sous le seuil de pauvreté : Haïti, aujourd’hui, c’est un triangle maudit

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Dans tous les pays en proie à la malédiction du mal-développement, la descente aux enfers n’est pas la conséquence d’un seul traumatisme – en Haïti, le tremblement de terre de 2010, qui a fait plus de 230 000 morts, autant de blessés, quatre fois plus de déplacés. Comme a pu le confier le sculpteur Patrick Vilaire, «l’effondrement physique de Haïti n’est que le reflet d’un effondrement politique, social, culturel et économique.» Un pays victime des éléments et surtout du «trou noir de l’inertie, de la corruption, de l’incompétence», pour reprendre le mot de la sociologue haïtienne Michelle Oriol à Libération.

«Haïti, aujourd’hui, c’est un triangle maudit, souffle un humanitaire américain. Les grandes familles, qui tiennent l’économie et sont d’origine européenne ou du Moyen-Orient, s’allient aux politiques pour maintenir leur statut. Les politiques, dont les partis sont dominés par les créoles, vont s’allier aux grandes familles pour avoir des ressources financières. Et les gangs, financés en partie par ces deux acteurs, contrôlent les votes et commettent leurs basses œuvres.» Résultat, selon lui : «Les batailles politiques sont l’affrontement de ces trois forces. Et la population en est la première victime.»

Des chiffres disent beaucoup du désespoir qui, en dépit de leur résilience exceptionnelle, étreint et éteint peu à peu les Haïtiens, bien au-delà du meurtre de leur président. Ce sont ces près de 60 % de la population qui vivent sous le seuil de pauvreté, ou la moitié des Haïtiens âgés de 15 ans et plus qui sont analphabètes. Ce sont aussi ces 70 % qui n’ont pas accès aux soins primaires ou ces 4 millions de personnes vivant dans l’insécurité alimentaire. C’est enfin le revenu national brut par habitant qui a plongé de plus de 20 % en trente ans quand la République dominicaine voisine voyait le sien bondir de près de 200 %.