Onze ans après le séisme de 2010, la construction démocratique piétine.
Depuis le scrutin de 2010-2011 qui a porté Michel Martelly à la présidence, la construction démocratique bat de l’aile en Haïti, alors que les échéances électorales tournent en crises. Aucune élection n’a en effet été organisée depuis : le sénat fonctionne avec deux tiers de ses membres et les élus des Conseils communaux ont tous été remplacés par simple nomination et choisis parmi des proches du président. La mise sur pied d’un nouveau Conseil électoral provisoire, chargé d’organiser et de superviser les scrutins, n’a pu faire consensus au sein de la classe politique, son mode de création et sa composition étant contestés.
Le président Martelly a d’abord essayé, envers et contre tous et sous la pression internationale, d’organiser des élections législatives pour la fin octobre… avant de tout annuler, sine die. Serait-il plus à l’aise de gouverner par décret, ce qu’il pourra faire dès le 12 janvier 2015, date à partir de laquelle le parlement sera rendu inopérant? Il pourrait ainsi contourner les objections des chambres au projet de loi sur les mines… Martelly le laisse entendre et les organisations haïtiennes de droits humains s’en inquiètent, de même que de la répression croissante. En décembre dernier, des manifestations qui réclamaient entre autres la tenue d’élections législatives ont été violemment réprimées, faisant un mort. Le premier ministre, Laurent Lamothe, a démissionné, mais pas Michel Martelly, dont le départ était également demandé.
S’entourant de collaborateurs de la mouvance duvaliériste, le gouvernement Martelly baigne dans l’héritage du défunt dictateur Jean-Claude Duvalier, qu’il a cherché à réhabiliter au nom d’une « réconciliation » faisant l’économie de la vérité, de la justice et de la réparation. Au lendemain du décès de « Bébédoc », le 4 octobre dernier, les organisations de droits humains et le Collectif contre l’impunité ont rappelé que « cette disparition n’entraînait en aucun cas la fin de la procédure judiciaire en cours » pour les crimes contre l’humanité imputés à J.-C. Duvalier et ses sbires. Inquiets, plusieurs groupes se demandent comment contrer la montée du néoduvaliérisme, héritier direct d’un régime populiste cruel, raciste et fascisant trop souvent oublié. D’où l’indispensable devoir de mémoire à l’endroit des victimes et des résistants à l’oppression, dont s’acquitte entre autres un collectif animé par le Centre œcuménique des droits humains, dans un contexte très difficile.
Des défenseurs des droits humains sont régulièrement tués ou menacés en Haïti. En février 2014, le coordonnateur de la Plate-forme des organisations haïtiennes des droits humains, Daniel Dorsinville, était assassiné avec son épouse en pleine rue, au grand jour. Début avril 2014, le coordonnateur du Réseau national de défense des droits humains, Pierre Espérance, recevait pour sa part des menaces de mort. En novembre dernier, c’était Jackson Doliscar, défenseur des droits des déplacés du séisme, qui était menacé de mort à la pointe du révolver. Plusieurs journalistes reçoivent aussi fréquemment des menaces semblables, à Port-au-Prince et en province.
La lutte contre l’impunité est d’autant plus compliquée que le pouvoir judiciaire et le pouvoir exécutif entretiennent des liens incestueux. Comme le dénonçait récemment la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH), le gouvernement « continue de s’immiscer dans la gestion des affaires du pouvoir judiciaire : les mandats des juges ne sont pas renouvelés en dépit des avis favorables [du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire], des juges sont nommés ou révoqués par le pouvoir exécutif, en dehors de la Loi… » Ainsi, les mandats de 81 magistrats n’ont pas été renouvelés, confirme la Protectrice du citoyen Florence Élie.
Par ailleurs, cinq ans après le séisme de 2010, la situation des survivants qui vivent toujours dans des camps est loin de s’améliorer. Les programmes de relogement appuyés par les organisations internationales et des pays « amis », comme le Canada, sont nettement insuffisants et n’offrent que des solutions temporaires, alors que les déplacés font face à des expulsions forcées.
