Dans la conjoncture délicate d’aujourd’hui, où les institutions d’État sont souvent décriées (y compris le parlement), plus d’uns doutaient de la capacité de notre commission à formuler les propositions d’amendement qu’attend la société pour faire bouger les lignes de notre marche vers la démocratie. Plus d’uns estimaient que les commissaires n’auraient pas le courage de chercher à rééquilibrer les pouvoirs d’un système qui octroie des prérogatives exorbitantes au Parlement. Plus d’uns sous-estimaient la capacité patriotique de la Chambre de députés de s’élever au-dessus de la mêlée pour prioriser le bienêtre national sur les intérêts particuliers.
Les propositions d’amendement de la commission Tardieu sont « SUBSTANTIELLES » en ce sens qu’il est proposé un changement de régime politique pour faire naître un nouveau système pouvant rééquilibrer les pouvoirs, un système novateur qui facilitera la gouvernance et la transparence tout en tenant compte des acquis de la décentralisation, qui renforcera l’unité nationale par l’inclusion effective des Haïtiens vivant à l’extérieur, qui comptera sur un parlement fort mais campé dans son rôle consistant à légiférer et à contrôler L’action gouvernementale sans complaisance. Ces propositions d’amendements sont si osées et profondes qu’elles participent d’une farouche ambition de refonder la nation. Rappelons que l’amendement permet de changer et de modifier toutes les dispositions de la Constitution pour autant que ces changements ne portent pas atteinte au caractère démocratique et républicain de l’Etat (article 284.4).
En fait, les propositions d’amendement de la commission Tardieu visent aussi à faciliter la cohabitation fluide de trois pouvoirs responsables, la consolidation d’un régime politique fonctionnel, tout en cherchant à éviter deux écueils qui reviennent souvent dans notre histoire : la dilution improductive du pouvoir ou la concentration excessive qui débouche sur un autoritarisme désastreux.
Le projet d’une nouvelle constitution, à partir d’un referendum (pourtant interdit par la constitution de1987) est la décision du seul chef de l’Etat ; elle accordera les pleins pouvoirs au président, en nous ramenant à la période duvaliériste pré-1986 ; elle parachèvera la destruction des institutions démocratiques mises en place par la Constitution de 1987 alors que celle-ci visait la sortie effective de la dictature des Duvalier et de toute dictature. Il ne suffisait pas de déclarer la caducité du parlement, ni de réduire les capacités de la Cour supérieure des comptes, un nouveau pas vers la dictature a été définitivement franchi avec la révocation de juges de la Cassation et la mise au pas du système de justice.