La Représentante spéciale du Secrétaire général pour Haïti a affirmé, cet après-midi au Conseil de sécurité, que c’est par la combinaison d’une volonté nationale forte et d’un soutien international constant que Haïti peut surmonter la crise multiforme à laquelle le pays fait face.
Mme Helen La Lime, qui est aussi la Chef du Bureau intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH), intervenait par visioconférence depuis Port-au-Prince pour présenter le premier rapport sur les activités de ce bureau qui fonctionne depuis le 16 octobre 2019, ayant pris la suite de la Mission des Nations Unies pour l’appui à la justice en Haïti (MINUJUSTH).
Le rapport souligne que les troubles civils entre septembre et novembre 2019 se sont greffés à l’impossibilité pour les pouvoirs exécutif et législatif de trouver un accord, le Gouvernement n’ayant pas été confirmé par le parlement. De plus, une crise constitutionnelle est survenue le 13 janvier 2020 avec l’expiration des mandats de tous les membres de la Chambre basse du Parlement, d’au moins un tiers des membres du Sénat et de tous les élus municipaux. Le rapport signale aussi 1 341 manifestations, barrages routiers et barricades, entre le 1er septembre et le 30 novembre 2019.
La Représentante spéciale a dit avoir œuvré, au cours des derniers mois, aux côtés du Représentant spécial du Secrétaire général auprès de l’Organisation des États américains (OEA) et du Nonce apostolique, à créer un environnement favorable à une résolution négociée de la crise. Au cours des deux phases de négociations, à la mi-décembre 2019 et en fin du mois dernier, un consensus a émergé sur les contours d’un accord politique, même si les acteurs politiques n’ont pas encore arrêté une formule pour désigner un Premier Ministre de consensus et former un nouveau gouvernement. Le manque d’accord sur cette question, ainsi que sur le reste du mandat du Président, menace de faire perdurer une situation qui a déjà trop duré.
Le représentant d’Haïti a cependant fait état d’un progrès significatif: les principaux acteurs politiques ont été poussés à se mettre autour d’une table pour un dialogue centré sur la nécessité de sortir de l’impasse politique. Il est vrai, a noté la Belgique, que 9 Haïtiens sur 10 soutiennent le dialogue, selon un sondage de l’ONU. Les États-Unis ont fait valoir que l’instabilité politique et économique ne prendra fin que lorsque les dirigeants mettront de côté leurs divergences pour construire et soutenir les institutions de l’État. Le blocage des réformes constitutionnelles ne doit pas être un prétexte pour reporter les élections, a ajouté la délégation américaine.
À cause de cette crise sociopolitique, l’économie haïtienne devrait s’enfoncer dans la récession, alors qu’il y a déjà 4,6 millions de citoyens nécessitant une assistance humanitaire, a prévenu Mme La Lime. En outre, les effets de cette situation économique ajoutés à la polarisation politique risquent d’affecter davantage l’intégrité et l’efficacité des institutions clefs, notamment la police nationale.
En effet, l’État perd le monopole de la violence légitime, et des zones entières sont aujourd’hui contrôlées par des gangs armés qui sont parfois mieux armés et mieux équipés que les responsables de l’application de la loi, a dénoncé Mme Marie Yolène Gilles, Directrice exécutive de la Fondasyon Je Klere qui œuvre dans la défense des droits humains. Elle a aussi parlé de ces femmes victimes de viols collectifs, qui sont filmés et diffusés sur les réseaux sociaux. Et pendant ce temps, les portes des tribunaux à Port-au-Prince sont fermées, depuis septembre 2019.
Pour Haïti, « la restauration de l’autorité de l’État sur tout le territoire devient plus que jamais une nécessité », d’autant plus que la crise politique a eu des impacts négatifs sur le fonctionnement du système judiciaire. Le représentant d’Haïti a souligné que la Police nationale d’Haïti, avec ses 15 000 policiers et ses capacités opérationnelles limitées, fait de son mieux pour faire face à la situation. Dans ce contexte, l’Allemagne a jugé impératif de continuer à renforcer les capacités de la Police nationale afin de la rendre plus efficace. Le délégué haïtien s’est aussi inquiété du sort des enfants de Casques bleus nés en Haïti et des victimes du choléra, plaidant pour plus de rigueur et de transparence dans les activités de l’ONU.
« Nous sommes face à une crise constitutionnelle et à une violence rampante qui mettent en péril les progrès enregistrés par les missions précédentes », a déploré la République dominicaine en rappelant son désaccord par rapport à la fermeture de la MINUJUSTH. Ce retrait, qui s’est fait sans prévoir d’équiper suffisamment la police, servira de leçon, a-t-il déclaré en espérant que le Conseil agira différemment à l’avenir dans d’autres pays. Son homologue de la Fédération de Russie a, lui aussi, constaté que le retrait des éléments du maintien de la paix de l’ONU en Haïti a coïncidé avec la flambée de la violence et la crise politique actuelle.
Néanmoins, la Représentante spéciale a jugé appropriée la nouvelle configuration de la présence des Nations Unies dans le pays, notant qu’elle doit aider les institutions étatiques à faire face aux facteurs qui attisent les cycles d’instabilité et à assurer la stabilité et le développement durable. Des membres du Conseil ont aussi salué le rôle du BINUH, dont la France pour qui le blocage de la vie sociopolitique en Haïti tient notamment de causes profondes « qu’il faut regarder en face ».