Pire, des camps ont été complètement vidés, pillés, incendiés et bulldozés sous prétexte que les déplacés occupaient des terrains que réclament des personnes influentes s’en disant propriétaires. À Canaan, début novembre 2014, des familles du village Grâce-de-Dieu ont ainsi été expulsées, victimes d’une opération de démolition, un acte « perpétré par des agents de l’Unité départementale de maintien d’ordre, accompagnés d’hommes de main », rapporte le Groupe d’appui aux réfugiés et rapatriés. Selon Amnistie internationale, « personne n’a été traduit devant la justice, les victimes n’ont reçu aucune réparation ».
Garante du statu quo, la Mission des Nations unies pour la stabilisation en Haïti, la MINUSTAH, coûte très cher, près de 51 millions de dollars par mois. Surtout, elle reste indifférente aux violences exercées contre les victimes du séisme, et sa présence est de plus en plus contestée. Une « mission civile » onusienne de reconstruction disposant d’un tel fonds mensuel pour le relogement, les services publics et les travaux d’urbanisme serait fort plus utile aux yeux de bien des Haïtiens.
Le 12 janvier 2010, un séisme dévastateur frappait Haïti et ôtait la vie à 230 000 personnes. Six ans plus tard, l’ouragan Matthew constituait un nouveau coup dur pour ce coin d’île des Caraïbes. Depuis 10 ans, la CRS est aux côtés de la population et apporte son aide en cas d’urgence et sur le long terme.
Plus de 230 000 morts, 1,6 millions de déplacés et près de 7,9 milliards de dollars de dégâts, le tremblement de terre de magnitude 7.0 qui a frappé Haïti le 12 janvier 2010 reste l’une des catastrophes naturelles les plus meurtrières jamais enregistrées. Depuis cet événement, Haïti est devenu un pays prioritaire pour la Croix-Rouge suisse (CRS).
Après la phase d’urgence, la CRS a commencé par travailler à Léogâne, épicentre du tremblement de terre, pour la réhabilitation et la reconstruction. 600 maisons résistantes aux tempêtes ont été construites. Forte de son expertise et de sa bonne réputation, la CRS poursuit depuis lors son action dans le développement à long terme dans la commune de Léogâne, avec des projets de gestion des risques et catastrophes, d’eau et d’hygiène ainsi que de santé communautaire et nutrition. Entre 2015 et 2018, la CRS a également soutenu la Croix-Rouge haïtienne dans le développement du Service de transfusion sanguine haïtien.
Dans la commune de Corail, au sud-ouest du pays, les équipes sont intervenues directement après le passage de l’ouragan Matthew. Elles y ont entre autres mené des activités de soutien au renforcement des capacités de résilience de la population.
Les ouragans, les glissements de terrain, les séismes, la pauvreté de masse et les infrastructures déficientes d’Haïti sont autant d’éléments qui rendent ses habitants particulièrement vulnérables. Le travail de la CRS soutenu par la Chaîne du Bonheur et la DDC contribue au renforcement de la population afin qu’elle résiste au mieux aux catastrophes.
Evaluation de la réponse de la Chaîne du Bonheur au séisme de 2010 En 2019, la Chaîne du Bonheur (CB) a procédé à une évaluation d’impact approfondie de l’aide apportée après le tremblement de terre en Haïti. Cette étude porte sur 30 des 91 projets soutenus par la CB et mis en œuvre par 9 ONG, dont la CRS. Globalement, les résultats sont très positifs:
- 92% des ménages attribuent aux projets financés par la Chaîne du Bonheur le plus important changement dans leur vie depuis le séisme.
- Près de 90% estiment que l’assistance a permis de couvrir leurs besoins de base et de retrouver leurs moyens d’existence.
- 87% des ménages ayant reçu des latrines s’en servent encore.
- 75% utilisent toujours les points d’eau réhabilités ou construits par les partenaires de la CB.
Un des points faibles reste que peu de participants aux formations professionalisantes ont trouvé un emploi stable.