La justice est la colonne vertébrale d’un pays. Dès qu’elle se brise pour quelque raison que ce soit, la corruption surtout, on assiste à l’effondrement de tout un système qui garantit l’équité de traitement devant la loi de tous les citoyens justiciables. Si les magistrats qui doivent rendre justice sont gagnés par la corruption, ce sont surtout les citoyens démunis qui sont lésés puisqu’ils n’ont pas les moyens de stipendier leurs juges. Or, c’est l’égalité de traitement devant la loi qui est l’un des fondements des sociétés démocratiques.
« Quand les juges sont corrompus par la cupidité ou l’ingérence politique, la balance de la Justice est faussée et les simples citoyens en paient le prix », disait Mme Huguette Labelle, alors présidente de Transparency International avant d’ajouter qu’« un système judiciaire corrompu ignore la voix de l’innocent et permet au coupable d’agir en toute impunité ». La magistrature haitienne entourée du mythe de la précellence — qui symbolise l’élite dans un Etat — est engagé depuis les années 1950 dans un processus de décrédibilisation du fait de la corruption qui l’a gangrenée au point de se métastaser.
Le Réseau national de défense des droits humains (Rnddh) réclame des « sanctions sévères » contre les corrompus dans le système judiciaire haïtien, dans un rapport d’observation, daté du 16 octobre 2017 et dont a pris connaissance l’agence en ligne AlterPresse.
Tout en reconnaissant la présence de magistrats sérieux au sein de l’appareil judiciaire, le Rnddh encourage une « enquête impartiale » et des « sanctions sévères » contre toutes celles et tous ceux, qui sont impliqués dans la corruption qui gangrène le système judiciaire en Haïti
La rentrée judiciaire 2017-2018, qui a commencé ce mois d’octobre 2017 sur fond de crise, « laisse augurer le pire pour cette année judiciaire », craint le Rnddh.
« Le fait, par le Bâtonnier de l’ordre des avocats de Port-au-Prince, Me Stanley Gaston, de pointer du doigt (dans son discours prononcé, lors de la rentrée judiciaire, le lundi 2 octobre 2017) ce problème sociétal – la corruption – constitue un point positif. Cela doit porter les magistrats à se pencher sur la problématique, qui, aujourd’hui, entraîne la justice haïtienne dans la débâcle »..
A propos des grèves, tantôt des magistrats, tantôt des greffier, qui réclament de meilleures conditions de travail, le Rnddh reconnait combien « les demandes formulées par le personnel judiciaire sont justes ».
Les moyens, octroyés au fonctionnement des cours et tribunaux, sont « trop maigres ». Les magistrats ne sont « pas traités avec le respect, dû à leur rang ».
Le Rnddh recommande aux autorités de « fournir à tous les magistrats, juges de paix, parquetiers et juges des tribunaux de première instance, des moyens efficaces de travail », pour éviter que la crise influe négativement sur le fonctionnement de la justice, durant l’année 2017-2018.
L’organisme de défense des droits humains conseille également de compléter, institutionnellement, les postes vacants à la Cour de cassation de la république et de mettre tout en œuvre pour que les droits aux garanties judiciaires de toutes et de tous soit respectés.
La corruption judiciaire n’est plus un tabou
Aujourd’hui il appert que l’un des corps les plus gangrenés par la corruption, c’est celui de la magistrature. Naturellement, quand la justice est atteinte par le cancer de la corruption, c’est la démocratie elle-même qui est malade. Les haitiens ne comprennent pas que des fonctionnaires de l’Etat, qui touchent chacun au minimum 50 mille gourdes par mois, roulent carrosse et habitent dans des maisons d’un luxe indescriptible, puissent encore succomber à l’appât de l’argent. La corruption judiciaire n’est plus un tabou. Elle est évoquée ouvertement. « La magistrature est de plus en plus fragilisée, voire malmenée de l’intérieur comme de l’extérieur. Il en est résulté une crise sans précédent de la justice qui a perdu sa crédibilité et son autorité » martelait-il. Bien que de nombreux juges haitiens soient intègres et indépendants, ce corps a perdu de son lustre et de sa respectabilité, hélas. La justice a perdu sa crédibilité du fait que beaucoup de magistrats restent subordonnés à l’exécutif. La justice haitienne n’a jamais eu le courage de donner un coup d’arrêt à l’exécutif. Depuis plusieurs années, le système judiciaire a vu son indépendance compromise par l’ingérence et les interventions inappropriées du pouvoir exécutif dans le fonctionnement de la justice. Cette dernière s’est compromise dans beaucoup de dossiers où les intérêts du président de la République sont manifestes. Personne ne peut aujourd’hui démentir que la justice a été instrumentalisée dans les affaires Petrocaribe , Dermalog. Elle est venue au secours du président aux yeux de tous.
Une justice sous coupe réglée est un danger pour les citoyens qui ont maille avec l’exécutif et les puissances financières. Quand un juge accorde la liberté provisoire à un coupable qui devient subséquemment son fournisseur attitré, il y a de quoi soupçonner l’existence d’une corruption entre les deux concernés.
Toutefois, c’est malheureux et désespérant pour un corps censé donner l’exemple aux citoyens dont ils ont en charge le traitement de leurs affaires judiciaires.