (Pierre-Charles, 2000:105-113).
1969, 22 juillet : Exécution de plusieurs centaines de prisonniers politiques de gauche, arrêtés les jours et semaines précédentes lors de vagues d’arrestation. Ils sont emmenés de Fort-Dimanche vers Ganthier, un village au nord-est de Port-au-Prince, où ils sont exécuté, de nuit, avant d’être enterrés dans une fosse commune.
* (Pierre-Charles, 2000:125-129)
1971, 21 avril – 1986, 7 février : Régime de Jean-Claude Duvalier (« Baby Doc »).
Les macoutes et l’armée continuent d’imposer un régime de terreur et d’assassiner mais aucune tuerie de grande ampleur n’a lieu durant cette période.
1977, 21 septembre : Huit prisonniers politiques emprisonnés à Fort-Dimanche depuis plusieurs années sont retirés de leurs cellules et fusillés au Morne Christophe, à Port-au-Prince.
* * (Pierre-Charles, 2000:78).
1986, 31 janvier : Près de cent personnes sont tués dans la ville de Léogane (au sud-ouest de Port-au-Prince), lors d’une manifestation de paysans qui célébraient (prématurément) l’exil de Jean-Claude Duvalier, par un détachement de soldats menés par le colonel Samuel Jérémie. (Les rapports ultérieurs d’organisations internationales de droits de l’homme ne mentionnent pas cette tuerie.)
* (NCRH, 1986:27-28)
1986, 7 février : Déchouquage du régime Duvalier. À l’annonce de la fuite en exil de Jean-Claude Duvalier, une foule d’un demi million de personnes prend les rues de Port-au-Prince, fait la chasse aux macoutes et s’emploie à détruire les symboles de ce régime. Le nombre, même approximatif, de victimes demeure inconnu. Selon Hurbon (1987), des macoutes sont lapidés et d’autres brûlés vifs. À Delmas 31, la foule découvre et libère 7 détenus au domicile du macoute Ernst Bros (Pierre-Charles, 2000:56). La plupart des victimes de la justice populaire ont leurs domiciles en ville et représentent des chefs de moindre importance du macoutisme, voire de «méprisables malheureux » (Trouillot, 1990:155). Une cinquantaine d’Ougans et de mambos (prêtres et prêtresses Vodou) sont tués pour leurs liens ou supposés liens avec le régime des Duvalier, et des dizaines de personnes supposées être des loups-garous ou des sorciers sont lynchés par la foule.
* (Hurbon, 1987:10-11,155,143 ; NCHR, 1986:53-59 ; Entretiens avec témoins).
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1986-1991: COUP D’ÉTAT MILITAIRES ET RÉPRESSION POST-DUVALIÉRISTE.
Entre la chute du régime des Duvalier, en 1986, et les élections de 1990, plusieurs gouvernements militaires éphémères se succèdent à la suite de Coups d’État. Après un bref espoir de démocratisation, la répression reprend. Plusieurs macoutes notoires, tel William Regala, l’un des responsables des Vêpres Jérémiennes , occupent désormais des fonctions politiques importantes. Pendant cette période, les mouvements sociaux qui luttent pour l’établissement de la démocratie, des droits de l’homme et de l’État de droit sont persécutés par l’armée, les anciens macoutes et des groupes paramilitaires appelés « attachés ». L’armée pratique l’assassinat et la disparition forcée de militants politiques et de journalistes. Selon Pierre-Charles (2000:208), plus de 1 500 personnes disparaissent entre 1986 et 1990, la plupart d’entre elles de mars à octobre 1987, sous un des gouvernements du général Henri Namphy.
1986, 26 avril : Événement connu dans la mémoire collective comme le « m assacre de Fort-Dimanche » : Les soldats de l’armée ouvrent le feu sur une manifestation pacifique qui s’apprêtait à rendre hommage aux victimes du régime des Duvalier à la prison de Fort-Dimanche et aux victimes de la tuerie du 26 avril 1963. Le nombre de victime se serait élevé à 15 selon la mémoire collective haïtienne et à 8 selon le rapport de Human Rights Watch (1996), dont plusieurs adolescents. Cette tuerie n’a fait l’objet d’aucune ouverture d’enquête de la part des autorités judiciaires.
