Cette absence du débat se ressent de plus en plus dans la société Haïtienne. En effet, la question devrait également en interroger plus d’un, car qu’avions-nous fait pour assurer le bon déroulement des débats dans notre société ? La balle n’est pas uniquement entre les mains du pouvoir et des corrompus, mais également entre celles de la société civile, et chacun a une part de responsabilité dans ce blocage.
Quel impact le débat intellectuel peut-il avoir dans cette période de notre histoire ? Est-ce de ressasser le discours déjà usé, par son contenu et dans sa communication, ou de reproduire les mêmes critiques et analyses, incarnées par l’opposition, depuis l’indépendance ? Cette usure n’est pas le signe d’une absence de stratégie de communication ou d’absence d’un projet de société, mais elle pourrait être l’indicateur de l’absence de réflexion. Car toute réflexion est l’émanation du débat entre deux pensées distinctes.
L’usure des idées pourrait-elle être un moyen de le fossoyer et d’étouffer toutes nouvelles idées ? Cependant, les promoteurs de la vie politique Haïtienne imposent un projet de société en Haiti, qui est d’incarner la société Haïtienne en FANTOM, sans l’interroger ni la débattre. Les pouvoirs successifs ont tout mis en œuvre pour renforcer ce projet, en commençant par l’école, le modèle économique et juridique et les choix stratégiques au niveau politique.
Désormais, tous les ingrédients sont propices pour que ce projet soit une réalité. En effet, l’école Haïtienne a réduit la pensée critique à caractère religieux (licite et illicite), le législateur a introduit des lois qui sanctionnent tout débat critique sur la religion, sur les hommes politiques, etc. En effet, comment voulez-vous un débat sans esprit critique ? Est-ce le débat, comme le présentent quelques médias publics à sens unique, c’est-à-dire pas de critique, pas de commentaire, seulement “justifier” le choix du pouvoir en place ?
Le rôle de l’intellectuel est-il de justifier ou de critiquer ?
Cette année était riche par ces contradictions, en premier le débat sur la mort du président Jovenel Moise. L’intellectuel pourrait enrichir le débat en s’appuyant sur les historiens (leurs livres, articles, etc.). En outre, leur rôle est d’introduire une démarche scientifique dans le débat pour enrichir la réflexion du citoyen.
En effet, l’intellectuel se caractérise à la fois par un statut sociologique et, sur le plan éthique, par une transcendance qui le porte à défendre une forme d’intérêt général. Néanmoins, en Haiti, l’intellectuel doit trouver lui-même les espaces de débat pour exprimer sa pensée et enrichir le débat public. Cependant, lorsqu’il est ignoré par les médias publics et privés ou lorsqu’il est sanctionné (officieusement) pour ses opinions, cela réduit le débat public. Désormais, certains intellectuels se détachent de la réalité sociale non pas par désintéressement, mais par épuisement et découragement.
Cependant, en Haiti, la loi n’assure pas le débat mais le censure. Dans le cas de Seront punis comme coupables des crimes mentionnés dans la présente section,tous ceux, qui soit par discours tenus dans les lieux ou réunions publics, soit par placardsaffichés, soit par écrits imprimés, auront excité directement les citoyens à les commettre.-C. pén. 63, 178, 230, 238, 258. . Les poursuites pénales sont engagées par les autorités publiques. Question : à quel moment peut-on être offensant ou débattant ? Qui peut le décider ?
Les exemples mentionnés plus haut montrent les limites d’un débat intellectuel serein. Il y a plus 30 ans, ce genre de débat se faisait publiquement dans nos universités et nos espaces culturels sans que personne soit offensé ! L’arrivée d’une nouvelle génération x, sans esprit critique scientifique, rend le débat intellectuel usant, redondant et faible au niveau du continu. Certains titres de presse reflètent l’image de cette détérioration tragique de notre vie intellectuelle.
Que faire ?
Henry Beaucejour