Le présent article vise à présenter, d’une part, le profil sociodémographique et professionnel des immigrants haïtiens résidant aux États-Unis et, d’autre part, le comparer avec celui des natifs blancs non hispaniques. Cette étude fournit des informations de première main permettant de mieux comprendre les facteurs sur lesquels il faut agir afin d’assurer la pleine intégration des immigrants haïtiens dans la société étasunienne. Un tel objectif doit passer par la réduction des écarts persistant entre les nationaux haïtiens et les groupes sociaux privilégiés et dominants dans des secteurs clés de la vie sociétale du pays d’accueil.
Pour conduire cette étude, on a utilisé les données de 2018 de l’American Community Survey (ACS). Il s’agit d’une enquête continue d’envergure nationale réalisée par le Bureau de Recensement des États-Unis (United States Census Bureau). Cette enquête fournit des informations statistiques permettant de mener des études approfondies sur des thématiques diverses en rapport avec la socio-démographie et le marché du travail aux États-Unis.
Le stock
En 2018, la société étasunienne héberge un volume de 718,111 immigrants haïtiens âgés de 0 à 96 ans. Le terme immigrant fait référence à une personne qui est née en Haïti et qui à un moment de la durée vient s’établir définitivement sur le territoire étasunien. Sur la base de cette définition, cette étude ne prend pas en compte les fils des immigrants haïtiens qui sont nés sur le territoire des États-Unis. Ces personnes sont généralement enregistrées lors des recensements et des enquêtes comme des natifs étasuniens. Elles sont aussi connues dans la littérature scientifique comme étant des immigrants de deuxième génération. Comme on peut le voir dans le tableau 1, le volume d’immigrants haïtiens qui s’installent aux États-Unis suit une trajectoire ascendante à travers le temps. En effet, les Haïtiens ont multiplié par 24.2 leur présence sur le sol étasunien de 1970 à 2018.
La baisse du rythme d’entrées des immigrants haïtiens s’explique par les mesures de plus en plus restrictives prises par les gouvernements successifs des États-Unis à l’encontre de la migration régulière et irrégulière en provenance d’Haïti et d’autres pays de la région latino-américaine et caribéenne. Cette baisse suppose qu’Haïti prendra des décennies avant d’atteindre le dynamisme qu’a connu ses mouvements migratoires au cours des années soixante et soixante-dix vers ce territoire nord-américain.
Les États de résidence
Les données du graphique 1 indiquent qu’en 2018, les immigrants haïtiens dans leur grande majorité (50%) résident dans l’État de Floride. Les autres communautés importantes d’Haïtiens se trouvent à New York (18%), dans le Massachusetts (9.3%) et à New Jersey (7.5%). Ces quatre États concentrent à eux seuls près de 84% du volume de résidents haïtiens aux États-Unis. Il faut dire qu’avant les années 90, le volume le plus élevé d’immigrants haïtiens aux USA se localisait dans l’État de New York.
Il est important de souligner que le choix des milieux de résidence des immigrants haïtiens dans leur société d’accueil n’est pas le fruit du hasard. Cette décision est fortement influencée par l’existence de réseaux migratoires déjà établis et des possibilités de réalisation des objectifs à caractère professionnel et familial dans les communautés d’accueil (Durand, 2002 ; Durand et Massey, 2003).
L’âge
Les données de l’American Community Survey présentées dans les graphiques 2 et 3 montrent que la grande majorité (près de 80%) des Haïtiens résidant aux États-Unis se concentrent dans le groupe d’âge potentiellement actif de 16 à 64 ans, sans un réel déséquilibre entre les sexes. Elles montrent en conséquence l’étroitesse des extrémités inférieure et supérieure de la pyramide des âges de ladite population.
Le comportement de la structure par âge des immigrants haïtiens vivant aux États-Unis est la conséquence de la sélectivité occupationnelle à la base de leurs mouvements migratoires. Il suggère implicitement le poids des déficits en matière d’opportunités économiques (emplois et salaires décents) de la société haïtienne lesquels motivent l’émigration d’une partie de sa force productive.
D’un point de vue comparatif, la proportion des immigrants haïtiens (78.2%) dans le groupe d’âge potentiellement actif de 16 à 64 ans est plus élevée que celle des natifs blancs non hispaniques (62.9%). Cette donnée montre que la présence des immigrants haïtiens contribue à combler le vide provoqué par le vieillissement, la baisse de la fécondité de la population native et ainsi réduire les incidences négatives de ces traits démographiques sur le système de protection sociale mise en place dans ce pays nord-américain.
