Le texte témoigne d’une ignorance inquiétante de la part du président et du conseil des ministres. D’un point de vue clinique et anthropologique, la plus schématique des conceptions définit l’inceste comme le fait d’avoir des relations sexuelles entre des personnes « interdites », quel que soit leur âge. Cette impossibilité ne se présente pas de façon identique dans toutes les cultures à travers le monde. Mais toutes, sans exception, prévoient l’interdiction de relations sexuelles et de conception d’enfants entre certaines personnes. L’anthropologue Françoise Héritier nous a appris, dans son livre paru en 1994, Les deux sœurs et leur mère_ (Éditions Odile Jacob), que c’est le redoublement de l’alliance charnelle dans la même lignée qui est la véritable prohibition.
Par ordre d’importance, selon les traditions Haitiennes, il y a d’abord le lien de sang, il concerne la filiation directe (ascendants-descendants, fratries de mêmes géniteurs, cousins paternels pour les sociétés patriarcales et cousins maternels pour les matriarcales), c’est le type de parenté qu’Emile Durkheim, Sigmund Freud ensuite, et Lévi Strauss appellent la « filiation totémique », et la filiation indirecte (cousins de la famille élargie) ; ensuite, il y a la parenté par alliance (concubinage ou mariage) ; et enfin la parenté par adoption. Du point de vue traditionnel, tous ces liens sont sacrés à des degrés divers, et la gravité de l’inceste – et ses conséquences – est fonction du lien de parenté dans lequel il s’est produit.
Il faut dire, en toute sincérité, que les sociétés Haitiennes traditionnelles sont un univers particulier en termes de libertés individuelles, selon les sociétés dites modernes. C’est un environnement imbibé d’interdits liés aux règles de la coutume et au respect de leurs spiritualités. Se sont ajoutées, à côté de ce monde quelque peu coercitif, les religions importées (Christianisme ) et leur prépondérance à la soumission, au sacrifice.
En effet, l’inceste est un coup porté sur ce qu’on appelle la « Ceinture brodée » que constitue le clan. Il consiste à rompre cette ceinture de sécurité familiale ou clanique. Aussi faut-il souligner que Castus, en latin, renvoie à : pur, pudique, intègre, chaste, religieux, qui touche à la fondation de la société. Pour cela, l’inceste ou Incestus, en latin, signifie : impur, impudique, souillé, dévalué, déchu. Ce caractère religieux donne une dimension sacrée au cordon que brise l’acte sexuel incestueux. On le retrouve notamment dans la langue fang (langue de l’ethnie gabonaise du même nom) où, Nsem renvoie, à la fois, à l’inceste et au péché (faute chez les religions importées). Autrement dit, l’inceste fait partie des péchés qui touchent directement l’ordre fondateur, à l’intouchable.
Si donc l’inceste se cache derrière l’interdit fondamental, comment et pourquoi en arrive-t-on à le transgresser ?
Les causes sont autant multiples que complexes. Mais les principales sont : l’ignorance due au manque de transmission des valeurs traditionnelles par les ainés aux cadets ; l’esprit iconoclaste ou la revendication d’une pseudo liberté que donne l’éducation moderne occidentale ; une préparation ou pacte mystique que les fang appellent akiè’è, qui veut littéralement dire promis à ; la confiance et la complicité exagérées entre membres d’une même famille, d’un même clan ; et l’influence psychologique que peut exercer un membre sur un autre, exactement comme le rapport du maître et l’esclave, du pasteur et ses disciples, ou encore du tyran et ses larbins.
Aussi de nos jours, les relations incestueuses vont au-delà de la relation traditionnelle homme-femme. Il est de plus en plus possible de voir deux personnes apparentées, de même sexe, se lancer dans une aventure incestueuse. Elles commettent ainsi un double impénitence aux yeux des garants des coutumes et mœurs Haitennes .
Le code pénal est l’ouvrage sous couvert duquel les comportements nuisibles assorties de sanctions sont prévus. C’est une forme de contrat social tendant à l’harmonisation de la société. Il est aussi appelé code des Interdits en ce sens qu’il prévoit les actes à ne pas poser tout en laissant le reste aux adages
a) Tout ce qui n’est pas interdit est permis
b) il faut pas distinguer là où la loi ne distingue pas Retenez bien, le code pénal prescrit les INTERDITS, le code dès Malandren.
2- Que vise un code pénal?
Le code pénal vise l’harmonisation des relations entre les sujets de la société.
Le 13 janvier 2020, le Président JoVenel Moise a déclaré le constat Illégalement la caducité des mandats de deux (2/3) tiers du sénat pour pouvoir imposer ses visions au peuples haïtiens à travers des décrets.
Le 14 juin il a publié un décret sur la carte nationale, dans lequel il reconnaît à l’art 5, les changements morphologiques. le 24 juin 2020, il a publié, sans avoir consulté la population, un décret portant sur le nouveau code pénal dans lequel, il a légalisé.