* * * (NCHR, 1986:18-19; Human Rights Watch, 1996)
1987, 1er-3 juillet : Des soldats de l’armée tuent 22 dockers en grève dans le port de Port-au-Prince. Ces grévistes inscrivaient leurs activités dans le cadre du mouvement pour l’établissement de la démocratie. Cette tuerie n’a fait l’objet d’aucune ouverture d’enquête de la part des autorités judiciaires.
* * * (ICHR, 1988; Wilentz 1990 ; Pierre-Charles, 2000:141)
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1987, 23 juillet : Événement connu dans la mémoire collective comme le « massacre de Jean-Rabel » : Sous le gouvernement militaire du général Namphy, à proximité de Jean-Rabel (département du Nord-Ouest), des groupes paramilitaires menés par des macoutes et agissant sur ordre d’un propriétaire terrien et oligarche local, Rémy Lucas, tuent au moins 139 paysans (300 selon diverses organisations de droits de l’homme et le rapport de l’OEA, et 1 042 selon Nicol Poitevien, l’un des assassins autoproclamés). Même l’estimation la plus basse en fait une des plus larges tueries en un seul jour de l’histoire de l’Amérique Latine au XXe siècle. Cette tuerie a lieu quelques jours à peine après que le Lieutenant Général Namphy, alors chef de la junte au pouvoir, se soit déplacé dans la région et eut offert publiquement son soutien à la famille Lucas et aux revendications de cette dernière sur les terres qu’elle convoitait. Le système judicaire haïtien s’est montré incapable, par incompétence et manque de ressources, de conclure ses enquêtes sur la tuerie (United Nations, 2000). Ce n’est que le 13 septembre 1995 que, confronté à de multiples pressions de la part d’organisations de droits de l’homme, le ministère de la justice délivre plusieurs mandats d’arrêts. En janvier et février 1999, Rémy Lucas, Léonard Lucas et Jean-Michel Richardson sont brièvement détenus. Le 23 juillet 1999, le Ministère haïtien de la Justice crée une commission judiciaire chargée de superviser cette enquête qui, à ce jour (mai 2005), n’a toujours pas été conclue.
* * * (ICHR, 1988:81; United Nations, 2000:9)
1987, 29 juillet : L’armée ouvre le feu dans le centre-ville sur des manifestants protestant contre la célébration par l’armée de l’anniversaire de création du corps des macoutes. Le bilan, disputé, est de 22 morts. L’armée ramasse et fait ensuite disparaître plusieurs cadavres.
* Pierre-Charles (2000:143).
1987, 29 novembre : Événement connu comme le « massacre de la ruelle Vaillant » : Aux première heures du jour d’un scrutin avorté, et sous le gouvernement du général Namphy, un groupe de 50 à 60 hommes armés, constitués de militaires en civil et de macoutes, tuent au moins 16 personnes dans un bureau de vote situé dans les locaux de l’Ecole Nationale Argentine Bellegarde à Port-au-Prince. Les assaillants tirent d’abord sur la file des électeurs, à l’extérieur de l’école, puis continuent à l’arme blanche dans les salles de vote. La plupart des victimes sont tuées avec des machettes et des couteaux, ce qui suggère l’objectif des assaillants de terroriser la population et d’empêcher la tenue des élections ce jour-là. Le total des tués à Port-au-Prince lors de cette journée atteint au moins 34 personnes, mais un observateur interviewé par l’ICHR (1988) porte le total à 200. Selon Danroc et Roussière (1995:21), 60 autres personnes sont tuées ce même jour, dans le seul département de l’Artibonite, toujours pour empêcher la tenue des élections. En 1991, le Ministère de la Justice du premier gouvernement Aristide accuse le général Williams Régala, ministre de la défense au moment des faits, d’avoir ordonné cette tuerie, et demande, en vain, à la République Dominicaine, où il vivait en exil, de l’extrader.
