L’histoire d’Haïti est traversée par la question récurrente de l’Etat. Celle ci s’est toujours résumée à la tentative d’adapter un modèle européen aux conditions d’une société caractérisée par la tribalisation de son espace politique. Dans ce pays, la notion d’administration semble étrangère à la culture locale. Dès l’origine, l’Etat a été une affaire privée et n’a jamais répondu aux attentes des populations. A l’inverse des constructions par le haut, Haïti pourrait faire l’expérience d’une construction politique par le bas en associant plus largement les populations locales à l’exercice d’un pouvoir décentralisé. Cette tendance, déjà perceptible dans la nouvelle constitution pourrait limiter les risques de confiscation du pouvoir par un homme ou un clan.
L’histoire constitutionnelle et politique de la République d’Haïti depuis 1804 apparaît à l’observateur comme une course éperdue vers la recherche d’une identité étatique. Celle-ci se comprend comme l’effort d’adaptation d’un cadre juridique moderne aux conditions particulières d’une société surgie brutalement de la colonisation où la cohésion nationale s’est heurtée en permanence aux appétits de pouvoir et à une tribalisation du champ politique.
« À chaque changement de gouvernement se pose un nouveau problème. Il faut résoudre ce problème dont la Constitution haïtienne est la responsable. Mais cela demande du temps et non la passion », invite le professeur de l’Université d’État d’Haïti, lors d’un entretien accordé à la presse ce jeudi.
Me Dorval a évoqué la loi de Préval du 4 octobre 2006 fixant le nombre des ministères à dix-sept. Retraçant l’historicité du sujet, le juriste montre tous les micmacs déjà posés lors de la formation d’un cabinet ministériel. « En 1988, le président Manigat a fixé à 14 le nombre de porte-feuilles ministériels avant qu’il n’ait reformé le gouvernement par le biais d’une loi. En 1990, le président Aristide a fixé le nombre des ministres à 18. Idem sous la présidence de Préval en 2006 », a-t-il mentionn
Jovenel Moise aurait-il versé samedi matin des larmes de crocodile en apprenant l’exécution du Dr. Monferrier Dorval, bâtonnier de l’ordre des avocats de Port-au-Prince ?
Rappelez-vous certaines des déclarations incendiaires de l’apprenti-dictateur : « Ap gen ti aksidan » – « Pouvwa sa mounn pap ka pran’l nan menm’l » – « Kouwan 24/24 la pyès moun pap ka bare’l« … Haïti est en présence d’un homme déséquilibré jouant ses dernières cartes pour se maintenir au pouvoir. A qui veut l’entendre !
L’apprenti-dictateur haitien qui flirte plus que jamais avec les tribunaux de la Cour Internationale de Justice, n’est pas l’homme à prendre le non comme toute réponse, surtout quand tous ses « stratagèmes » déployés ont été publiquement dénoncés dans le rapport de la Cour des Comptes sur la dilapidation des fonds de Petro Caribe.
« Me. Dorval, contacté par le Palais National, a catégoriquement refusé d’envoyer un représentant du barreau siéger au CEP-Dermalog de Jovenel Moise« , a confié samedi à Rezo Nòdwès, une source proche du bâtonnier lâchement assassiné vendredi soir. Un crime de trop perpétré sous le régime Moise-Jouthe qui devait un jour rendre des comptes à la Nation.
Cette même source qui a requis l’anonymat, par crainte de représailles, a indiqué que « Jovenel Moise était furieux de l’insistance de Montferrier Dorval de se tenir à l’écart de la formation de son CEP-Dermalog|Binuh inconstitutionnel » qui, selon notre interlocuteur, allait donner une certaine « légitimité » au CEP recruté de « mercenaires » et de « machann peyi » pour organiser des élections dont les résultats sont connus d’avance avant même le jour du scrutin.
Samedi matin, le président Jovenel Moise qui s’est empressé de condamner l’assassinat de Me. Montferrier Dorval, le troisième survenu en moins d’une semaine, a déclaré que « l’assassinat de Me Dorval attriste toute la République. Un homme de grande culture. Une grande perte pour le pays« . Dorval, lui, n’a pas fait usurpation de titre quoique détenteur d’un doctorat à la Faculté de Droit et de Science Politique de l’Université de Droit, d’Économie et des Sciences d’Aix-Marseille, en France.
L’apprenti-dictateur qui est tout prêt à mettre en œuvre pour violer impunément la Constitution en s’accrochant au pouvoir au-delà de la date limite de son mandat constitutionnel, le 7 février 2021, a souligné que le crime du vendredi soir, « comme tant d’autres, ne restera pas impuni« .
Pendant longtemps, l’attention a été captée par les discussions institutionnelles sur l’application de la constitution et le bon usage de la démocratie. Il semble aujourd’hui que d’autres préoccupations se fassent jour. Elles concernent en tout premier lieu le développement économique et la meilleure utilisation de l’aide des bailleurs de fonds et des ong.
On en revient au débat classique dans les pays du tiers-monde sur les conditions d’érection de l’État et de consolidation de l’unité nationale sans infraction anti-démocratique.
Le parti-pris haïtien se veut en même temps une réponse à la mal formation de l’État ou encore à l’État faibleau sens où l’entendait André Corten et une “ assurance tout risque démocratique ” contre les dérives du pouvoir personnel. C’est ce compromis que poursuit la stratégie d’édification par décentralisation.
L’apprenti-dictateur aurait-il versé des larmes de crocodile quand Me. Dorval serait très loin d’être tombé d’accord avec lui sur un projet illégal de doter le pays d’une nouvelle Constitution en commençant d’abord par la formation d’un CEP-Dermalog illégal constitué de petits vendus des ti visye pour venir accoucher un parlement a tou fè et de J’approuve sans colonne vertébrale à l’instar de la 50è de Cantave et de Bodeau ?
Maintenant que l’enthousiasme et les rêves se meurent, les contraintes et les réalités se font entendre.
1 Claude Moise, “ Constitutions et luttes de pouvoir en Haïti ”, Tome 1, 1804-1915, La faillite des classes dirigeantes, cidiha, 1988, p. 29.
2 Les généraux en chef réunis aux Gonaïves le 1er janvier 1804 déclareront après avoir proclamé Dessalines Gouverneur Général : “ … nous jurons d ‘obéir aveuglément aux lois émanées de son autorité, la seule que nous reconnaîtrons : nous lui donnons le droit de faire la paix, la guerre et nommer son successeur. ”
3 Price Mars, De la préhistoire de l’Afrique à l’histoire d’Haïti, Port-au-Prince, Imprimerie de l’Etat, 1962, p. 167.
4 Suzy Castor, op. cité, p. 29.
5 Africains ”, Pouvoirs, n° 25,.1983, pp. 5 à 21. L’auteur tente de chercher un fondement à certaines dérives en examinant la relation entre intérêt privé et intérêt public. Même si l’analogie n’est pas totale, certaines pratiques haïtiennes peuvent être analysées à partir de ce cadre.
6 Max Liniger-Goumaz, La démocrature, dictature camouflée, démocratie truquée, Paris, L’Harmattan, 1992, p. 53.
Source:Rezonodwes