L’objectif final d’un gouvernement provisoire serait d’organiser des élections significatives et participatives, et pour cela, la sécurité doit être améliorée. Le bilan humain de la crise actuelle est astronomique. Au moins 950 personnes ont été enlevées en 2021 pour obtenir une rançon. Certaines d’entre elles ont été tuées, d’autres ont été violées ou torturées en captivité. Les familles ont dû vendre leurs biens et emprunter des sommes énormes pour payer les rançons demandées.
L’une des premières mesures qu’un gouvernement de transition devrait prendre est de dépolitiser la Police nationale d’Haïti, qui compte 13 000 membres, afin qu’elle puisse accomplir sa mission sans programme politique ni entrave de la part des politiciens. La police a également besoin d’un équipement adapté à la menace à laquelle elle est confrontée, notamment des véhicules blindés et des drones. Alors que les gangs haïtiens sont de mieux en mieux armés, la police n’a pas bénéficié des mises à niveau essentielles en matière d’équipement et d’expertise. Les États-Unis peuvent, de toute urgence, fournir ces équipements et une assistance technique en matière de maintien de l’ordre pendant la période de transition.
Un gouvernement de transition devrait également rompre la chaîne d’approvisionnement en armes et en munitions des gangs. Les autorités douanières devront renforcer le contrôle des points d’entrée. La police devra sécuriser les routes menant aux zones contrôlées par les gangs afin de couper leurs lignes d’approvisionnement. Le type de terreur auquel les Haïtiens ont été soumis au cours des années Moïse – notamment 13 massacres entre 2017 et 2021, dont trois ont été qualifiés de crimes contre l’humanité par les observateurs des droits humains – a nécessité une abondance d’armes et de munitions. Haïti ne produit ni l’un ni l’autre. Bien que les Nations unies n’aient pas d’embargo sur les armes à destination d’Haïti, les États-Unis en ont un, et ils devraient immédiatement faire leur part en contrôlant les expéditions et en punissant ceux qui enfreignent la loi. Il est également urgent de contrôler les policiers haïtiens, car il est prouvé que les forces de police sont infiltrées par des gangs. Une autre mesure qui peut également produire des résultats rapides est la création de “zones vertes”, des zones sécurisées non contrôlées par les gangs et protégées par la police. Compte tenu de la rapidité avec laquelle les gangs revendiquent des territoires, une telle mesure devrait être appliquée immédiatement.
Les États-Unis et d’autres pays ont toléré et perpétué les dysfonctionnements politiques en Haïti.
Un gouvernement intérimaire devra également répondre aux énormes besoins humanitaires d’Haïti. La violence urbaine a forcé des milliers de personnes à quitter leur foyer, tout comme le tremblement de terre d’août. L’ONU a estimé que 4,6 millions d’Haïtiens, soit environ 40 % de la population, souffrent d’insécurité alimentaire. Ces besoins doivent être satisfaits rapidement, malgré des obstacles tels que le manque d’accès aux zones bloquées par les activités des gangs et le manque de financement des donateurs. On s’inquiète de plus en plus du fait que les crises humanitaires deviennent un trait caractéristique du pays, de sorte que la véritable réponse à ces catastrophes devrait être la résolution des problèmes structurels d’Haïti. En d’autres termes, la solution à long terme pour Haïti est d’accélérer son développement.
L’aide étrangère est désespérément nécessaire, mais Haïti pourrait aussi mieux subvenir à ses besoins s’il mettait fin au pillage des caisses de l’État. Des économistes m’ont dit que les recettes des douanes portuaires s’élèvent à environ 450 millions de dollars par an et qu’elles pourraient être le double si les fonctionnaires corrompus ne les siphonnaient pas. Un gouvernement de transition devrait faire appliquer les lois existantes et prendre le contrôle des douanes et des impôts afin que l’État haïtien génère les revenus qu’il devrait. Un gouvernement intérimaire devrait également commencer à mener une réforme fiscale et adopter des politiques qui donnent la priorité à la production nationale, en particulier dans le secteur agricole en déclin, plutôt qu’aux importations. Il pourrait également augmenter les taxes sur la plupart des importations : à trois ou six pour cent, les droits d’importation d’Haïti sont parmi les plus bas des Caraïbes. De mauvais choix politiques détruisent l’économie du pays. Il n’est pas nécessaire qu’il en soit ainsi. Il est temps de changer le modèle de gouvernance économique d’Haïti.