* * * (ICHR, 1988:81-84; Danroc et Roussière, 1995:21; ICHR, 1992)
1988, 11 septembre : Événement connu comme le « massacre de Saint-Jean Bosco » : Sous le gouvernement du général Namphy, un groupe d’hommes armés non identifiés, probablement formé d’anciens macoutes, tuent au moins 13 personnes (et font 80 blessés) à l’intérieur de l’église Saint-Jean Bosco, à Port-au-Prince, lors de la messe du dimanche. L’attaque dure trois heures sans que l’armée, qui dispose d’une base en face de l’église, n’intervienne. Cette église est alors la paroisse du prêtre et futur président Jean-Bertrand Aristide, opposant au Duvaliérisme et aux régimes militaires, et qui constituait probablement la véritable cible des hommes armés avant d’être évacué par des fidèles lors de l’attaque. En 1991, le Ministère de la Justice du premier gouvernement Aristide accusa Frank Romain, maire de Port-au-Prince au moment des faits, d’avoir organisé cette tuerie, et demanda, en vain, à la République Dominicaine, où il vivait en exil, de l’extrader.
* * * (ICHR, 1988: 22-23,103; ICHR, 1992)
1990, 12 mars : Événement connu comme le « massacre de Piatre » (également orthographié Piâtre et Piastre ) : Sous le gouvernement intérimaire de Ertha Pacale Trouillot, à proximité de Saint-Marc (département de l’Artibonite), dans les villages de Piatre, Déjean, Dupervil, Ka Jan et Ti Plas, une trentaine de soldats de l’armée haïtienne et des civils armés venus de Saint-Marc tuent 11 paysans dans le cadre d’un conflit foncier local opposant les paysans à de grands propriétaires terriens. En décembre 2003, plus de 13 années après les faits, le juge d’instruction (le septième à enquêter sur les faits), délivre une ordonnance de clôture avec neuf chefs d’accusation, dont celui d’assassinat, contre 53 accusés, dont les divers propriétaires fonciers concernés et le général Prosper Avril.
* * * (United Nations, 2000:9; NCHR, 2004)
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DÉCEMBRE 1990 – 30 SEPTEMBRE 1991 : JEAN-BERTRAND ARISTIDE EST ÉLU PRÉSIDENT LE 16 DÉCEMBRE 1990 ET PRÊTE SERMENT EN JANVIER 1991. IL EST RENVERSÉ ET EXILÉ LE 30 SEPTEMBRE 1991
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1991, 7 janvier : À Port-au-Prince, la foule qui soutient Jean-Bertrand Aristide, élu un mois auparavant, pourchasse et lynche des macoutes des supposés macoutes et des partisans du régime des Duvalier, à la suite d’un Coup d’État avorté fomenté par Roger Lafontant, dirigeant macoute et ancien ministre de Jean-Claude Duvalier. Le nombre exact de victimes demeure inconnu. Selon un rapport de l’OEA (ICHR, 1991), qui ne fournit pas de source ni de détail sur sa méthode d’enquête, 75 personnes, toutes (sic) macoutes ou liées à Roger Lafontant, sont tuées ce jour-là et 150 sont blessées. Ces informations sont remises en cause par des témoins interviewés. Nombre des victimes seraient des prêtres et prêtresses Vaudou, ciblés à cause de leurs engagements supposés avec le régime des Duvalier. Ces assassinats s’inscrivent dans le cadre de déchoukaj contre les macoutes et les néo-Duvaliéristes qui tentent alors d’interrompre le processus démocratique. Jean-Bertrand Aristide n’avait pas encore prêté serment au moment des événements et le gouvernement intérimaire était dirigé par Mme. Trouillot.
* Ces événements sont mentionnés lors d’entretiens avec des témoins et dans un rapport de l’OEA (ICHR, 1991:469) mais n’ont pas fait l’objet d’étude écrite.
