Le Réseau national de défense des droits humains et le Bureau intégré des Nations Unies en Haïti ont signalé que Cherizier est impliqué dans deux massacres commis à Port-au-Prince, dont au moins un lorsqu’il était membre de la police.
Dans le premier de ces incidents, au moins 71 personnes ont été tuées dans le quartier de La Saline entre le 13 et le 17 novembre 2018. La Commission interaméricaine des droits de l’homme a affirmé que des chefs d’accusation ont été retenus à l’encontre de 98 personnes impliquées dans les meurtres et dans d’autres exactions, dont 2 responsables gouvernementaux de haut rang. Selon la Mission des Nations Unies pour l’appui à la justice en Haïti, lors d’affrontements entre bandes rivales à La Saline, 11 femmes et filles ont été violées et jusqu’à 150 habitations ont été pillées. La mission a indiqué que des bandes criminelles qui se disputent le contrôle du quartier étaient apparemment responsables de ces abus, mais qu’elles agissaient avec la complicité d’acteurs étatiques, notamment Cherizier.
Entre le 4 et le 6 novembre 2019, Cherizier et d’autres membres du gang de Delmas 6 auraient mené une attaque contre certains habitants du quartier de Bel-Air qui refusaient de démanteler des barrages routiers, érigés en signe de protestation après l’annonce par le gouvernement qu’il allait mettre fin à une subvention sur le carburant. Au moins 3 personnes ont été tuées, 6 autres blessées et environ 30 maisons et 11 voitures incendiées. Trois membres actifs de la Police nationale d’Haïti et d’autres qui étaient hors service ces jours-là auraient participé aux attaques du côté des gangs, selon la mission de l’ONU.
Sur un plan social, nous pouvons tout d’abord analyser ce phénomène à travers le système de discrimination sociale qui existe en Amérique Centrale. Certains citoyens ont su s’intégrer correctement à la société malgré des mutations liées à la mondialisation, tandis que les personnes exclues par ce système n’ont pas réussi à s’adapter à ce nouveau contexte social et économique. Ces personnes se sont alors tournées vers les Gangs, comme une réponse à leur mal-être, et à cause du peu de considération qu’on leur accordait. Elles étaient les premières touchées par la pauvreté et le chômage. La grande majorité des adolescents qui y participent actuellement ne sont pas scolarisés, n’ont pas accès au droit à l’éducation, et vivent dans les rues, sans repères familiaux. Les Gangs se présentent alors à eux comme une évidence, comme une manière d’intégrer une nouvelle famille, de trouver une certaine reconnaissance à travers leurs actions, et de se faire rapidement de l’argent. Ils peuvent s’affirmer, et avoir enfin accès à la Société de consommation.
L’âge moyen pour entrer dans un gang est de dix neuf ans et pour les chefs de trente à quarante ans. Cependant, beaucoup d’enfants décident d’y rentrer plus tôt, entre neuf et douze ans. Une des caractéristiques des Maras est de porter des tatouages sur tout le corps, comme signe d’appartenance à un clan, mais aussi comme signe de courage.
L’ONG « Save The Children » qui s’occupe des droits de l’enfant à travers le monde, a tenté d’expliquer ce phénomène, et a essayé de comprendre les raisons sociales qui poussaient ces jeunes à intégrer les Maras. Leur rapport contient cette description « il s’agit d’un adolescent ou d’un jeune le plus souvent majeur, habitant un quartier déshérité avec des parents relativement pauvres, qui reproduit dans une deuxième génération les conditions d’indigence et de privation vécues par ses géniteurs. Dans la plupart des cas, il possède, comme ses parents, un bas niveau d’instruction générale, il occupe un emploi peu qualifié et il perçoit de son travail un revenu relativement bas. »
Sur le plan politique, les instabilités politiques au sein des pays d’Amérique Centrale, bafouant les principes démocratiques et les libertés fondamentales des citoyens, ont probablement indirectement contribué au développement des Gangs. Les membres ont su profiter de ces périodes de crise et de pauvreté pour étendre leurs actions et s’enroller dans la criminalité.
Cependant leurs actes ne sont pas politiques pour autant. Leur but premier est de commettre des crimes, et de contrôler le plus de quartiers possibles, comme cela est le cas au Salvador où environ quinze quartiers sont touchés. Ces membres pratiques aussi le vol, vendent de la drogue, trafiquent des armes, et des personnes sans-papiers. Les gangs sont donc actuellement un phénomène exclusivement urbain.
À l’instar d’organisations de la société civile, le haut responsable officiant en tant que « protecteur du citoyen » à Haïti dénonce l’impunité favorisée par l’État. « Les bandits sont protégés par certaines autorités politiques, par certaines autorités du pouvoir central, tandis que la population est prise en otage, abandonnée à elle-même », a déploré début août Renan Hedouville à l’AFP.
Il incombe au gouvernement haïtien de s’occuper de l’insécurité alarmante qui règne dans le pays. Mais les autorités ont également l’obligation primordiale de respecter les droits fondamentaux dans le cadre des opérations de sécurité publique et de traduire en justice les personnes impliquées dans les abus passés. Tout particulièrement dans le contexte actuel de la pandémie de Covid-19, le gouvernement devrait éviter de déplacer et reloger des habitants, à moins que ce soit absolument nécessaire pour leur sécurité, et il devrait s’assurer que tous les résidents qu’il déplace, en particulier les femmes, les enfants et les personnes âgées, bénéficient du soutien dont ils ont besoin pour avoir accès aux services de l’État en matière de logement, de santé et de nourriture, en pleine pandémie du Covid-19.