Le sexe
Les données du graphique 4 montrent qu’en 2018 les femmes se rencontrent en plus grande proportion (51.9%) que les hommes dans le stock de résidents haïtiens aux États-Unis. La prééminence des femmes haïtiennes dans les flux et les stocks migratoires des États-Unis ne date pas d’aujourd’hui. Elle s’observe depuis le début de ces mouvements migratoires au cours des années de la décennie soixante. Elle reste plus ou moins présente même durant les années quatre-vingt-dix au cours desquelles les entrées irrégulières des immigrants haïtiens aux États-Unis à travers la voie maritime ont atteint des chiffres records.
Le poids dominant des femmes dans les stocks d’immigrants haïtiens aux États-Unis rentre en contradiction avec des idées préconçues faisant croire que la migration est une affaire d’homme. Il révèle le caractère distinctif des mouvements migratoires des Haïtiens vers les États-Unis en comparaison à ceux qui se dirigent vers la République dominicaine, lesquels sont caractérisés par le poids surnuméraire (62.0%) des hommes par rapport aux femmes (Méroné, 2019).
Au regard des conclusions des auteurs ayant abordé cette problématique, la sélectivité favorable aux femmes qui caractérise la migration haïtienne vers les États-Unis peut être expliquée par la préférence des familles haïtiennes pour la migration féminine, une fois concrétisée avec succès l’installation de l’un de leurs membres de sexe masculin dans le pays d’accueil (Laguerre, 1998). Elle peut être en cohérence avec la forte propension des femmes à appuyer économiquement les membres de leurs familles résidant dans leurs communautés d’origine (Szasz, 1994, 1999). Elle peut être aussi expliquée par l’attraction des postes d’emploi du secteur des services du marché du travail des États-Unis dans lesquels s’insèrent une forte proportion des femmes haïtienne (Sassen, 1998, 2003 ; Castles et Miller, 2004).
Le niveau de scolarité et la maitrise de l’anglais
Les données du graphique 5 montrent que seulement 18% des immigrants haïtiens de plus de 15 ans (16% d’hommes et 19.9% de femmes) ont le niveau de scolarité « moins de High School ». Cette information suggère l’idée que 82% des immigrants haïtiens des États-Unis ont au moins le « Diplôme de High School ou celui du Baccalauréat haïtien ». Selon les données du graphique 5, le pourcentage des femmes est légèrement plus élevé dans les grades d’éducation « Moins de High School » et s’équilibre avec celui des hommes dans le grade « Plus de High School ».
Ces données indiquent que la sélectivité positive sur la base du niveau d’éducation est très présente dans les mouvements migratoires des Haïtiens vers les États-Unis. Cette sélectivité éducationnelle marque une nette différence entre les flux et les stocks migratoires des Haïtiens des États-Unis et de la République dominicaine. En effet, les chiffres les plus actualisés sur le sujet montrent que moins de 25% des immigrants haïtiens de la République dominicaine ont le niveau secondaire et plus (Meroné, 2019).
Le départ des fils et des filles les plus formés d’Haïti sur le plan éducationnel est très notoire dans l’histoire de la migration de ce pays. Il fait émerger des débats contradictoires entre les défenseurs des visions optimistes et pessimistes, desquels les gouvernements successifs d’Haïti n’ont pas encore pris une position claire connue de tous.
D’un point de vue comparatif, les données du graphique 5 montrent que globalement les immigrants haïtiens ont encore des distances à parcourir en vue de réduire leurs écarts avec les natifs blancs non hispaniques qui sont le groupe de référence de la présente étude. Les efforts les plus importants devraient se concentrer sur les niveaux « Moins de High School » et « Plus de High School » dans lesquelles des écarts de 9.8 points et 11.4 points séparent les immigrants haïtiens des natifs blancs non hispaniques.
Pour ce qui a trait à l’anglais, les données du graphique 6 montrent que globalement les immigrants haïtiens ont une maitrise relativement élevée de cette langue. En effet, 54.8% de ces immigrants âgés de plus de 15 ans déclarent pouvoir « parler seulement ou très bien l’anglais » et 25.8% d’entre eux estiment « parler bien l’anglais ».
