« Je veux savoir les motifs de mon interpellation. Qu’est-ce que j’ai fait de mal ? Quel a été mon rôle dans l’opération ? Étais-je le chef de l’opération ? Avais-je des responsabilités dans le cadre de l’opération ? Je veux savoir quel est le motif de mon isolement », a déclaré Carl Henry Boucher, inspecteur général de la Police nationale dans une interview accordée au Nouvelliste vendredi après-midi alors qu’il était en isolement à l’Inspection générale.
Carl Henry Boucher affirme n’avoir jamais intimé des ordres aux policiers qui participaient dans l’opération à Village-de-Dieu. Il rejette les accusations selon lesquelles il avait délibérément demandé aux blindés d’entrer dans le fief du gang armé qui contrôle la zone alors que les images des drones indiquaient que les bandits avaient creusé des tranchés pour piéger les blindés. « Lorsque je suis arrivé, les blindés étaient déjà à l’intérieur de Village-de-Dieu. Je suis le directeur des renseignements généraux, je n’ai aucun droit sur les blindés… », s’est-il défendu.
Selon Carl Henry Boucher, les opérations à Village-de-Dieu ont été coordonnées directement par le directeur départemental de l’Ouest, le commissaire de la Brigade d’opération et d’intervention départementale (BOID) et le responsable de la Direction centrale de la police administrative (DCPA).
Quel rôle avez-vous joué dans l’opération à Village-de-Dieu ? À cette question directe du Nouvelliste, l’inspecteur général a répondu en ces termes : « J’étais là pour voir comment se déroulait l’opération, mais pas pour rester de façon permanente sur le théâtre de l’opération. Suivant le plan des opérations, il n’y avait pas de mission pour les blindés de laisser leur périmètre. D’ailleurs, pour le directeur général de la police, l’intervention devrait être faite à pied, pas en véhicules blindés. Je veux savoir quelle est ma responsabilité dans tout cela. Je ne suis pas le coordonnateur des opérations, j’étais là pour clarifier certaines informations, par exemple, quand le blindé a été immobilisé, j’ai dû appeler mon directeur général pour savoir quelles sont les dispositions à prendre. »
Selon le haut gradé de la PNH, il y avait plusieurs responsables dans l’opération à Village-de Dieu. Il y avait le responsable de terrain qui est le commissaire de la BOID, il y avait le coordonnateur des opérations qui est le directeur départemental de l’Ouest, Paul Ménard ; il y avait le DCPA qui est le superviseur général de l’opération, il y avait le commissaire principal de Port-au-Prince qui est le responsable du périmètre externe, a-t-il énuméré. « Le directeur des renseignements généraux a pour mission de vérifier toutes les informations pour informer le directeur général et le DCPA à temps. Donc, je n’ai pas la mission de coordonner des opérations », a soutenu Carl Henry Boucher.
M. Boucher dit être intervenu deux ou trois fois sur la radio de communication de la police pendant les opérations à Village-de-Dieu. « Toutes les opérations se font en général avec le responsable de l’unité drones. Je supervise et je m’en vais. Je n’ai pas été impliqué dans l’opération », a-t-il dit à maintes reprises dans cette interview.
Pourquoi il n’y avait jamais eu de réponses à la demande de renfort des policiers sous les feux des bandits à Village-de-Dieu ? « Il faut poser la question au directeur départemental de l’Ouest, au chef des opérations, au superviseur général qui est le DCPA pour leur demander pourquoi on n’avait pas envoyé du renfort aux policiers en difficulté », a répondu Carl Henry Boucher.
« Quand on veut tuer son chien, on l’accuse de rage. J’ai été sali. Je me demande pourquoi il y avait un plan qui était défini. L’erreur que j’ai commise c’est d’aller sur le théâtre des opérations pour voir avec le drone le positionnent des blindés qui sont sur le terrain. Où étaient passés le chef des opérations, le coordonnateur des opérations, le superviseur des opérations ? », s’est demandé, perplexe, Carl Henry Boucher.
Me David Lafortune qui accompagnait le directeur des renseignements généraux de la police à son audition à l’Inspection générale a fait savoir au Nouvelliste que Carl Henry Boucher n’était pas libre de ses mouvements. « Quelqu’un qui a consacré sa vie à une institution est aujourd’hui utilisé comme bouc émissaire à un échec », a-t-il dénoncé, soulignant que son client n’avait aucun rôle dans les opérations à Village-de-Dieu.
Georges Renois Vivender, Désilus Wislet, Eugène Stanley, Ariel Poulard, ces quatre policiers ont été tués à Village-de-Dieu au cours de cette opération dramatique. Huit autres ont été blessés. La police parle aussi de la disparition du policier Lucdor Pierre qui participait aussi à l’opération, mais son nom ne figure pas dans le communiqué de la présidence qui avait annoncé trois journées de deuil national en mémoire des policiers tués.
Cinq jours après ce drame, les corps des policiers tués par le gang de Village-de-Dieu sont toujours entre les mains des bandits et la population attend encore des explications de la part des autorités sur ce qui s’est passé ce vendredi 12 mars 2021 dans ce quartier situé à un jet de pierre de la Primature, du Parlement et du Palais national…