Parmi ces causes, Saint-Vincent-et-les Grenadines a souligné qu’Haïti avait été obligée de payer plutôt que de recevoir des réparations pour son histoire d’« esclavage massif »: cela est tout simplement « lamentable », surtout en pleine Décennie des peuples d’ascendance africaine (2015-2024), a dit la déléguée. Pour celle-ci, c’est le sous-développement persistant d’Haïti, enraciné dans son histoire, qui permet de comprendre la réalité actuelle.
Proposant des solutions, Mme Gilles a suggéré au Conseil de soutenir la création d’une unité spécialisée de lutte contre les gangs armés au sein de la police nationale et l’organisation d’un procès sur la gestion de PetroCaribe, ainsi que de fournir une assistance à la lutte contre la corruption en renforçant le cadre normatif du pays. Saluant le témoignage de cette ONG, la République dominicaine a rappelé que son pays organisera, demain, avec d’autres membres du Conseil, une réunion selon la formule Arria sur les représailles perpétrées contre les femmes qui défendent les droits de la personne.
LA QUESTION CONCERNANT HAÏTI (S/2020/123)
Déclarations
Mme HELEN LA LIME, Représentante spéciale du Secrétaire général pour Haïti et Chef du Bureau intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH), s’exprimant par visioconférence depuis Port-au-Prince, a indiqué que depuis juillet 2018, l’impasse politique en Haïti a paralysé le fonctionnement des institutions nationales, sapé l’économie et alimenté l’insécurité. La Représentante spéciale a dit avoir œuvré, au cours des derniers mois, aux côtés du Représentant spécial du Secrétaire général auprès de l’Organisation des États américains (OEA) et du Nonce apostolique, à créer un environnement favorable à une résolution négociée à la crise.
Au cours des deux phases de négociations tenues à la nonciature apostolique à la mi-décembre 2019 et en fin du mois dernier, un consensus a émergé sur les contours d’un accord politique axé sur quatre éléments: la définition des critères de formation d’un nouveau gouvernement; l’élaboration d’une feuille de route pour la réforme; la conception d’un processus de révision de la Constitution et la détermination d’un calendrier électoral. Les acteurs politiques, a précisé Mme La Lime, n’ont pas encore arrêté une formule qui devrait permettre la désignation, par le Président Jovenel Moïse, d’un Premier Ministre de consensus et la formation du nouveau gouvernement. La Représentante spéciale a dit que le manque d’accord sur cette question ainsi que sur le reste du mandat du Président menacent de faire perdurer une situation qui a déjà trop duré.
Mme La Lime a indiqué que, selon les prévisions, l’économie haïtienne devrait s’enfoncer plus profondément dans la récession, tandis que 4,6 millions de citoyens ont besoin d’assistance humanitaire. Les effets de cette situation économique difficile et la polarisation politique prolongée risquent d’affecter davantage l’intégrité et l’efficacité des institutions clefs, notamment la Police nationale. Pour éviter une plus grave détérioration de la situation, la Représentante spéciale a appelé les dirigeants haïtiens à s’engager vers une sortie de l’impasse, dans l’intérêt du peuple. Elle a souligné que les crises socioéconomiques que le pays a connues dans son histoire moderne ont pour principales causes la pauvreté, les inégalités de genre, les obstacles qui entravent la fourniture des services sociaux de base, l’épuisement inquiétant des ressources naturelles, la montée des activités des gangs, la corruption et l’impunité.
Selon la Représentante spéciale, le lancement des activités du BINUH, le 1er octobre dernier, a ouvert un nouveau chapitre dans les relations entre le pays et l’ONU, ajoutant que le succès du Bureau sera jugé à la mise en œuvre des six objectifs arrêtés pour Haïti: politique et bonne gouvernance; lutte contre la violence de proximité; sécurité et état de droit; droits de la personne; chômage, jeunesse et groupes vulnérables; et services sociaux de base et résilience des ménages. Elle a indiqué que c’est avec la combinaison d’une volonté nationale forte et d’un soutien international constant qu’Haïti pourra surmonter la crise multiforme à laquelle le pays fait face. De son avis, la nouvelle configuration de la présence des Nations Unies dans le pays est appropriée pour aider les institutions étatiques à faire face aux facteurs qui attisent les cycles d’instabilité et à assurer la stabilité et le développement durable en Haïti.