La différence entre les sexes montre que globalement les hommes ont une maitrise plus élevée de la langue anglaise que les femmes dans la mesure où ils sont moins présents dans la catégorie de ceux qui « maitrisent peu ou pas l’anglais ». Toutefois, cette différence diminue grandement à mesure qu’on avance dans les catégories des immigrants haïtiens les plus doués quant à la maitrise de cette langue.
Sans vouloir entrer dans trop de détails, on peut dire que le niveau de scolarité comparativement élevé des immigrants haïtiens jumelé à leur forte maitrise de l’anglais sont des indicateurs très favorables de leur insertion économique, sociale et culturelle dans la société étasunienne.
Le statut et la durée de résidence
Les données du graphique 7 montrent qu’une très grande majorité des immigrants haïtiens âgés de plus de 15 ans ont obtenu la nationalité étasunienne, avec des différences marginales entre les personnes de sexe masculin et féminin. Le taux relativement élevé de naturalisation dans la population immigrante haïtienne est un indicateur d’une grande importance leur offrant des avantages notables en rapport avec leur intégration économique et sociale dans la société d’accueil. En effet, ce statut leur accorde le droit à la réunification familiale, de voter et de se faire élire, d’accéder à des services et à des postes d’emplois uniquement réservés aux nationaux du pays. Il dénote de manière analogue les mauvaises conditions de vie en Haïti réduisant fortement les projets de migration de retour des Haïtiens à leur terre natale (Jones Correa, 1998 ; Liang, 1994).
En ce qui a trait à la durée de résidence, les statistiques du graphique 8 révèlent que 72.3% des immigrants haïtiens ont déjà passé au moins 11 ans aux États-Unis. La différence entre les sexes est presque marginale entre les différentes catégories de durées de résidence analysées dans la présente étude, sauf pour celle de 21 ans et plus dans laquelle existe une faible différence 2.2 points en faveur des hommes. La durée comparativement prolongée des immigrants haïtiens aux États-Unis est une caractéristique qui exerce des incidences remarquables sur leur intégration dans la société étasunienne, au regard de son incidence sur l’apprentissage la langue anglaise, la génération et la consolidation des réseaux sociaux et la meilleure compréhension du fonctionnement des communautés d’accueil. Le pourcentage élevé des immigrants haïtiens ayant des durées de résidence prolongées aux États-Unis est en cohérence avec la réduction des flux d’entrées de nouveau arrivants aux États-Unis et le faible renouvellement des stocks déjà présents.
Le statut matrimonial
Les données du graphique 9 indiquent que la proportion la plus importante (51.6%) des immigrants haïtiens des États-Unis âgés de plus de 15 ans ne vivent pas en union matrimoniale au cours de l’année 2018. Pour ce qui est de la différence entre les sexes, il s’avère que la proportion des hommes en union (53.7%) est plus élevée que celle des femmes (43.1%). Une telle caractéristique offre aux hommes des avantages non négligeables en ce qui concerne la capacité d’avoir accès à des soupapes de sécurité intrafamiliale compte tenu des incertitudes et du coût élevé de la vie dans la société étasunienne.
Il est important de faire remarquer que les comportements matrimoniaux des immigrants haïtiens se rapprochent de plus en plus de ceux des natifs blancs non hispaniques, bien que ces derniers conservent encore le taux le plus élevé de relation matrimoniale. Une telle observation suggère l’idée que la capacité d’entrée et de maintien de la vie matrimoniale est plus élevée chez les groupes sociaux les moins affectés par les vulnérabilités socioéconomiques.
Les comportements des immigrants haïtiens et des natifs blancs non hispaniques en relation à la vie matrimoniale sont en cohérence avec une série de transformations observées au niveau de la sphère familiale au cours de ces dernières années. Parmi lesquelles on peut citer le recul de l’entrée en union, l’augmentation du taux de divorces, l’augmentation de la scolarisation des femmes, l’augmentation des familles à double salaire, la perte du rôle traditionnel des hommes en tant qu’uniques pourvoyeurs économiques et représentants naturels de la famille vis-à-vis du monde extérieur.
Le taux d’activité, le taux de chômage et le type d’occupation
Selon les données du graphique 10, en 2018, les immigrants haïtiens expérimentent un taux d’activités évalué à 71.8%, avec une différence non négligeable entre les personnes de sexe masculin (76.6%) et féminin (67.0%). Ces informations montrent que les immigrants haïtiens exercent des pressions considérables sur le marché du travail et ce comportement est en cohérence avec la motivation occupationnelle à la base de leurs mouvements migratoires.
