« Je n’appelle plus Rome un enclos de murailles Que ses proscriptions comblent de funérailles : Ces murs, dont le destin fut autrefois si beau, N’en sont que la prison, ou plutôt le tombeau ; Mais pour revivre ailleurs dans sa première force, Avec les faux Romains elle a fait plein divorce ; Et comme autour de moi j’ai tous ses vrais appuis,
Rome n’est plus dans Rome, elle est toute où je suis. »
L’exil est une expérience bipolaire, dans un sens positif. L’exilé est celui qui vit dans un nouveau présent sans abandonner le présent de son passé. Une fois arrivé, il doit se bâtir un nouveau vécu. Le seul moyen dont il dispose pour se forger des dispositifs lui permettant de s’installer dans un présent qu’il ne maîtrise pas est de se tourner vers son passé. Le pays, la langue, la culture et le ciel quittés sont le terreau dans lequel va puiser l’exilé. Il est totalement vain de croire qu’il puisse brutalement passer dans une nouvelle réalité. L’être humain est un être de devenir et non pas de la transformation brutale. Continuité essentielle et constituante de l’expérience exilique : l’exilé est d’emblée multiculturel, offrant à ce titre une exemplarité politique dont nos sociétés ont fort besoin. Il a une première et une deuxième vie et les deux communiquent. Sa nostalgie l’aide au présent à se forger un nouvel être. Il n’y a pas de césure. Au contraire, il faut accueillir l’arrivant avec son passé et ce qu’il a quitté. D’une certaine manière, le territoire quitté voyage avec l’exilé…
«…Jean-Bertrand Aristide, 51 ans, premier président démocratiquement élu de l’histoire bicentenaire d’Haïti, est, cette fois, bel et bien tombé face à une coalition hétéroclite (dans laquelle se sont retrouvés, côte à côte, l’opposition républicaine, d’anciens tortionnaires, des trafiquants de drogue et des voyous), lâché par l’administration Bush, qui le tenait pour un « psychopathe » – le mot est du sénateur ultra-conservateur Jesse Helms. Abandonné aussi par la France chiraquienne, hostile à cet ancien salésien cyclothymique qui réclamait urbi et orbi, il n’y a pas longtemps encore, le remboursement des 150 millions de francs-or déboursés par son pays, à la demande de Charles X en 1825, pour préserver une indépendance acquise de haute lutte, en 1804, face aux armées napoléoniennes. Alors même que le Caricom, la Communauté des Caraïbes, venait de proposer un compromis aux protagonistes, Washington et Paris, en phase dans le dossier haïtien, n’ont laissé aucune chance à Aristide : s’en aller, ou rester et…mourir ! On est loin du contentieux franco-américain sur l’Irak. »
Jeune Afrique l’intelligent (France), 7 au 13 mars 2004, p. 18.
Louis Étienne Félicité Lysius Salomon, dit Lysius Salomon Jeune (30juin1815 aux Cayes – 19octobre1888, dans le 16e arrondissement de Paris au 3, avenue Victor-Hugo), fut président de la république puis président à vie d’Haïti du 26octobre1879 au 10août1888. Ministre des finances sous le règne de l’empereur Faustin, Salomon fut écarté de la vie politique après la chute de l’empire en 1859 : en date du 26 septembre 1860, le président Fabre Geffrard signe le décret ordonnant “son bannissement perpétuel du territoire de la République pour lui et son épouse Thulcide Nicolas”, et lui confisque en même temps son passeport. Il vivra en exil pendant 18 ans à Saint Thomas (Iles Vierges).
Jean claude Duvalier « Je suis venu pour aider mon pays et lui témoigner ma solidarité », a affirmé Jean-Claude Duvalier dans un style guindé, dimanche 16 janvier 2011, à son retour d’exil. D’aucuns se demandent en toute urgence avec quelle main compte-t-il nous aider et sous le poids de quel âge ? Un quart de siècle plus tard, quel germe de solidarité a moissonné dans le cœur de « Baby Doc » ?
Le président haïtien Jovenel Moïse est accusé d’être au cœur d’un « stratagème de détournement de fonds » par la Cour supérieure des comptes qui a rendu vendredi un rapport de plus de 600 pages sur la mauvaise gestion de l’aide reçue du Venezuela.
Les juges ont découvert qu’en 2014, pour le même chantier de réhabilitation de route, l’État a signé deux contrats avec deux entreprises aux noms distincts, Agritrans et Betexs, mais qui partagent notamment le même matricule fiscal et le même personnel technique.
« Les deux entreprises ont réalisé distinctement les mêmes ouvrages aux mêmes dates », révèle le rapport de la Cour qui conclut qu’il s’agit « ni plus ni moins qu’un stratagème de détournement de fonds ».
Avant son arrivée au pouvoir en 2017, Jovenel Moïse était à la tête de l’entreprise Agritrans, laquelle a reçu plus de 33 millions de gourdes (plus de 946 000 $ CA, au taux de l’époque) pour ce projet routier, alors que son activité consistait à de la production bananière.
L’état de ce tronçon de route suscite des questionnements et démontre qu’il y a un décalage énorme entre les sommes dépensées et la réalité des travaux qui auraient été effectués. Extrait du rapport des juges, après leur visite de terrain
Pour ce chantier, l’entreprise de l’actuel président avait par ailleurs reçu une avance de fonds près de deux mois avant la signature du contrat, ce qui fait aujourd’hui dire aux magistrats « qu’il y a eu collusion, favoritisme et détournement de fonds ».
Un autre chantier de réhabilitation routière a été attribué à Agritrans en 2015, malgré l’avis défavorable de la Cour des comptes qui avait notamment relevé à l’époque une violation des lois de passation de marché public.
Au pouvoir depuis 2017, le président Jovenel Moïse est vivement contesté depuis le début de l’année 2019, à cause de la situation économique délétère du pays, mais aussi de soupçons de détournement d’un fonds alimenté par le pétrole vénézuélien, à son bénéfice personnel (entre autres).
Si Jovenel Moise accepte de quitter le pouvoir et d’aller couler des jours plus paisibles dans un autre pays vraisemblablement, il ne le fera probablement pas le cœur léger mais au moins pourra-t-il se pencher sur l’histoire politique Haitienne des 100 dernières années. Elle regorge d’exemples de chefs d’État, élus démocratiquement ou non, conduits de gré ou de force à abandonner le pouvoir et leur pays.
Victor Hugo est réputé avoir plutôt bien vécu son exil. C’est d’ailleurs là qu’il s’est remis à écrire : “L’exil ne m’a pas seulement détaché de la France, il m’a presque détaché de la terre, et il y a des instants où je me sens comme mort et où il me semble que je vis déjà de la grande et sublime vie ultérieure”.
Henry Beaucejour
https://www.franceculture.fr/litterature/dovide-a-hugo-lexil-en-trois-grands-textes