Mme MARIE YOLENE GILLES, Directrice exécutive de la Fondasyon Je Klere (FJKL), a présenté son organisation comme étant une ONG haïtienne de défense des droits humains, « qui prépare chaque Haïtien-Haïtienne à devenir un leader responsable et citoyen, participant à la vie publique pour le renouvellement d’un État-nation fondé sur les principes de droits humains et du développement durable ». Face aux violations massives et systématiques des droits de l’homme constatées en Haïti, les autorités de l’État manquent à leur obligation de protéger et respecter ces droits, a dénoncé Mme Gilles, faisant état de 30 cas de mort violente depuis le début de l’année. À ses yeux, l’État perd le monopole de la « violence légitime ». Elle en a voulu pour preuve le fait que des zones entières sont aujourd’hui contrôlées par des gangs armés qui sont parfois mieux armés et mieux équipés que les forces de l’ordre responsables de l’application de la loi. Pour tenter d’exister politiquement, le pouvoir en place s’appuie dans bien des cas sur certains gangs et applique la stratégie de la guerre des gangs, a-t-elle expliqué. C’est, selon elle, ce à quoi on assiste dans la zone de Martissant, à moins de 5 km du palais présidentiel, ou encore dans la zone de Carrefour Shada, sur la route nationale numéro 1, et dans d’autres régions du pays où plus de 150 gangs armés sont actifs.
De fait, a souligné Mme Gilles, la liberté de circulation n’est pas garantie, tout comme le droit à l’intégrité physique et à la dignité de la personne humaine. Dans ce contexte, a-t-elle relevé, une véritable psychose de peur s’empare des étudiants en université, des écoliers et de la population civile en général. Les personnes séquestrées et les usagers des routes nationales interceptés sont soumis à des mauvais traitements et font l’objet de versements de rançons, tandis que des femmes sont violées collectivement: les images de ces crimes sont régulièrement publiées sur les réseaux sociaux, a témoigné Mme Gilles. Pendant ce temps, a-t-elle déploré, les portes des tribunaux à Port-au-Prince sont fermées depuis septembre 2019. Il s’ensuit une nette augmentation de la détention préventive prolongée. De plus, l’accès aux juges, ainsi que le droit à un procès juste et équitable ne sont plus que des mots creux. La Directrice exécutive de la FJKL a également dénoncé les agissements d’escadrons de la mort, qui représentent une forme de terrorisme d’État et mettent en œuvre la politique de répression décidée par les plus hauts échelons du pouvoir, ou avec leur accord tacite, leur garantissant l’impunité officielle.
Abordant ensuite la question de la corruption, Mme Gilles a noté qu’Haïti est un des rares pays au monde où un homme, ou une femme, qui n’a jamais travaillé dans sa vie et accède à un poste électif au niveau du Parlement ou de l’exécutif peut devenir millionnaire en deux ou trois ans. À cet égard, a-t-elle souligné, la loi sur la déclaration de patrimoine adoptée en février 2018 est appliquée de façon très différente selon les cas: l’immense majorité de la classe politique haïtienne n’a pas respecté cette obligation à sa sortie de fonction. Par ailleurs, la gestion du fonds Petro Caribe est marquée par des cas de surfacturation, de vols, de détournements de fonds, de favoritisme et d’enrichissement illicite, a-t-elle accusé. Selon Mme Gilles, l’actuel chef de l’État, impliqué dans ces actes de corruption et de détournement de fonds publics à travers des « firmes bidon », représente le plus grand obstacle à la tenue de procès justes et équitables sur la gestion de ces fonds.
Face à cette situation catastrophique, dans un pays privé de gouvernement depuis près d’un an et où l’ordre constitutionnel est rompu, Mme Gilles a recommandé au Conseil d’aider Haïti à réussir sa période de transition en vue du retour à l’ordre démocratique brisé depuis le 13 janvier, ce qui pourra arriver s’il y a un consensus entre les forces vives de la nation. Elle a d’autre part souhaité le soutien du Conseil pour la création d’une unité spécialisée de lutte contre les gangs armés au sein de la police nationale et l’organisation d’un procès sur la gestion du fonds Petro Caribe, les massacres et les cas de viols. Enfin, elle a demandé une assistance pour lutter contre la corruption par le biais d’un renforcement du cadre normatif du pays.
Mme CHERITH NORMAN CHALET (États-Unis) a tout d’abord réitéré le rôle essentiel que joue la société civile et condamné tout acte de représailles à son encontre. Elle a déploré qu’il n’y ait pas de réelle avancée politique en Haïti, arguant que l’instabilité politique et économique ne prendra fin que lorsque les dirigeants mettront de côté leurs divergences pour construire et soutenir les institutions de l’État. Rappelant que le pays n’a pas de gouvernement, elle a plaidé pour un accord politique et l’organisation des élections législatives au plus vite, afin notamment de permettre la formation d’un gouvernement qui s’attèlera à régler les défis auxquels font face les populations. Notant que les réformes constitutionnelles sont de la plus grande importante, la déléguée a dit cependant que ce ne doit pas être un prétexte pour reporter les élections.
Tout en soulignant l’importance des efforts menés par le BINUH, Mme Norman-Chalet a affirmé que seuls les dirigeants haïtiens, du Gouvernement comme de l’opposition, peuvent prendre les décisions nécessaires pour sortir le pays de l’impasse, ajoutant que la polarisation politique empêche le Gouvernement de prendre les décisions importantes. Elle a salué les avancées de la Police nationale, avant de déplorer le manque de fonds qui sape son travail. Elle a demandé que le Gouvernement enquête et traduise les auteurs de violences comme celles de Bel Air. Elle a terminé en disant que les États-Unis restent attachés au succès du BINUH et qu’ils restent également aux côtés du peuple haïtien pendant ces moments difficiles.
