L’alimentation régulière des flux migratoires en lien avec la situation économique et politique problématique d’Haïti et l’activation consécutive des réseaux (familiaux, religieux, marchands) entretiennent et réactualisent en permanence le lien entre les différents pôles de la diaspora. Les enjeux du poids démographique, économique et politique grandissant de cette diaspora pour Haïti n’échappent pas aux autorités du pays qui, après l’avoir délégitimée, cherchent à l’instrumentaliser pour en canaliser les ressources économiques tout en l’utilisant comme une arme diplomatique pour peser sur la scène internationale. Les émigrés haïtiens n’ont cependant pas attendu la création du Ministère des Haïtiens Vivant à l’Etranger et l’ouverture de discussions sur la modification de la politique de la nationalité haïtienne pour acquérir une conscience collective diasporique redevable à l’action des institutions représentant les intérêts des populations migrantes à l’étranger. La question de la pérennité de l’identité et de la solidarité diasporiques mérite néanmoins d’être posée, tant il apparaît que la réalité de la diaspora haïtienne ne recouvre pas le même sens et les mêmes enjeux selon le modèle d’intégration de la société d’installation considérée, selon le statut social des migrants, selon l’ancienneté de leur migration ou selon que l’on considère les migrants ou leurs descendants nés sur place. L’acculturation s’opère partout en dépit de la montée de l’ethnicité et de l’ouverture croissante des pays d’accueil à l’expression de la différence culturelle. Or, les processus d’acculturation différenciés en relation avec l’adaptation des migrants aux contextes sociaux et institutionnels forts variés des sociétés d’installation dessinent une diaspora culturellement hétérogène. L’endogamie marquée au sein des communautés haïtiennes se perpétue parallèlement à des dynamiques de métissage récentes qui posent de manière nouvelle la question de la transmission intergénérationnelle de l’héritage du pays d’origine. De même, le poids croissant des générations suivantes dans les pôles de la diaspora – 40 % au Québec, 35 % en République dominicaine, 24 % aux Etats-Unis – rend incertaine la reproduction des formes les plus traditionnelles de l’haïtianité, dont la dilution se lit par exemple à New York ou Miami dans une construction identitaire des plus jeunes basée sur la réappropriation de codes culturels d’autres communautés (noire états-unienne notamment). Enfin, l’enlisement de la situation politique et économique, la perte progressive d’espoir en l’avenir d’Haiti et le traumatisme sans précédant produit par le séisme du 12 janvier 2010 rendent plus que jamais hypothétiques les projets de retour définitifs. Dans ce contexte, la pérennité du lien diasporique haïtien reposera davantage que par le passé sur la permanence de flux migratoires de grande ampleur alimentant les différents pôles du « Dixième département ».
Sur la base théorique de Dilip Ratha, on peut en déduire que les transferts d’argent desmigrants haïtiens contribuent efficacement à réduire la pauvreté en Haïti du fait qu’ilsvont directement aux familles en nécessité. Ce qui réduit le gaspillage et donne accès àcertains receveurs de ces fonds de les utiliser à bon escient et dans des activitésrémunératrices de revenus en vue de déboucher sur une autonomie en cas d’arrêts detransfert de ces fonds. De cela, à quoi sont utiles réellement les transferts (envois) defonds de l’étranger vers Haïti ? Avant de répondre cette question, il faudraitpréalablement savoir plus de 70% de la population haïtienne vit en dessous du seuil de lapauvreté. Ceci dit que des gens qui vivent avec moins de 1.98 dollars américains par joursont quotidiennement toujours dans le besoin. Dans le cas d’Haïti – un pays dont sabalance commerciale est de nos jours toujours négative, c’est encore pis puisquel’inflation atteint les chiffres de 19 % au cours de cette année alors que le dollar américain s’achète à 93 gourdes en moyenne. Donc, on peut en conclure que les fonds envoyés par la diaspora haïtienne en Haïti constituent une pierre angulaire pour des milliers de familles haïtiennes y compris des amis également. Suivant nos observations en Haïti, les transferts (envois) de fonds de l’étranger vers Haïti sont utiles dans divers domaines ou activités, dont :