1991, 17 janvier : À Gervais, dans l’Artibonite, 12 paysans sont tués et 8 portés disparus (auxquels il faut ajouter 20 blessés et 494 maisons incendiées). Les causes, les responsables et les auteurs de la tuerie semblent sujets à discussion. Selon une commission diocésaine de l’Artibonite (Danroc et Roussière), qui enquête et documente avec des photographies les méfaits, un commando militaire appuyé par des hommes de main d’un propriétaire terrien a perpétré la tuerie. Selon la Commission Interaméricaine des Droits de l’Homme (ICHR, 1991), la tuerie s’inscrit dans le cadre d’un conflit terrien, dans les lieux-dits de Terre-Cassée, près de Gervais, Guyton et Coligny, où plusieurs familles de paysans, petits propriétaires terriens inclus, s’opposent entre elles depuis 1973. Quelques jours avant le 17 janvier, à la suite de la destruction d’un dépôt d’une des parties impliquées dans ce qui n’est alors qu’un litige foncier, le juge de paix ordonne l’arrestation de 27 paysans de Gervais. Le 17 janvier, alors qu’ils procèdent à l’arrestation, le Chef de Section et ses assistants abattent un paysan. Peu après, les paysans de Gervais se vengent et tuent les assistants du Chef de section. À la suite de ces deux assassinats, dans la même journée du 17, des paysans de Guyton et Coligny, soutenus par des soldats venus de Saint-Marc (sous-préfecture de l’Artibonite), se rendent à Gervais et commencent la tuerie. Aucune enquête judiciaire n’a été ouverte.
* * (Danroc et Roussière, 1995:160-162 ; ICHR, 1991:470).
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1991, 1ER OCTOBRE – 1994, 14 SEPTEMBRE : RÉGIME MILITAIRE CONNU SOUS LE NOM DE « RÉGIME DE FACTO » ET DIRIGÉ PAR LE COLONEL RAOUL CÉDRAS.
L’armée gouverne jusqu’au 14 septembre 1994 date à laquelle le président des États-Unis, William Clinton, ordonne aux Marines d’intervenir et de rétablir le président Aristide. Ce régime s’appuie sur des « escadrons de la mort » paramilitaires appelés FRAPH qui conduisent, aux côtés de l’armée, la plupart des exécutions et des persécutions contre les opposants et supposés opposants au régime. Le nombre total de victimes de ce régime militaire, qui dure trois années, varie de 10 000 à 30 000. Les observateurs remarquent que les pauvres constituent la cible première de la répression, avec occasionnellement quelques personnalités de la classe moyenne telles que le Ministre de la Justice d’Aristide, Guy Malary, ou l’homme d’affaire Antoine Izméry, assassinés par les paramilitaires.
En 1995, une fois la constitutionnalité et la démocratie restaurée, la Commission de Vérité et de Justice mène une enquête approfondie sur les crimes et violations de droits de l’homme commis durant ce régime et publie, en 1997, un rapport détaillé. Le Ministère de la Justice, aidée par diverses organisations internationales de droits de l’homme, dont la MICIVIH, la mission conjointe des Nations Unies et de l’OEA, et le Bureau International des Avocats, a instruit plusieurs actions contre des individus responsables de meurtres et autres violations de droits de l’homme durant cette période. La majorité des responsables cependant n’a pas été inculpée. Le fondateur et chef des FRAPH, Emmanuel Constant, connu comme « Toto » Constant, vit en exil aux États-Unis malgré les efforts d’organisations de droits de l’homme pour le faire extrader en Haïti. Le leader de la junte au pouvoir, Raoul Cédras, vit au Panama. Les archives des FRAPH, qui permettraient de fournir de nombreuses données sur les exécutions commises pendant cette période, demeurent en possession du gouvernement américain, qui a refusé, jusqu’à présent et malgré les pressions constantes des organisations de droits de l’homme, de les restituer au Ministère haïtien de la Justice.
* * * (Commission Nationale de Vérité et de Justice, 1997; Americas Watch, 1991)
1991, 30 septembre, 1er octobre : Coup d’État. Des soldats, d’anciens macoutes et divers groupes armés pourchassent et tuent des membres et supposés membres du mouvement démocratique, notamment des partisans du président Aristide, lors d’un Coup d’État perpétré par un groupe d’officiers de l’armée dirigé par le colonel Raoul Cédras. Le nombre exact de victimes demeure inconnu mais aurait atteint plus de trois cents pour les deux premières journées. Selon la Plateforme Haïtienne des Organisations de Droits de l’Homme, alors la principale ONG de droits de l’homme du pays, au moins 1 000 personnes sont tuées dans les deux semaines qui suivent le Coup.