Saluant le témoignage de la Directrice exécutive de l’ONG Fondasyon Je Klere, M. JOSÉ SINGER WEISINGER (République dominicaine) a commencé par annoncer que son pays organisera, demain, avec d’autres membres du Conseil, une réunion au formule Arria sur les représailles perpétrées contre les femmes qui défendent les droits de la personne. Le représentant a ensuite apporté son soutien au Président haïtien dans sa recherche d’un dialogue inclusif pour former un gouvernement de consensus. Il s’est dit préoccupé par la crise profonde qui sévit en Haïti et par les progrès insuffisants réalisés sur le plan politique . Ceci indique, selon lui, que les efforts déployés pour renforcer les capacités du pays sont dans l’impasse.
De par ses répercussions profondes, a poursuivi le représentant, la crise politique est devenue la principale raison de cette stagnation, laquelle est à l’origine du désaccord manifesté par la République dominicaine sur le retrait de la MINUJUSTH. La création de nouvelles missions de paix dans les pays en conflit ne doit pas seulement se fonder sur des coûts mais aussi sur une analyse objective, en tenant compte d’institutions solides à même d’assumer le transfert des responsabilités, a-t-il fait valoir. Or, malgré nos mises en garde, le Conseil de sécurité a créé une mission politique, le 16 octobre dernier, dont nous sommes témoins des « résultats chaotiques ». De fait, a souligné M. Singer Weisinger, nous sommes face à une crise constitutionnelle et à une violence rampante qui mettent en péril les progrès enregistrés par les missions précédentes.
Pour le délégué, la situation humanitaire en Haïti est aggravée par le fait que la majorité de la population n’a pas accès aux services de base. Il a espéré, en conséquence, que la décision du retrait de la MINUJUSTH sans une police suffisamment équipée servira de leçon, et que le Conseil agira différemment dans d’autres pays. Selon lui, le BINUH doit à présent examiner les causes profondes de la crise et conjuguer ses efforts avec ceux de l’équipe de pays et du Gouvernement. Ainsi, a-t-il conclu, nous élaborerons des stratégies et des projets sur des bases solides permettant aux Haïtiens de prendre en main leur propre destin.
M. INGA RHONDA KING (Saint-Vincent-et-les Grenadines) a appelé toutes les parties haïtiennes à s’engager de toute urgence dans un dialogue inclusif. L’incapacité de parvenir à un règlement politique immédiat peut faire replonger le pays dans la violence, a-t-elle prévenu. De même, l’effondrement de la loi et de l’ordre peut avoir des conséquences désastreuses pour l’ensemble de la région. La représentante s’est dit consciente des problèmes d’Haïti dont les lacunes en matière d’état de droit, y compris la nécessité de reconduire et de de remplacer 34 juges et de lutter contre la pratique des pots-de-vin. Elle a aussi parlé de la participation limitée des femmes au processus politique, alors que la Constitution consacre un quota de 30% au gouvernement. La prévalence des violences sexuelle et fondée sur le sexe ainsi que l’impunité généralisée sont pour le moins « tragiques ». Si l’on ajoute à ces fléaux, l’aggravation de l’insécurité alimentaire, l’exploitation des enfants et les effets néfastes des changements climatiques, l’on comprend l’urgence de la situation, a souligné la représentante. La nature intersectorielle de la paix, de la sécurité et du développement doit se refléter dans le travail du BINUH, a-t-elle insisté.
La représentante n’a pas voulu conclure sans soulever la question importante des réparations. Le fait que le pays ait été obligé de payer plutôt que de recevoir des réparations pour son histoire d’« esclavage massif » est tout simplement « lamentable », surtout en pleine Décennie des peuples d’ascendance africaine (2015-2024). Comme 80% du budget national était, jusqu’au milieu du XXe siècle, consacré à ces paiements, un « trou vertigineux » s’est creusé dans les efforts d’édification de l’État. Le sous-développement persistant d’Haïti, enraciné dans son histoire, est un élément « crucial » pour comprendre la réalité actuelle, a martelé la représentante.
Pour Mme ANNE GUEGUEN (France), la crise que traverse actuellement Haïti est avant tout une crise politique et la France salue les efforts déployés par la Représentante spéciale du Secrétaire général pour contribuer à son règlement. Elle déplore que, malgré l’implication du BINUH, la « conférence politique pour une sortie de crise », réunie du 29 au 31 janvier avec la participation des forces politiques du pays, du secteur privé et la société civile, n’ait pu permettre de déboucher sur un accord permettant le retour à un cadre constitutionnel et démocratique normal. Mme Gueguen a rappelé que les élections législatives qui étaient prévues en 2019 n’ont pas pu se tenir et qu’Haïti est aujourd’hui dépourvu de toute représentation parlementaire, « ce qui ne saurait durer ». La France en appelle à nouveau au Président Moïse et à toutes les forces politiques du pays, notamment l’opposition, ainsi qu’à la société civile et au secteur privé, pour qu’ils s’engagent avec détermination dans un véritable dialogue national qui place l’intérêt d’Haïti au-dessus des intérêts politiciens, et permette la tenue d’élections législatives libres et démocratiques.
