Si le gouvernement d’Ariel Henry claironne que “tout est globalement sous contrôle”, le chef du G-9, Jimmy Chérizier, a appelé, ce mercredi, le Premier ministre Ariel à fuir, comme l’avait fait Ashraf Ghani, face aux talibans, en Afghanistan, pour éviter un bain de sang en Haïti.
Aux Gonaïves, un ex-chef rebelle de 2004, Ti Will, a repris le collier à la tête d’une manifestation qui a réuni des milliers de participants ce mercredi.
Au Cap-Haïtien, à l’appel du leader de la formation politique Pitit Dessalines, des milliers de gens ont gagné les rues et le seul supermarché de la deuxième ville du pays a été pillé.
À Port-au-Prince et à Carrefour, des manifestations appelant au départ du chef du gouvernement ont eu lieu sur fond d’aggravation de la pénurie d’essence qui empire la crise humanitaire.
Jimmy Chérizier, chef du G-9, un regroupement de gangs opérant à Port-au-Prince, la capitale d’Haïti, a appelé le Premier ministre Ariel Henry à s’enfuir, à démissionner pour éviter un bain de sang. « Je souhaite que le Premier ministre Ariel Henry entende raison et fasse comme le président de l’Afghanistan qui s’est enfui pour éviter un bain de sang. Je souhaite que le Premier ministre Ariel Henry quitte le pouvoir et démissionne le plus vite possible », a lâché Jimmy Chérizier dans une vidéo, mercredi 28 septembre 2022.
Plus de quinze jours après qu’il a rendu inaccessible le terminal pétrolier de Varreux et aggravé la pénurie de carburant qui a provoqué la fermeture de parcs industriels, d’entreprises et impacté sévèrement le fonctionnement d’hôpitaux et de services essentiels, le chef du G-9 a annoncé que lui et ses hommes n’ont rien à perdre.
« Nous n’avons pas de terminal à Varreux, pas de Shodecosa, pas d’APN, pas de douane, pas de Parlement. Cela veut dire que nous n’avons rien à perdre. Nous n’avons pas de banques, pas de supermarchés », a-t-il ajouté, se fendant d’une mise en garde. « Nous demandons au peuple haïtien, à partir de lundi, d’éviter de sortir dans les rues sans réel besoin », a dit Jimmy Chérizier, qui a souligné qu’il ne mène pas une bataille contre les personnes de sa classe sociale, contre la classe moyenne.
« Nous n’avons pas non plus de problème avec les bourgeois parce qu’il n’y a aucun pays qui peut se développer sans bourgeois », a dit Jimmy Chérizier dont la mise en garde court à partir du 3 octobre, date de la réouverture des classes annoncée par le gouvernement Henry.
Si dans l’Ouest Jimmy Chérizier maintient ses positions, bloque le plus important terminal pétrolier, appelle à ce que Port-au-Prince reste dans ses habits de ville fantôme, aux Gonaïves, dans l’Artibonite -le second département le plus peuplé d’Haïti-, Wilfort Ferdinand, dit Ti Will, un ancien chef de guerre ayant pris les armes en 2004 contre l’ex-président Jean Bertrand Aristide, a été vu à la tête d’une foule hostile au PM Henry.
Au Cap-Haïtien, des milliers de personnes ont manifesté pour exiger le départ de M. Henry. « Kisa Ariel te ye pou nou pa voye l ale », scandait la foule au rythme des tambours. Il y a eu une manifestation également dans la capitale où la troisième journée de grève des syndicats de transport en commun a fortement paralysé les activités.
En début de matinée, quand les informations commençaient à circuler, des supermarchés ouverts ont été pris d’assaut par des clients qui, dans certains cas, se sont retrouvés devant des rayons dégarnis.
« Des containers de produits alimentaires sont bloqués à la douane à cause de l’action des gangs », a confié un préposé d’un supermarché de Pétion-Ville, commune où les habitants de certains quartiers résidentiels, dont Frères, Pernier, ont la peur au ventre.
« Oui, le gang de Vitelhomme a démoli le mur qui empêchait l’accès à Bellevue, en sortant de Torcel », a confié un résident de Vivy Mitchell. « Ma vie et celle de ma famille sont entre les mains de Dieu », a dit au journal un professionnel dans la quarantaine, marié, père de deux enfants en bas âge, interrogé mercredi matin, moins de vingt-quatre heures après un message de l’ambassade des États-Unis indiquant que « les citoyens américains doivent examiner attentivement les risques liés à un voyage (ou à un séjour) en Haïti, compte tenu de la détérioration de la sécurité et des problèmes d’infrastructure ».