* * * (Commission Nationale de Vérité et de Justice, 1997 ; ICHR, 1993)
1991, 30 septembre- premiers jours d’octobre : Dans l’après-midi du 30 septembre, un commando de soldats se rend à Lamentin 54, dans la banlieue de Port-au-Prince, ouvre le feu au hasard sur les piétons et les maisons du quartier, et jette des grenades, toujours au hasard, dans plusieurs maisons du quartier, apparemment en représailles après l’assassinat d’un sergent de la caserne locale dans la matinée du 30. La répression se poursuit pendant deux à trois semaines, faisant un total de 30 à 40 victimes. Selon des témoignages recueillis par la Commission Vérité et Justice, plusieurs cadavres auraient été jetés dans des fosses communes creusées à proximité du quartier sur ordre des soldats; plusieurs jeunes auraient également été exécutés après avoir creusé ces fosses ; d’autres cadavres auraient « été disparus » après avoir été emmenés en camion.
*** (Commission Nationale de Vérité et de Justice,1997:Chapitre V; Americas Watch, 1991:4).
1991, 1er et 2 octobre) : Lors du Coup d’État militaire, à Martissant, un quartier de Port-au-Prince, pendant les deux jours qui suivirent le Coup d’État, des soldats et des attachés paramilitaires terrorisent la population locale et tuent au moins sept individus, dont un mineur. Cette tuerie aurait été organisée après l’incendie du domicile d’un lieutenant de l’armé dans la nuit du 30 septembre au 1er octobre.
*** (Commission Nationale de Vérité et de Justice, 1997:Chapitre V, section B).
1991, 2 octobre : Lors du Coup d’État militaire, trente civils sont tués dans la même journée à Cité-Soleil, un bidonville à l’ouest de Port-au-Prince, connu pour abriter de nombreux partisans du président Aristide, par des soldats de l’armée, après l’attaque d’un commissariat local.
** (Americas Watch, 1991:4)
1991, 2 octobre : Au moins 7 personnes sont tuées aux Gonaives, dont un enfant et un adolescent, par l’armée lors d’une manifestation de soutien au président Aristide.
*** (Danroc et Roussière, 1995:71-79)
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1993, 27 décembre : 37 personnes sont tuées par les FRAPH et 26 autres sont victimes de disparition forcée, dans le bidonville de Cité Soleil. Plus d’un millier de maisons auraient été détruites dans un incendie provoqué par les paramilitaires qui voulaient venger la mort de l’un des leurs dans ce quartier. Selon des témoins, les FRAPH auraient empêché les habitants de fuir leurs maisons en flammes.
*(EPICA, 1994:19,44)
1994, nuit du 2 au 3 février 1994 : Tuerie nommée le « massacre de Carrefour Vincent » par la Commission Vérité et Justice. À Carrefour Vincent, un bidonville de Port-au-Prince, un nombre indéterminé de soldats et de paramilitaires attaque avec des fusils automatiques M16 et des grenades lacrymogènes et offensives une maison du secteur. Sept des occupants, âgés de 20 à 30 ans, qui s’enfuient sont abattus par les assaillants. Un seul corps est retrouvé. Les victimes faisaient partie d’une organisation politique luttant en faveur de la démocratie. La MICIVIH a mené une enquête immédiatement après les faits et conclu à un « meurtre collectif » planifié à l’avance.
***(Commission Nationale de Vérité et de Justice, 1997:chapitre V, section B; MICIVIH, 1994)
1994, 22 avril : Événement connu comme le « massacre de Raboteau » : À Raboteau, un bidonville des Gonaives (département de l’Artibonite), des soldats et des paramilitaires des FRAPH tuent 14 opposants au régime lors d’une action planifiée à l’avance. Le 9 novembre 2000, à l’issu d’un procès hautement symbolique retransmis en direct à la radio et mené par les autorités judiciaires avec l’assistance d’organisations internationales présentes, dont les Nations Unies, 16 personnes sur les 29 inculpées, sont condamnés, dont les principaux auteurs de la tuerie, le Capitaine Castéra Cénafils et Jean Tatoune, un membre des FRAPH. Ces condamnations sont interprétées comme une victoire historique contre l’impunité endémique dont bénéficient les auteurs et responsables de crimes politiques en Haïti. Le 21 avril 2005, la Cour de Cassation invalide ces condamnations (elle base son jugement sur une loi de 1928 qui interdit les procès par jury dans les cas de crimes connexes, alors que cette loi est invalidée par un article de la Constitution de 1987 qui prévoit que tous « les crimes de sang » soient jugés par un jury populaire). Carte 5.