Qu’en est-il exactement en France, aujourd’hui ? Le Code civil a prévu des interdits de mariage (articles 161 et 162) au sein d’une même famille, mais attention : l’interdit de mariage ne vaut pas interdiction de copuler ni d’avoir des enfants entre personnes majeures et consentantes. Au risque donc de heurter les consciences, le Code civil, auquel s’ajoute désormais le Code pénal, ne prohibent pas l’inceste au sens large, mais uniquement certaines formes d’inceste.
D’ailleurs une commission sénatoriale le soulignait déjà en 2002, lors d’une précédente tentative pour insérer l’inceste dans le Code pénal. « Le droit français, comme le droit espagnol ou le droit portugais, ne condamne pas les relations sexuelles librement consenties entre des personnes majeures appartenant à la même famille, écrivait la commission. Ce faisant, la France, l’Espagne et le Portugal se différencient d’autres pays occidentaux qui font au contraire de l’inceste une infraction spécifique, indépendamment de toute violence, au titre des infractions contre la famille et le mariage notamment. Par exemple, l’Allemagne, l’Autriche ou la Suisse punissent d’une peine d’emprisonnement toute personne qui a des relations sexuelles avec un descendant, un ascendant, son frère ou sa sœur, sauf si l’auteur de l’infraction a moins de dix-huit ou dix-neuf ans ».
3-L’inceste est dépénalisé en Haiti pour les cousins et cousines, les neveux et nièces
Article 305.- Commet un inceste quiconque, sachant qu’une personne es sang ou par adoption, son père ou sa mère, son enfant, son frère ou son d ou sa demi- sœur, son grand-père, sa grand-mère, son petit-fils ou sa p cas, a des rapports sexuels avec cette personne.
Nul ne doit être déclaré coupable d’inceste si, au moment où les rapports s’il a agi par contrainte, violence ou crainte émanant de la personne avec rapports sexuels.
Quiconque commet un inceste est passible de dix (10) ans à quinze (15 criminelle.
Nb: contrairement aux dispositions des art 150 et suivant du code civ cousins, entre oncle et nièce, neveu et tante n’est pas pris en compte.
4- La Bestialité/zoophilie (fè bagay ak bèt), pénalisée seulement lorsqu’on contraint la victime.
Article 301.- Le fait de forcer une personne à commettre un acte sexuel avec un animal est passible d’un emprisonnement de cinq (5) ans à dix (10) ans et d’une amende de 50 000 gourdes à 100 000 gourdes.
Nb : les relations volontaires sont libres
« Nous nous livrons à un exercice assez complexe, qui vise à faire rentrer trois définitions dans une même approche : la définition sociologique, la définition du code civil et une définition pénale désormais, a-t-elle répondu à la question d’un député. La définition pénale de l’inceste n’est pas la même que celle du code civil, c’est-à-dire les empêchements au mariage, et elle ne peut pas non plus être totalement la même que la définition sociologique. L’exercice est donc extrêmement hasardeux. »
Si encore il n’était question que de mots, on se trouverait, comme souvent, devant un habillage légal sans conséquence. Mais le texte pose de réels problèmes pour la santé psychique et le suivi des victimes.
Le traumatisme de l’inceste n’est pas seulement – ou pas toujours – la souffrance de l’agression et de l’effraction dans la sexualité d’un enfant. Il peut résulter, aussi, de la perte du repère important que constitue la succession des générations.
En réduisant au seul crime sexuel ce qui constitue plus largement un interdit structurant le psychisme humain, le législateur a mis à mal la compréhension de ce qu’est l’inceste. La date de la majorité sépare désormais artificiellement deux situations également répréhensibles, laissant sur le bord de la route non seulement les victimes majeures d’un inceste mais aussi les enfants nés de ces relations. Un texte efficace, qui permettrait d’éviter de telles souffrances, devrait dire ceci : toutes relations sexuelles entre personnes interdites de mariage, quel que soit leur âge, sont qualifiées d’inceste et punissables au titre des articles sur l’agression sexuelle et le viol.
Conserver la loi telle quelle et suggérer, ainsi, que l’inceste est destructeur uniquement chez les mineurs est dangereux. Cela risque de laisser planer une question abyssale dans l’esprit des personnes blessées : si j’avais eu 18 ans, alors ce n’était plus un inceste, cela aurait été moins grave ?
En somme, retenons que l’inceste est lié à l’interdit. Il est complexe comme phénomène, vicieux dans la gestion de son secret et traumatisant dans ses manifestations. Ensuite, puisqu’il touche le côté intime de l’individu et du groupe, il séduit, voire, harcèle sous caution de tabou. Enfin, l’inceste est certainement l’un des objets de plus grands secrets que puissent cacher une ou plusieurs familles.