« L’insécurité persistante et les pénuries croissantes de carburant empêchent les citoyens américains de trouver des moyens de transport pour se rendre à l’ambassade et aux aéroports du pays et en revenir. Le gouvernement américain est extrêmement limité dans sa capacité à fournir des services d’urgence aux citoyens américains en Haïti, et n’est pas en mesure de fournir des services de navette ou de transport », peut-on lire dans ce message, le 27 septembre 2022.
L’ambassade des États-Unis à Port-au-Prince rappelle aux citoyens américains qu’Haïti a le plus haut niveau d’avis aux voyageurs (niveau 4 : NE PAS VOYAGER) pour les enlèvements, la criminalité et les troubles civils. La police locale manque généralement de ressources pour répondre efficacement aux demandes d’assistance, selon ce message, soulignant que « ces problèmes peuvent limiter l’accès aux services essentiels en cas d’urgence, notamment l’accès aux banques, aux transferts d’argent, aux soins médicaux urgents, à internet et aux télécommunications, ainsi qu’aux options de transport public et privé ».
Ce mercredi, Maarten Boute, de la Digicel, a évoqué la situation dans un tweet. « Haïti reste paralysé ce matin. Il n’y a plus de carburant nulle part, sauf les rares gallons vendus à des prix exorbitants au marché noir. Pas de circulation, à l’exception de rares motos. Les hôpitaux annoncent leur fermeture un par un. Il n’y a pas d’eau potable dans la plupart des quartiers. #haiti », a-t-il décrit.
Par rapport à la situation, Ashley Laraque, ex-militaire, membre d’un groupe de la société sur la sécurité, a observé la passivité du gouvernement face aux menées de M. Jimmy Chérizier.
« Jimmy Chérizier est recherché par la justice, mais prend le temps de prévenir les autorités de ses intentions de bloquer l’accès au plus grand centre de stockage de carburant. Il y parvient en début d’année, et récidive sans aucune opposition et, plus spectaculairement, il engage des opérateurs d’équipements lourds, creuse une tranchée, décape le bitume de la route et confirme l’achèvement de ses travaux par une manifestation professionnellement filmée et diffusée sur les réseaux sociaux !!!! », a écrit Laraque. Ashley Laraque a aussi noté « qu’à aucun moment il n’aura été noté une tentative d’opposition à ces projets et, huit jours après, le ministre des Affaires étrangères, le généreux, pardon, Généus, déclare tout de go à l’Assemblée générale des Nations unies que “la situation est sous contrôle” ; considérons que ce serait effectivement le cas, ceci suggererait que le gouvernement serait en plein contrôle ou co-décideur du projet », a-t-il estimé.
Ashley Laraque a partagé ses observations sur Haïti, le 28 septembre 2022: « Rues désertes, urgents besoins de nettoyage. Les DELINQUANTS en mode chantage détruisent tout sur leur passage.
Le GOUVERNEMENT en voyage ou en attente de limogeage… reste sage… Le SECTEUR DES AFFAIRES exprime sa rage et peine à définir les règles de partage dans son propre entourage…
La POLICE NATIONALE est en recyclage, incapable de prévenir les dérapages et l’ARMÉE d’HAITI en nécessité de dépannage …
La SOCIETE CIVILE espère un colmatage et la réparation des dommages… et justifie son manque de courage par le refus d’accepter son sevrage …
L’INTERNATIONAL AMI, friant [A1] de sondages, confirme sans ambages sa grande capacité à traduire en pourcentage les dommages causés par les actes de pillage
HAITI, dans tout cela, quel GASPILLAGE !!!!! », a écrit Ashley Laraque.
En fin d’après-midi, au centre-ville de Port-au-Prince, des tirs à l’arme automatique étaient entendus et une colonne de fumée s’échappait vers le ciel. Presque un fait divers dans cette partie de la capitale où les atrocités lors d’accrochages entre gangs sont devenues banales.
Alors que l’angoisse gagne de plus en plus le cœur des Haïtiens qui sont confrontés à une grave crise sécuritaire et humanitaire, le PM Ariel Henry, ses ministres de la Justice, de l’Intérieur, son chef de police se sont emmurés dans le mutisme. La dernière mesure ou compréhension de la situation a été donnée par le chancelier Jean Victor Généus, pour qui “globalement, la situation est sous contrôle”.
Et le ministre parlait au nom du gouvernement Henry.