***(United Nations, 2001:17-18; Commission Nationale de Vérité et de Justice, 1997:chapitre V, section C4; Concannon, 2001 ; Concannon, 2005)
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1994-2004 : REGIME LAVALAS.
Le président démocratiquement élu Jean-Bertrand Aristide rentre d’exil et gouverne d’octobre 1994 à janvier 1996 et à nouveau de 2001 à février 2004. Le président René Préval, élu démocratiquement en novembre 1995, gouverne dans l’intervalle, de 1996 à 2001.
1999, 28 mai : La Police Nationale Haïtienne (PNH) tue 11 personnes dans la nuit du 27 au 28 mai, dans un bidonville au-dessus du quartier de Carrefour-Feuilles, à Port-au-Prince, à l’issue d’une patrouille de routine à l’origine. Selon les examens médico-légaux de la MICIVIH, réalisés dans les jours qui suivent, il s’agit d’exécutions extrajudiciaires « menées de sang froid », les 11 individus ayant eu les mains attachées dans le dos et étant allongés sur le ventre au moment de la mort. Huit des onze victimes n’étaient pas armées. Bien que cette tuerie ne semble pas avoir de racines politiques, elle provoque une émotion considérable dans la population car elle constitue la première grande tuerie depuis le retour de la démocratie et suggère donc que les tactiques violentes de la Police Haïtienne, qui avait remplacé les Forces Armées d’Haïti en 1994, contre les pauvres n’ont pas cessé. À la suite de pressions considérables de la part des Nations Unies, de l’OEA et de diverses organisations de droits de l’homme, l’enquête est menée à bien. Jean Coles Rameau, le Commissaire de Police responsable lors de la tuerie, est extradé de République Dominicaine où il avait trouvé refuge après l’événement. En 2001, pour la première fois dans l’histoire d’Haïti, des policiers sont jugés pour violations de droits de l’homme. Quatre d’entre eux reçoivent la peine minimale de trois années d’emprisonnement.
***(MICIVIH, 1999 : 5-6 ; United Nations, 2000:15)
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2004 : INSTABILITÉ SOCIALE ET POLITIQUE ET EXIL DE JEAN-BERTRAND ARISTIDE.
Deux ans avant l’expiration de son mandat, le président d’Aristide est remis en cause par des manifestations répétées, menées notamment par des étudiants depuis fin 2002. Une répression s’ensuit avant qu’une rébellion armée n’émerge en janvier et février 2004. Le président Aristide s’exile le 29 février 2004 et trouve finalement refuge en Afrique du Sud.
2004, 11 février : Événement nommé «massacre de la scierie » par les médias haïtiens. Cinquante personnes, membres de RAMSICOM (parfois orthographié RAMICOS), une organisation populaire d’opposition au président Aristide, auraient été tuées dans le quartier dit de la Scierie, à Saint-Marc (département de l’Ouest), par des partisans armés et illégaux de Jean-Bertrand Aristide, communément appelés chimères , et dirigés par l’organisation Balé Wouzé , dont le leader, Amanus Mayette, est alors député au Parlement. Une enquête indépendante et détaillée menée début 2005 par une spécialiste nord-américaine des droits de l’homme en Haïti avance le nombre de 27 tués (Fuller, 2005) Au moins deux jeunes adultes de ce quartier, Kénol Jean-Bapiste et Leroy Joseph, connus comme opposants à Aristide, sont jeté vivant dans un bâtiment en flammes. Selon des sources journalistiques, Balé Wouzé a terrorisé ce quartier pendant toute la journée du 11 avec l’assentiment des autorités policières d’alors. La plupart des habitants de la Scierie sont contraints de fuir la zone et plusieurs cadavres sont dévorés par les chiens et des rongeurs, les familles craignant de ramasser les corps ou de les réclamer à la morgue. Au moins deux jeunes femmes, « Anne » et « Kétia », venues au commissariat de Saint-Marc pour reporter la disparition de leurs époux, sont violées dans les locaux de la police par des policiers partisans du Président Aristide. Bien que la NCHR (National Coalition for Haitian Rights), organisation haïtienne de droits de l’homme, et plusieurs journalistes connus eussent enquêtés sur cet événement, son existence même demeure controversée et les partisans de Jean-Bertrand Aristide ainsi que des journalistes proches de ce dernier nient qu’il ait jamais eu lieu, arguant que ce « massacre » a été monté de toutes pièces pour nuire au Président d’alors. Une enquête est en cours depuis juillet 2004. Le Ministère haïtien de la Justice a demandé l’aide des Nations Unies et de l’OEA (Organisation des États Américains) pour mener à bien des analyses d’anthropologie criminelle. Ce ministère a également nommé deux juges d’instruction pour enquêter sur ces événements. Le député Amanus Mayette est actuellement en prison sans avoir été inculpé.