Toutefois, comme on peut le voir dans le graphique 11, la forte velléité des immigrants haïtiens de s’insérer sur le marché du travail n’es pas récompensée par une forte possibilité de capter les opportunités occupationnelles qu’offre la société étasunienne. Cette observation s’apprécie au fait que les natifs blancs non hispaniques détiennent des taux d’activités plus faibles que les immigrants haïtiens, alors que leurs taux de chômage sont en même temps très faibles. Cette donnée démontre le fait que les natifs blancs non hispaniques réalisent des efforts beaucoup moins élevés que les immigrants haïtiens pour occuper un poste d’emploi dans le contexte étasunien. Elle montre, au-delà de toutes autres considérations possibles, que l’origine nationale est un facteur incontournable dans la possibilité de capter des opportunités d’emplois dans ce pays nord-américain.
Quant aux types d’occupations, les statistiques du graphique 12 indiquent que la plus forte proportion (43.7%) des immigrants haïtiens âgés de plus de 15 ans se concentre dans les services (26.5%) et dans les postes d’emplois labellisés de « Techniciens, vendeurs et employés de bureau » (17.2%). Les personnes intégrant les occupations de services exécutent généralement les tâches en relation avec le nettoyage et l’entretien des maisons et des bureaux, la préparation des aliments, les soins de beauté et les soins apportés aux enfants, aux personnes vieillissantes et aux personnes malades. Ces occupations sont faiblement exigeantes en termes de niveau d’éducation. En ce qui concerne « Techniciens, vendeurs et employés de bureau », ils se retrouvent dans les occupations liées à la finance, la nouvelle technologie, la santé, la vente et l’attention à la clientèle. Ces occupations sont généralement catégorisées de non-manuelles semi-qualifiées, car elles ne nécessitent pas des formations universitaires poussées. Elles sont connues dans le langage courant sous le label de cols blancs (white-collar), lesquels se différencient des occupations cols bleus (blue-collars) par le fait d’être généralement manuelles semi-qualifiées (Meyer y Osborne, 2005 ; Ehrenreich y Ehrenreich, 2013).
Les données du graphique 12 montrent aussi une forte segmentation basée sur le sexe des modes d’insertion des immigrants haïtiens dans les types d’occupations disponibles sur le marché du travail des États-Unis. En effet, les immigrants haïtiens de sexe masculin occupent en grande proportion (30.1%) les emplois dans les domaines de « l’agriculture, la pèche et la foresterie », alors que les femmes haïtiennes sont faiblement représentées dans ce secteur (4.8%). Une autre donnée qui peut attirer l’attention d’un observateur est la proportion plus élevée de femmes haïtiennes que d’hommes dans les occupations labélisées de « exécutifs et cadres ». Dans ces occupations on retrouve généralement les ingénieurs, les médecins, les avocats, les gestionnaires et tous autres professionnels se distinguant par leurs hauts niveaux de qualifications et d’expériences sur le marché du travail. Cette donnée suggère l’idée qu’une amélioration certaine s’est opérée dans le domaine d’égalité de sexe dans les sphères professionnelles les plus élevées de la communauté haïtienne résidant dans la société étasunienne.
Les données du graphique 12 montrent que la sphère productive des États-Unis est aussi segmentée selon l’origine national des individus. Cette observation se comprend au fait que les natifs blancs non hispaniques occupent en plus grande proportion les occupations labelisées d’« Exécutifs et cadres » (26.4%) et « Techniciens, vendeurs et employés de bureau » (20.7%). Ils sont faiblement représentés dans les occupations de services. Il faut noter que la différenciation selon le sexe des modes d’insertion sur le marché du travail est aussi présente dans la communauté des natifs blancs non hispaniques selon les mêmes tendances observées dans la population des immigrants haïtiens.
Mickens Mathieu, Ph.D.
Sociodémographe, professeur à la Faculté des Sciences humaines (FASCH) de l’Université d’Etat d’Haïti (UEH), mathieumickens05@yahoo.fr
Bernard Séjour, pasteur et directeur exécutif de Solidarity Christian Community Development Association (SCCDA), besesol@gmail.com
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