L’avenir s’annonce sombre. Évitons,haïtiens inquiets,mais lucides, de l’anticiper ! Au gré des soubresauts du monde présent, notre pays est devenu la boite noire des peurs et des fantasmes, le théâtre muet du malheur humain, un dépotoir, véritable carrefour des parias et des condamnés. Cependant, parce que nous aimons tous cette terre, parce que nous sommes tous reliés à son histoire, nous ne saurions rester inaudibles aux bruits de ce pays cherchant sa mémoire dans le chaos présent.
Aujourd’hui, que les prétendues élites humanistes méprisent les plus modestes, empêchant ainsi le maintien des liens avec les citoyens mieux intégrés, dans quels bras vont-ils se jeter lorsque les lumières s’éteindront et que la tromperie,la veulerie leur sauteront aux yeux ?
En politique,quand j’ai un accès d’immodestie, il m’arrive de penser à Dávila,ce philosophe colombien : “l’intellectuel n’oppose pas à l’homme d’État l’intégralité de l’esprit mais le radicalisme de l’expérience.” Or,quand les responsables politiques sont tiraillés par des impératifs contradictoires, cela ne peut que rendre difficiles, les arbitrages.Et comme le fossé ne cesse de se creuser entre temps médiatique et temps politique, ils suscitent nécessairement l’impatience et la frustration dans la classe politique soumise de surcroît à la douche glacée du ricanement permanent.
Des élections, venons en aux faits ! Les conseils électoraux depuis tantôt trois décennies nous invitent aux urnes sans pour autant faire recette. Élections après élections, le vote des haïtiens s’effrite et les scrutins sont toujours les premiers à en faire les frais.Et il n’y a guère qu’aux législatives et aux présidentielles que l’électorat parvienne tant soit peu à se motiver.
Au fond,les élections considérées sélections ne passionnent guère les électeurs La preuve,seulement 10/%ont mis les pieds dans les urnes !Les mathématiques ont évolué depuis les temps cartésiens mais nos CEP s’inventent d’autres formes de calcul en construisant des ensembles et des sous ensembles,l’OEA aidant.
Pour compliquer encore l’écheveau, ils ont en plus deux modes de scrutin. Comment comprendre qu’un tel bazar puisse être de nature à mobiliser des électeurs quand les événements eux mêmes marginalisent la campagne électorale? Au demeurant,les écarts sont plus importants que les pronostics et une fois de plus, le contexte incite à se tromper d’élection.
Une simple logique alternative conduirait non pas à forcer les citoyens à voter mais à se demander plutôt pourquoi les électeurs boudent ils les urnes. À tout le moins, devrait-on appliquer le droit du vote blanc et qu’on le comptabilise surtout, car, s’il venait à dépasser 50% conduirait les candidats en lice à se retirer. On doit se rendre compte que la question n’est pas seulement un manque d’envie de voter de la part de nos compatriotes ,mais traduit simplement un refus de voter pour des politiciens oxydables, oxydés, usés, rejetés et mérités sans doute d’être exposés au musée des méthodes,Le comble, ils sont toujours présentés par des partis qui, eux-mêmes, ne sont plus représentatifs des aspirations des électeurs.
Nul besoin d’être un analyste lucide de la scène politique haïtienne durant les trois dernières décennies (1987-2017) pour savoir que le verdict des urnes est une prime à la violence, à l’escroquerie et aux sources de financement occultes.
De 1988 à nos jours chaque période électorale donne lieu à une crise politique ou tout simplement approfondit cette crise que les résultats des urnes prétendent résoudre. Les protagonistes ne sont pas des adversaires, ils se comportent plutôt comme des ennemis en guerre.
Raymond Aron disait : On n’a jamais le choix entre le bien et le mal, mais entre le préférable et le détestable.Et puisqu’au lendemain de chaque élection, un soleil noir se couche sur une Haïti dévastée, espérons qu’une prochaine majorité changera les contours et le mode d’élection.
Haïti – La drôle de guerre électorale. 1987 – 2017 – Sauveur Pierre Etienne
extrait J. L. Theagène texte