La représentante a souligné que le blocage tient aussi des causes profondes « qu’il faut regarder en face ». À ce titre, la lutte contre la corruption et l’impunité doivent faire l’objet d’une priorité absolue de la part des hommes politiques haïtiens afin de renouer le lien de confiance avec la population. Mme Gueguen a également évoqué la situation économique et sociale du pays qui, à l’automne 2019, était déjà très fragilisée. Elle a assuré que la communauté internationale continuera d’apporter une aide humanitaire face aux besoins les plus urgents.
Constatant que la société haïtienne vit aujourd’hui dans une insécurité gravissime, notamment du fait de l’activité des gangs, Mme Gueguen a souligné que l’exigence de sécurité va de pair avec la lutte contre l’impunité. Évoquant notamment les massacres de La Saline et de Bel Air, elle a exigé que les responsables soient poursuivis et punis dans le cadre de procédures judicaires conformes aux normes internationales en matière de droits de l’homme.
Pour la France, la mission confiée par le Conseil au BINUH, à savoir l’appui au dialogue politique et en matière de gouvernance et de renforcement de l’état de droit, reste pleinement pertinente. Elle salue le travail mené par le BINUH depuis son institution, il y a quatre mois, et se tient « plus que jamais » aux côtés des Haïtiens pour faire face aux défis de la crise actuelle.
M. TAREK LADEB (Tunisie) a déploré la situation politique polarisée en Haïti, qui contribue à augmenter la souffrance quotidienne de la population. Il a invité le Conseil de sécurité et l’ONU en général à aider le pays à sortir de cette impasse. La Tunisie a invité les acteurs nationaux haïtiens, pour leur part, à œuvrer en faveur de solutions, saluant au passage le travail du BINUH pour faire dialoguer les différentes parties haïtiennes. Tout en soulignant l’importance du rôle du BINUH, le délégué a rappelé que le maintien de la paix et de la sécurité dans le pays est du ressort des autorités nationales haïtiennes. Il a de ce fait salué le travail de la police dans le combat contre la criminalité organisée, avant de plaider pour un soutien logistique approprié à celle-ci de la part des Nations Unies. M. Ladeb a indiqué que la stabilité du pays viendra aussi par la transition démocratique, ajoutant qu’il revient à tous les Haïtiens d’œuvrer au consensus pour le bien du pays.
M. DMITRY A. POLYANSKIY (Fédération de Russie) a observé que le retrait de la présence de maintien de la paix de l’ONU en Haïti a coïncidé avec la flambée de la violence et la crise politique que connaît aujourd’hui le pays. Pour le représentant, l’absence de direction à part entière du pays complique tous les aspects fonctionnels du pays et aggrave ses besoins humanitaires. Dans ce contexte, la Fédération de Russie considère que seule une discussion franche des problèmes prenant en compte les avis de toutes les parties permettra de surmonter ces difficultés. À cet égard, a noté le délégué, le travail de dialogue de l’actuelle mission politique est très important, ce devrait même être la priorité numéro 1 de l’ONU, selon lui. Soulignant l’importance d’un renforcement des capacités du pays en matière de maintien de l’ordre, il a souhaité que la société haïtienne considère les policiers comme ses protecteurs. Dans ce cadre, a-t-il dit, les libertés de rassemblement pacifique et d’association doivent être respectées, comme le droit le prévoit. Depuis le retrait de la MINUJUSTH, la responsabilité en incombe aux forces de l’ordre, a-t-il insisté.
Il a par ailleurs souhaité que l’on évite de trouver des causes simplistes à la crise que traverse Haïti, imputant celle-ci à des problèmes socioéconomiques pressants qui n’ont jamais été réglés et à des luttes politiques qui minent les fondements de l’État. Cela devrait dissuader ceux qui sont tentés par l’aventurisme dans cette région, a-t-il commenté, jugeant inacceptable les deux poids, deux mesures dans les affaires de ces pays. Le représentant a enfin estimé qu’il faut tout faire pour empêcher Haïti de sombrer dans un conflit interne, saluant au passage les efforts ciblés des médiateurs internationaux dans le cadre des activités du BINUH.
Mme KGAUGELO THERMINA MOGASHOA (Afrique du Sud) a estimé que les efforts pour parvenir à la nomination d’un Premier Ministre et le projet d’organiser des élections législatives avant la fin 2020 et la présidentielle en 2021 sont le signal qu’il y a une volonté politique de sortie de crise. Elle a dit espérer que les efforts actuels visant à renforcer la participation des femmes aux processus de prise de décisions seront bientôt couronnés de succès. Elle a déploré le constat fait par le Secrétaire général, dans son rapport, au sujet des messages incitant à la violence dans les radios à portée nationale, à la fois par les soutiens du Gouvernement et de l’opposition. L’Afrique du Sud a, de ce fait, invité les parties à se garder de mener des actions ou d’utiliser une rhétorique de nature à entraîner la division.
La déléguée a déploré la montée de la violence et a noté que l’impact de la crise sur le système judiciaire continue de saper les nécessaires réformes du système judiciaire. Elle a tout de même salué les efforts de la Police nationale dans le cadre de l’établissement d’un registre national sur les plaintes relatives aux abus sexuels et l’accélération des enquêtes y relatives.
