Les attributions du Premier ministre en Haïti sont régies par les dispositions des articles 159 à 165 de la Constitution haïtienne. Sous l’autorité du président de la République, le Premier ministre dispose de plusieurs pouvoirs, entre autres, réglementaire, d’exécution des lois, de défense nationale, de nomination et de révocation des fonctionnaires publics, de soutien des projets de lois et des objections du Président de la République. Toutefois, pour être confirmé dans son poste après avoir été nommé par le président de la République, le Premier ministre doit présenter la déclaration de politique générale de son gouvernement au Parlement (v. Const. haït. art. 129-4 et 158; décret du 17 mai 2005 – 29 et 35), un document de référence des politiques sectorielles définies par les ministres.
La déclaration de politique générale
La déclaration de politique générale du gouvernement est l’élément clé de la mission du Premier ministre par lequel celui-ci engage la responsabilité de son gouvernement devant le Parlement en indiquant les divers axes de son gouvernement et les diverses mesures envisagées pour atteindre les objectifs fixés par le gouvernement. La politique générale du gouvernement est mise en œuvre par le Premier ministre à travers ses pouvoirs d’instruction, de réformation, de réglementation et d’exécution des lois (Const. haït. – art. 159 ; décret du 17 mai 2005 – art. 29). La Constitution haïtienne est silencieuse sur le contenu de la déclaration de politique générale. Cependant, la logique juridique veut, tout au moins, que cette déclaration ou cette politique générale soit pertinente (adaptée aux besoins du moment), conforme aux dispositions de la Constitution relatives aux attributions du Premier ministre et du gouvernement et bien élaborée techniquement pour permettre aux parlementaires de bien saisir les stratégies et mécanismes qui seront mis en œuvre pour atteindre les objectifs que se fixe le gouvernement. En ce sens, il incombe au Parlement de contrôler la constitutionnalité, la conventionnalité et la légalité (verticale, transversale et croisée) de la déclaration de politique générale, de même que sa faisabilité et sa compatibilité avec les autres politiques en cours. La déclaration de politique générale est un document très technique que les Premiers ministres et les parlementaires ne prennent pas à la légère.
Les pouvoirs d’instruction et de réformation
En vertu du pouvoir d’instruction du Premier ministre, celui-ci donne des instructions et des directives aux ministres et aux secrétaires d’État (décret du 17 mai 2005 – art. 26.4). Il peut aussi, en vertu de son pouvoir de réformation, réformer ou annuler les actes des ministres et des secrétaires d’État, qui ne sont pas conformes à ses instructions et directives, à l’exception des actes posés par les ministres et secrétaires d’État auxquels sont conférées expressément des compétences particulières par une loi (v. décret du 17 mai 2005 – 29.5). Il m’est difficile de dire si ces pouvoirs ont fonctionné en Haïti, mais le fonctionnement des ministères n’attestent pas de l’opérationnalité de ces pouvoirs.
Les pouvoirs réglementaire et exécutif
En vertu de son pouvoir réglementaire, le Premier ministre peut édicter des lettres administratives, des circulaires ou arrêtés d’application en vue d’assurer l’exécution et la bonne application des lois et le bon fonctionnement de l’administration publique (décret du 17 mai 2005 – 29.6), y compris les institutions interministérielles (Comité interministériel d’aménagement du territoire – CIAT; Comité interministériel de pilotage à la tête de l’Unité de construction de logements et de bâtiments publics – UCLBP). Il peut ainsi prendre ponctuellement les décisions nécessaires, pour faire exécuter les lois et faciliter le fonctionnement des ministères ou organismes placés l’autorité des ministères ou d’un ministère (Const. haït. – art. 156, 159 et 163 ; décret du 17 mai 2005 – art. 30). Il lui incombe de prendre les décisions ponctuelles pour faciliter le fonctionnement des institutions publiques (Const. haït. art. 156, 159 et 163) et d’exercer son pouvoir réglementaire, pour pallier les lacunes de politiques publiques ou les failles d’une institution qui en a la charge, conformément aux dispositions de l’article 30 du décret du 17 mai 2005 portant organisation de l’administration centrale de l’État. En ce sens, le pouvoir du Premier ministre est très vaste. Cependant, son pouvoir reste limité, sachant qu’il ne peut ni suspendre, ni interpréter les lois, actes et décrets, ni réglementer sur les questions d’intérêt général, ni se dispenser de les exécuter (Const. haït. art. 159). Le pouvoir réglementaire et exécutif du Premier ministre n’apparaît pas s’être matérialisé, tenant compte du manque considérable des règlements émanant du Premier ministre et de l’inapplication quasi systématique des règles de droit, notamment en droit de l’urbanisme, droit de l’environnement, droit des collectivités territoriales, droit judiciaire…
Les pouvoirs managérial et d’orientation
En plus des ministères composant son gouvernement, le Premier ministre est habilité à créer des comités interministériels sous sa présidence ou sous celle d’un ministre désigné à cet effet (décret du 17 mai 2005 – art. 104 et 105). Le Premier ministre exerce un droit de regard direct sur les organes gouvernementaux et de politiques publiques qui sont placés directement sous son autorité, à l’instar : des comités interministériels chargés de la coordination et de l’harmonisation des politiques publiques; du Conseil de développement économique et social, qui est chargé de veiller à l’harmonisation des politiques sectorielles avec le plan national de développement; du comité interministériel de l’aménagement du territoire – CIAT; du comité interministériel de pilotage à la tête de l’Unité de construction de logements et de bâtiments publics – UCLBP (v. arrêté du 30 janvier 2009; arrêté publié dans Le Moniteur, numéro extraordinaire, n° 148, du 13 août 2013; décret du 17 mai 2005 – art. 104 et 105 et 110 à 112). Il dispose traditionnellement d’un pouvoir d’orientation, de cadrage et de coordination à l’égard des ministères de son gouvernement. Encore convient-il de se montrer clément à l’égard d’un Premier ministre, car le système dans lequel il fonctionne n’est pas de nature à lui faciliter les tâches.
Par Amos MAURICE, Docteur en droit public