Les élites dirigeantes ont œuvré, à quelques exceptions près, à préserver et renforcer la présence et l’exercice du culte catholique en Haïti.
En 1860 et sans proclamer de religion d’Etat, le concordat signé avec le Saint-Siège reconnaît que le catholicisme, et nullement le vaudou, est la religion de la majorité des Haïtiens et qu’en conséquence ses ministres seront spécialement protégés. La frontière des prérogatives des pouvoirs de l’Etat et de l’Eglise catholique est très vite objet de tensions. Le clergé catholique a un statut privilégié puisque la fonction publique assure un salaire à chacun de ses membres qui prononce un serment de fi délité à la République, soit donc concrètement au gouvernement haïtien en exercice. Deux ans plus tard, une seconde convention, négociée entre l’Etat haïtien et le Saint-Siège, confirme le rôle clé de cette Eglise, à travers diverses congrégations, plus particulièrement dans le champ de l’instruction. Les membres de ces communautés, presque toujours de nationalité française, gèrent, outre leurs propres établissements privés, nombre d’écoles publiques, dans la capitale comme en province. Les élites économiques et les couches sociales modestes haïtiennes reçoivent ainsi une formation académique à la française et dans la langue de Voltaire alors que l’écrasante majorité de la population est uniquement créolophone puisque non alphabétisée. Certes à la mode cléricale, cette formation scolaire entretient les attaches avec la France en favorisant les liens entre les acteurs économiques et politiques des deux pays.
L’Etat français épaule ce christianisme de mission, d’abord par le biais de son ministère de la Marine et des Colonies, puis par le service des Oeuvres du Quai d’Orsay une fois adoptée en France la loi de séparation des Eglises et de l’Etat. Cela n’empêche pas que dès les années 1880 la laïcité tend à prendre quelques marques car maints cas de confl its font plus d’un de l’opinion lettrée dénoncer « un Etat dans l’Etat ».
Toutefois, sous la présidence de Salomon (1879-1888) et avec l’appui de l’Alliance française de Paris, une mission de professeurs français vient enseigner au sein du principal établissement secondaire du pays, le lycée Pétion. Pure coïncidence, c’est justement à cette époque que Port-au-Prince se libère du carcan de la dette externe contractée pour que son indépendance acquise par les armes en 1804 soit reconnue par Paris.
Gusti-Klara GAILLARD-POURCHET