Au sujet de la situation humanitaire que connaît Haïti, Mme Mogashoa a déploré l’impact négatif de la crise sur l’économie nationale. Elle a constaté que l’accès limité aux services de base, tels que l’eau potable, les soins médicaux et l’éducation, a un impact négatif sur la population et constitue un obstacle au droit à une vie décente. Elle a plaidé pour une nouvelle constitution qui reflète les aspirations de tous les Haïtiens et contribue aux réformes nécessaires pour faire face à la situation humanitaire. La représentante a conclu en saluant les efforts déployés par le BINUH pour mettre en œuvre son mandat.
M. SHAOJUN YAO (Chine) s’est félicité des activités du BINUH pour aider Haïti à rétablir la stabilité. Aux yeux du représentant, la crise profonde que connaît ce pays a été renforcée par la polarisation politique et le vide des institutions nationales. Alors que des gangs sèment la violence en différents points du territoire, l’insécurité va croissante et affecte principalement les citoyens haïtiens. Dans ces conditions, le délégué a appelé les différentes parties haïtiennes à contribuer au renforcement de l’état de droit et à remédier au marasme actuel par le biais de réformes. Il importe, selon lui, de regagner la confiance de la population, de promouvoir le développement et de réaliser les objectifs de développement durable (ODD), ce qui ne sera possible qu’avec l’appui de la communauté internationale. En conclusion, il a espéré que le Gouvernement haïtien fera le nécessaire pour mener son pays sur la voie de l’autosuffisance et de la stabilité.
M. JUERGEN SCHULZ (Allemagne) a encouragé le Gouvernement haïtien et l’opposition à poursuivre un dialogue inclusif qui pourrait déboucher sur la réforme constitutionnelle et donner lieu à l’organisation d’élections crédibles. Il a fait part de son inquiétude face à la montée de la violence et a souligné que certains hommes politiques et hommes d’affaires ont des liens avec les gangs. Il a donc demandé que les auteurs de violence rendent compte de leurs actes. En outre, le représentant a condamné les actes de représailles ciblant la société civile.
M. Schulz a relevé qu’il y a toujours certaines lacunes de la part de la police pour faire face à l’activité des gangs et gérer les manifestations. Il a notamment déploré le manque de confiance de la population envers la police, ainsi que le manque de fonds pour la financer. Il a donc jugé impératif de continuer à renforcer les capacités de la Police nationale afin de la rendre plus efficace. Il a aussi appelé tous les acteurs des Nations Unies à coordonner leurs activés afin de mieux assister le pays. Si l’on ne traite pas des causes profondes de la violence en Haïti, a-t-il averti, il sera impossible de revenir à une stabilité politique durable.
M. DAVID CLAY (Royaume-Uni) s’est dit encouragé par le bon départ du BINUH depuis sa création, et ce, malgré un environnement difficile. Il s’est notamment félicité du rythme enregistré dans ses travaux pour accompagner la transition en Haïti. Il convient à présent de passer à une démarche plus stratégique pour aider à traiter les causes de l’instabilité, a-t-il recommandé. Le délégué a par ailleurs salué les efforts visant à intégrer les indicateurs associés aux six objectifs arrêtés pour Haïti.
Face à une situation qui demeure source de frustrations, il est selon lui indispensable que toutes les parties reprennent les discussions directes pour rétablir l’ordre constitutionnel et parvenir à organiser les élections. Dans ce cadre, le renforcement des forces de police est essentiel, a estimé le délégué, plaidant pour que la Police nationale soit dotée des ressources nécessaires à sa mission. Concernant le front humanitaire, il s’est dit soulagé de constater qu’aucun nouveau cas de choléra n’ait pas été enregistré en Haïti depuis 2019. Il s’est en revanche déclaré préoccupé par la situation générale des droits de l’homme en Haïti, s’agissant notamment des prisons, de la détention provisoire en attente de procès et du peu de progrès en matière de reddition de la justice.
M. SVEN JÜRGENSON (Estonie) a, à son tour, appelé les autorités haïtiennes à un dialogue inclusif, à une volonté politique et à une approche constructive pour examiner les questions les plus urgentes comme la feuille de route de la réforme et le processus de révision constitutionnelle. C’est ce que les Haïtiens attendent de leurs leaders politiques, a souligné le représentant. Il est important, a-t-il estimé, de définir un calendrier électoral et de créer les conditions favorables à des élections législatives. Mobiliser les forces internes et traduire les plans en actes permettra à la communauté internationale de soutenir les efforts nationaux, a promis le représentant. La région d’Amérique latine, a-t-il estimé, offre des expériences utiles sur la manière de parvenir à des accords effectifs et durables.
Compte tenu de l’environnement complexe et difficile, la Police haïtienne, a-t-il plaidé, doit être renforcée pour pouvoir s’attaquer efficacement aux gangs et exécuter son mandat. Il faut faire plus, s’est impatienté le représentant, pour punir les violations des droits de l’homme et les actes de corruption, et plus généralement pour lutter contre l’impunité. Il faut faire plus, a-t-il insisté, pour élargir l’accès à la justice et garantir des réparations aux victimes. L’objectif d’un Haïti doté d’institutions publiques fonctionnelles ne sera atteint qu’à travers un processus politique dirigé par les Haïtiens eux-mêmes, a conclu le représentant.
