Comme annoncé, plusieurs centaines de policiers ont marché ce dimanche pour exiger de meilleures conditions de travail. Il s’agit d’un fait sans précédent dans l’histoire de l’institution policière qui interdit toute forme de protestation dans ses rangs. Sur les pancartes et banderoles préparées en la circonstance, les protestataires exigent entre autres une augmentation salariale, un vrai programme d’assurance santé, la prise en charge des agents handicapés dans l’exercice de leurs fonctions, le droit de former un syndicat, la possibilité de continuer avec les études universitaires, etc. Sur une banderole, les policiers ont précisé que la marche n’a aucune orientation politique, que par conséquent ils sont ni pour ni contre le départ du président Jovenel Moïse.
La manifestation a débuté au carrefour de l’aéroport, point de départ traditionnel des manifestations de l’opposition politique, avant de longer la route de Delmas vers Pétion-Ville où se situe la Direction générale de la PNH. « Nous exigeons de meilleures conditions de travail, une augmentation salariale. Nous voulons aussi un vrai programme d’assurance car celui que nous avons ne couvre pas toutes les maladies. Il faut aussi que les autorités cessent de financer des gangs armés au détriment de l’institution », a exigé un policier manifestant. « Il faut que les hauts gradés cesser d’harceler sexuellement les veuves de policiers tombés dans l’exercice de leurs fonctions en échange de la compensation », a enchaîné un autre.
Pour sa part, Wilner Tirnier travaillant depuis 10 ans au sein de la PNH, a brandi le droit des policiers d’avoir un syndicat. « La PNH est une institution civile, contrairement à l’armée qui est régie par la cour martiale. De ce fait, comme institution civile, ses employés sont soumis à la législation sociale qui leur permet de se syndiquer. Cependant, ce droit est bloqué depuis la création de l’institution en 1995. On s’appuie sur le règlement de discipline générale (RDG) qui a été rédigé par les Nations unies. C’est une aberration », s’insurge-t-il, ajoutant que les policiers ne vont plus demander une autorisation pour se syndiquer. « Ce dimanche, nous allons devant la Direction générale pour annoncer à tout le monde que nous avons formé notre syndicat et cet organe sera de mise à partir de cette semaine », a-t-il fait savoir.
Wilner Turnier a dénoncé les conditions de travail des policiers. « On nous empêche de mener d’autres activités et nous sommes contraints de vivre avec un salaire de misère. Dans ces conditions, les agents ne sont pas exempts de la corruption ou des pots de vins. De plus, avec un horaire de 12h de travail au minimum, les agents ne peuvent poursuivre leurs études. Quand on fait un prêt à la BNC, on ne peut pas le rembourser avec notre salaire sans l’aide de sa femme ou d’un parent. Des fois, les primes de risques sont versées avec des retards de 6 à 7 mois. Quand un policier est mort, son salaire est automatiquement suspendu. On n’a aucune considération pour son épouse ou ses enfants. On leur donne seulement un chèque de 75000 gourdes et un drapeau », détaille-t-il.
Sur le trajet, les policiers protestataires ont été rejoint par d’autres citoyens, notamment des militants de l’opposition. Une fois arrivés à Pétion-Ville, les protestataires ont fait un arrêt de quelques minutes dans les parages de la direction générale où un important dispositif de sécurité avait été mis en place. Les policiers de service n’ont pas pu empêcher à leurs frères d’armes de franchir le dispositif. Il y a eu des bousculades et des tirades entre les deux groupes.
Des incidents ont éclaté en marge de la manifestation des policiers. Des tirs nourris ont été entendus au haut de Delmas alors que les policiers regagnaient leurs maisons. Policiers et civils armés se sont affrontés. Toujours à Delmas, un manifestant a été tué par balle. En réaction, les manifestants ont lapidé un homme suspecté d’avoir tiré sur les manifestants.
Des scènes de casse ont été également enregistrées alors qu’une manifestation de l’opposition défilait sur la route de Delmas. Des individus ont mis le feu dans la cabine d’ATM de la succursale de la Unibank à Delmas 71. Ils ont également allumé un pneu devant une barrière de l’ambassade du Canada et mis le feu dans un véhicule situé tout près. Ils ont également mis le feu à une génératrice appartenant à l’entreprise Banj. Le restaurant Coin 95 a été également incendié. Les leaders de l’opposition avaient appelé à une intensification de la mobilisation cette semaine pour exiger la démission de Jovenel Moïse.
Source / Le Nouvelliste