*(Pour des sources sur la thèse du massacre, voir Roc, 2004, NCHR, mars 2004, et Fuller ; pour des sources qui nient son existence, voir Haiti-Progrès, 2004. Cet événement a été couvert par les médias, mais à ce jour aucun élément formel prouvant l’ampleur de la tuerie n’a été révélé. Ce sujet est politiquement et émotionnellement chargé.)
En 2018, La Saline a été le théâtre d’un massacre à huit clos orchestré, selon des organisations des droits humains, par des officiels de l’administration en place. Au moins 71 personnes ont été assassinées, le 13 novembre 2018, par des gangs réputés proches du pouvoir central, d’après les organisations de la société civile, dont le Réseau national de défense des droits humains (RNDDH). En juin 2019, l’Organisation des Nations unies (ONU) avait publié un rapport édifiant sur le massacre perpétré dans ce bidonville. L’ONU affirme que le massacre a duré plus de 14 heures sans que les unités de police présentes à proximité n’interviennent. L’inertie totale des forces de l’ordre a permis aux membres des cinq gangs impliqués d’avoir eu le temps d’éliminer les preuves de leurs actes. Des corps ont été mutilés, brûlés et abandonnés dans une décharge publique à la merci des animaux, notamment des Porcs. Ce rapport des Nations unies a corroboré les accusations déjà formulées par des organisations haïtiennes. Deux officiels du gouvernement, à savoir, Pierre Richard Duplan et Fedenel Monchery, principalement délégué départemental de l’Ouest et directeur général du ministère de l’Intérieur, sont, jusqu’à date, sur le banc des accusés.
Par ailleurs, un an après le massacre de la Saline, un autre massacre orchestré encore une fois par le pouvoir en place, selon les organisations locales, a eu lieu au quartier de Bel-Air, dans la nuit du 8 au 9 novembre 2019. Au cours de cette période plusieurs personnes ont été tuées ou blessés par balle, de nombreuses maisons ont été incendiées ainsi que des véhicules. Les responsables ont eu le temps d’annuler les preuves, mais en résumé, le dernier bilan, le plus proche de la réalité, est de 24 personnes tuées par balle ; 5 autres blessées par balle ; 28 maisons incendiées ; 2 maisons criblées de balles ; 7 voitures et 3 motocyclettes incendiées et 9 transformateurs de l’EDH endommagés. Un rapport d’enquête très détaillé a fourni l’identité des victimes, les lieux et dates de ces actes, les gangs impliqués ainsi que le nom des personnalités politiques indexées dans les évènements enregistrés à Bel-Air. Le secrétaire d’État à la sécurité publique d’alors, Léon Ronsard Saint-Cyr a été accusé d’être l’auteur intellectuel de ce massacre. Selon le rapport du RNDDH, ce dernier a engagé le chef de gang Jimmy Cherizier alias « Barbecue » pour nettoyer la région métropolitaine de Port-au-Prince et prendre le contrôle de Bel-Air afin d’empêcher la poursuite des rassemblements antigouvernementaux.
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