M. HUNG NHO DINH (Viet Nam) a appelé les partis politiques haïtiens à s’engager dans le dialogue national afin de parvenir à un consensus et trouver des solutions pacifiques susceptibles de mener de façon durable à la stabilité et au développement du pays. Il a salué le fait que de nombreux dirigeants ont des avis convergents sur certaines questions importantes, avant de les inviter à faire davantage d’efforts pour surmonter les divergences qui persistent.
Le délégué a ensuite invité les autorités à prendre des mesures appropriées pour faire face à la pauvreté, l’instabilité socioéconomique, la violence, le crime organisé, la corruption, et pour assurer la sécurité et le respect de l’état de droit. Enfin, M. Dinh a appelé la communauté internationale et les pays de la région à continuer d’apporter leur soutien au développement socioéconomique d’Haïti, notamment par le biais de projets qui facilitent les investissements, les infrastructures de développement, la création d’emplois et l’autonomisation des femmes et des jeunes.
M. MUHSIN SYIHAB (Indonésie) s’est déclaré convaincu que le peuple haïtien pourra déterminer son avenir avec le soutien du BINUH. Il faut pour cela mettre en place un gouvernement fonctionnel et donner aux Haïtiens la chance de vivre dans un pays indépendant et prospère. Plaidant pour l’instauration d’un dialogue inclusif entre les parties haïtiennes, il s’est dit préoccupé par le vide politique actuel, sachant que les mandats de tous les députés, d’un tiers des sénateurs et de tous les élus municipaux ont expiré le 13 janvier. Évoquant les accords « Marriott » et « Kinam » -un ensemble de propositions de sortie de crise avancées respectivement par l’opposition et la coalition au pouvoir-, le délégué les a jugées insuffisantes pour rétablir la stabilité constitutionnelle. Il faut, selon lui, davantage de dialogue inclusif et sincère.
Évoquant ensuite les difficultés économiques et sociales du pays, il a noté que le PIB national a diminué de 0,9%, que l’inflation a atteint 20% à la fin de l’année budgétaire et que 3,5 millions d’Haïtiens sont aujourd’hui en état d’insécurité alimentaire. Dans ce contexte, l’impasse politique, aggravée par la crise économique, est une spirale qui encourage les gangs et les atteintes à l’état de droit. De l’avis du représentant, il convient donc de continuer à renforcer le travail du BINUH, qui est un catalyseur essentiel pour le rétablissement de la stabilité. Avant de conclure, il s’est dit encouragé par les signes d’espoir qui existent, tels que la nouvelle politique de protection sociale et les efforts déployés par la police haïtienne pour maintenir l’ordre malgré son manque de ressources.
M. AOUGUI NIANDOU (Niger) a dit suivre l’évolution inquiétante de la situation sociopolitique en Haïti ces derniers mois, et notamment le fait que depuis le 13 janvier 2020, le Parlement n’est plus fonctionnel parce que les élections législatives de 2019 n’ont pas eu lieu. C’est regrettable, a-t-il estimé, parce que c’est précisément un processus électoral pacifique et inclusif qui permettrait d’instaurer la stabilité tant attendue en Haïti. Parallèlement, la situation socioéconomique reste difficile avec une crise alimentaire préoccupante, a constaté le représentant, alors que les organismes spécialisés des Nations Unies ont du mal à mobiliser les fonds nécessaires pour financer le Plan d’intervention humanitaire 2019.
Le Niger reste convaincu que le dénouement de cette crise en Haïti passe par la volonté du peuple haïtien de trouver des solutions consensuelles, par le dialogue. À cet égard, le soutien de la communauté internationale et de l’ONU est précieux pour accompagner les efforts nationaux visant à restaurer et renforcer la confiance de la population dans les institutions publiques et à créer les conditions acceptables à la restauration d’une paix et d’une stabilité pérennes. Le représentant a félicité et encouragé les autorités haïtiennes pour les efforts déployés en vue de la réconciliation nationale, avant de lancer un appel à toutes les parties prenantes pour qu’elles s’abstiennent de toute violence et s’engagent à régler leurs différends par des moyens pacifiques.
M. MARC PECSTEEN DE BUYTSWERVE (Belgique) s’est dit très inquiet de la situation du pays. L’impasse politique, s’est-il expliqué, a contribué à une crise socioéconomique et humanitaire qui frappe durement les plus vulnérables. Soulignant l’importance de la « responsabilité politique », il a appelé d’urgence à un dialogue inclusif et ouvert en vue d’organiser des élections libres, équitables et transparentes. Neuf Haïtiens sur 10 soutiennent le dialogue, a-t-il affirmé, en faisant référence à un sondage de l’ONU. Après les manifestations de 2018-2019, le Gouvernement doit s’attaquer aux causes profondes de l’instabilité et de la pauvreté, a poursuivi le représentant. Les négociations politiques devraient s’appuyer sur le large consensus selon lequel Haïti a besoin de réformes constitutionnelles et structurelles pour offrir des opportunités économiques à sa population et améliorer la légitimité de ses institutions publiques.
