Le président Jean-Bertrand Aristide est rentré sans heurt, et l’ordre règne à Port-au-Prince. L’autre guerre, certes de basse intensité, va reprendre. Ou s’intensifier. Celle commencée bien avant la chute de Jean-Claude Duvalier, menée au prix de lourdes pertes par la paysannerie et son appendice bidonvillois de la capitale. Rentré avec les Américains sous les vivats du peuple, le prêtre-président a-t-il les moyens de concrétiser l’espoirv? De satisfaire les revendications de justice tant de fois résumées dans la formule : «Passer de la misère indigne à la pauvreté digne».
L’opération «Restaurer la démocratie» est l’aboutissement d’une politique aux évidentes sinuosités tactiques, résultante des influences contradictoires des différents lobbies. Mais l’axe stratégique est commun aux principaux centres du pouvoir américain : placer sous tutelle l’ancienne perle des Antilles. Plus besoin maintenant de recourir au macoutisme ou à ses variantes. Ouvrir la voie à une démocratie contrôlée, facilitée par l’occupation, mais plus encore par l’impossibilité du pays à sortir seul du chaos où l’ont plongé trois ans de dictature mafieuse.
L’obstination et la légitimité du président Aristide, soutenu par quelques secteurs de l’opinion internationale et par la résistance passive de ses concitoyens, ont empêché l’émergence d’une tierce solution. Les Etats-Unis n’ont pourtant pas ménagé en trois ans leurs efforts pour se débarrasser d’un homme mal contrôlable, y compris à l’aide de la CIA. L’agence, après les généraux haïtiens, a financé pendant un temps, on le sait, la milice néoduvaliériste, fer de lance des escadrons de la mort.
Les généraux et les familles de l’oligarchie ont toujours penché du côté de Washington. Le (…)
Dans son rapport, le Centre d’analyse et de recherches en droits humains (CARDH) rappelle que l’élection de Jovenel Moïse à la magistrature suprême de l’État est issue du processus électoral d’août et d’octobre 2015. Ce processus a été bouclé par le président provisoire Jocelerme Privert le 20 novembre 2016. Toutefois, laisse entrevoir ledit centre, qu’aucun ne prétende que le président doit partir le 7 février 2022 puisqu’il est installé en 2017.
À ce sujet, l’article 134.2 de la Constitution précise ceci : « Au cas où le scrutin ne peut avoir lieu avant le 7 février, le président élu entre en fonction immédiatement après la validation du scrutin et son mandat est censé avoir commencé le 7 février de l’année de l’élection. » De ce fait, l’élection présidentielle a débuté le 25 octobre 2015 ; le président Jovenel Moïse est censé avoir commencé son mandat le 7 février 2016, en dépit du fait qu’il a été installé en 2017, selon les analyses du CARDH.
Pour corroborer cette déduction, l’organisme de droits humains souligne des dispositions du décret du 2 mars 2015. Pour harmoniser les temps constitutionnel et électoral à l’occasion d’élections organisées en dehors du temps constitutionnel, pour quelque raison que ce soit, indique l’article 239 du décret, les mandats des élus arrivent à terme de la manière suivante : a) Le mandat du président de la République prend fin obligatoirement le sept février de la cinquième année de son mandat quelle que soit la date de son entrée en fonction.
Dans ce même souci d’harmonisation, 27 députés de la 50e législature (janvier 2016-janvier 2020), ayant prêté serment le deuxième lundi de janvier 2017, et 20 sénateurs, dont six ayant prêté serment à la même date, ont tous terminé leur mandat constitutionnel le deuxième lundi (13) de janvier 2020, a écrit le CARDH.
Certains de ces députés étaient rentrés en fonction le deuxième lundi de 2016 et de 2017 ; d’autres ont prêté serment au milieu de 2017. Ils sont tous partis en 2020 en vertu des dispositions de la Constitution et du décret. Sur la base de l’article 50-3 de ce même décret et de l’article 95 alinéa 2 de la Constitution, le 13 janvier 2020, dans un tweet, le chef de l’État a dit constater la fin du mandat de 20 sénateurs.
14 d’entre eux étaient élus aux législatives d’août et d’octobre 2015 et ont prêté serment le 11 janvier 2016, les autres, issus des élections du 20 novembre 2016, ont prêté serment le 10 janvier 2017. Certains de ces sénateurs ont donc passé seulement trois ans au pouvoir.
D’autres antécédents, comme les deux mandats du président Jean-Bertrand Aristide qui ont été interrompus, et le fait que Michel Joseph Martelly est rentré en fonction le 14 mai 2011 mais a laissé le pouvoir le 7 février 2016 justifient, pour le centre, ses analyses. L’accord passé entre le président Michel Martelly et le Parlement marque donc le début du mandat de Jovenel Moïse, laisse croire le CARDH.
« La fin du mandat du président est imminente », a rappelé le Centre d’analyse et de recherches en droits humains. Cependant, les responsables de cet organisme ont rappelé aux acteurs politiques qu’ils « doivent se montrer lucides et responsables, car le pays s’enlise dans une crise institutionnelle et politique profonde inédite ». Hormis les crises socioéconomiques, l’insécurité, le CARDH tire la sonnette d’alarme sur le fait que le Parlement est caduc.
« Le Conseil électoral provisoire dont le mandat était de “relancer le processus électoral de 2015, mettre en application les recommandations de la Commission indépendante d’évaluation électorale et de finaliser et proclamer les résultats des élections”, est arrivé à terme, conformément à la loi électorale (article 240) et de l’arrêté du 29 mars 2016 », a enchainé le centre.
Président, opposition et société civile, de l’avis du CARDH, doivent être clairvoyants et vigilants, en proposant des solutions légitimes novatrices et constructives. Aussi, ils devraient commencer à élaborer des plans d’action clairs pour la « formule de transition».