Le système judiciaire doit être réformé, la corruption combattue, et la protection des droits de l’homme améliorée, a ajouté le représentant, en notant que la Police haïtienne travaille dans des « circonstances difficiles ». Il est essentiel, a insisté le représentant, de mettre fin à l’impunité. Il a demandé un suivi judiciaire urgent des enquêtes sur les massacres à La Saline et Bel Air ainsi que des allégations de corruption concernant le fonds Petro Caribe. S’agissant de la détérioration des conditions humanitaires, le représentant a appelé à une action coordonnée du Gouvernement, des Nations Unies et de la communauté internationale. Il a appuyé le travail du BINUH et des agences et fonds des Nations Unies, en soulignant que la transition vers une nouvelle présence institutionnelle doit se poursuivre en douceur. Il a appelé les parties haïtiennes à pleinement tirer profit du rôle de bons offices de la mission. Il a aussi appelé le BINUH à se coordonner avec les autres acteurs internationaux dont l’Union européenne mais également avec la société civile haïtienne. En conclusion, le représentant a dit attendre avec intérêt la finalisation du Cadre stratégique intégré.
M. FRITZNER GASPARD (Haïti) a relevé que le rapport du Secrétaire général met un accent marqué sur « la dégradation inquiétante effrénée de la situation économique et sociale en Haïti ». Il a tenu à donner des chiffres pour préciser la situation, tels que le PIB de 0,9% pour l’exercice 2018/2019, la dépréciation de 22% de la monnaie par rapport au dollar américain en 2019, ou encore la diminution de 4,3% des recettes fiscales par rapport à l’exercice précédent. Il a aussi signalé une perte d’emplois massifs, avec une augmentation du chômage, et une croissance économique en baisse selon les précisions de la Banque mondiale: 1,4% en 2020 et 0,5% en 2021.
Pourtant, les investissements en 2017-2018 dans différents domaines avaient permis de projeter une croissance de 3,4%, un objectif qui n’a pas pu être atteint à cause des violences et des troubles politiques, a-t-il expliqué. Il a dit soutenir les principales observations à cet égard qui figurent dans le rapport du Secrétaire général. Il a aussi parlé des initiatives de dialogue lancées par le Chef de l’État en vue d’aboutir à un accord entre les principaux acteurs du pays, notamment ceux de l’opposition, du secteur des affaires et de la société civile. Les discussions se poursuivent cette semaine, a-t-il indiqué.
Si un accord global n’est pas encore intervenu entre les acteurs, un progrès significatif a été obtenu, a assuré le représentant: celui de pousser les principaux acteurs politiques à se mettre autour d’une table pour un dialogue centré sur la nécessité de sortir de l’impasse politique actuelle. Il a aussi parlé des progrès sur les sujets suivants: la nécessité de mettre sur pied un gouvernement d’union nationale, la révision de la Constitution, la nécessité de trouver une entente sur la question des élections. Il s’est réjoui du rôle joué par le BINUH dans ce processus de dialogue, notant que des progrès sont encore possibles.
En ce qui concerne la lutte contre la violence de proximité, un « défi majeur », il a expliqué que la Police nationale d’Haïti, avec ses 15 000 policiers et ses capacités opérationnelles limitées, fait de son mieux pour faire face à la situation. La police a encore grandement besoin d’une formation continue, de ressources suffisantes et d’équipements adéquats, a-t-il indiqué en reconnaissant que « la restauration de l’autorité de l’État sur tout le territoire devient plus que jamais une nécessité ».
La crise politique a eu des impacts négatifs sur le fonctionnement du système judiciaire, a encore expliqué le représentant en se disant conscient qu’il reste « encore beaucoup à faire pour garantir de façon irréversible l’indépendance du pouvoir judiciaire ». De même pour la situation en matière des droits de l’homme, a-t-il ajouté avant de signaler la récente visite de la Commission interaméricaine des droits de l’homme en Haïti, avant sa session qui s’y tiendra du 1er au 10 mars. S’agissant des massacres, notamment ceux de Saline, M. Gaspard a rappelé que le cabinet d’instruction a été saisi le 4 janvier 2019 et que 16 personnes ont déjà été arrêtées dans le cadre de cette enquête.
Sur la question du chômage des jeunes, le représentant a mentionné un programme mis en œuvre par le Président de la République en vue de trouver des solutions durables, qui consiste à accorder des prêts à des jeunes entrepreneurs.
M. Gaspard a ensuite salué la politique de tolérance zéro à l’égard de l’exploitation et des atteintes sexuelles commises dans le cadre des missions des Nations Unies. Il s’est inquiété en particulier du sort des enfants de Casques bleus nés en Haïti et des victimes du choléra, plaidant pour plus de rigueur et de transparence dans les activités de l’ONU. En conclusion, il a dit que le pays a la responsabilité principale de rechercher, dans le cadre d’un dialogue authentique, des solutions salutaires et pérennes aux problèmes qui compromettent la sécurité, la stabilité politique, économique, sociale et environnementale d’Haïti, avec un engagement concret et citoyen de tous les acteurs concernés par la crise. Le Gouvernement compte sur un appui international cohérent, adapté et renforcé. Et sur un appui intense coordonné, harmonisé et inconditionnel de ses principaux partenaires.