la scolarisation des enfants et des jeunes de la fondamentale à l’université ;
la création de petites et moyennes entreprises ;
le développement de l’agriculture et de l’élevage ;
l’acquisition des biens de consommation des ménages ;
l’acquisition de biens immobiliers, terrains et maisons ;etc
Sur le plan touristique, la diaspora haïtienne a beaucoup contribué dans la dotation du pays d’infrastructures touristiques (hôtellerie et restauration). Selon Hugues & Bénédique (2015) qui cite Hugues (2014), la diaspora haïtienne est partie prenante ou actionnaires dans ces infrastructures touristiques suivantes :Hôtel Oasis : 2012 La Lorraine : 2012 Hôtel Best Western : 2013 Villa Nicole : 2013 Hôtel La Source : 2013 Monte Cristo : 2013 Colin Hôtel : 2014
Sur le plan organisationnel, des professionnels migrants haïtiens créent desorganisations non gouvernementales, des groupes de recherche et des fondations dansle but de venir en aide à certaines communautés locales. Ces organisations, groupes etfondations fondés par des membres de la diaspora haïtienne travaillent en majeurepartie dans les secteurs du développement de l’agriculture et de l’élevage, du parrainagedes enfants dont leurs droits sont violés ou ignorés par l’Etat, de la santé, dans laformation et l’enseignement des cadres ou des professionnels, de la recherche, etc.
Une bonne partie de notre population vit à l’étranger, et ceci près de 2 millions d’Haïtiens. D’un côté, la plupart d’entre eux sont aux États-Unis, tandis qu’un nombre important réside en République dominicaine. De l’autre côté, des pays comme le Canada, la France, le brésil, le chili pour ne citer que ceux-là, accueillent également des milliers de citoyens haïtiens. Finalement on peut déduire que nos compatriotes n’ont pas de destination fixe, ils sont éparpillés partout dans le monde à la recherche d’opportunités diverses.
Certainement, on a remarqué depuis toujours que la diaspora haïtienne qui vit à l’étranger ne perd pas le lien avec son pays d’origine. La Banque mondiale l’a confirmé en 2017 dans un rapport officiel, où la diaspora haïtienne a effectué des transferts d’argent dans le pays évalués à 2,4 milliards de dollars américains. Un montant qui équivaut à un quart du Produit intérieur brut (PIB) de l’économie haïtienne. En d’autres termes, si nous voulons mieux faire comprendre aux lecteurs le sens propre de ce rapport, cela signifie que la diaspora haïtienne est l’une des principales sources économiques du pays.
Pour l’année dernière, le pays a reçu 2.7 milliards de dollars américains, une augmentation de 400 millions par rapport à l’année précédente. Cette année, selon les prévisions rendues publiques par l’un des membres du Conseil d’administration de la Banque de la République d’Haïti, Fritz Duroseau, qui participait au Forum libre du jeudi de la semaine dernière, pour l’année 2018, les transferts devraient suivre cette même tendance. L’augmentation devrait être, soutient-il, de l’ordre de 14%. Ce qui explique que le flux de transferts pourrait atteindre la barre de trois milliards de dollars.
Avec de tels chiffres, les transferts de la diaspora haïtienne constituent de loin la principale source de devise de l’économie haïtienne devant les exportations qui génèrent un peu moins d’un milliard. Tenant compte que les importations du pays se situent autour de quatre milliards. Cette source de revenu joue un rôle prépondérant dans la balance des paiements. Car le déficit de la balance commerciale est devenu de plus en plus conséquent depuis le passage du séisme de 2010, date où les importations du pays étaient de l’ordre de 1.9 milliards de dollars.
L’augmentation des envois de fonds haïtiens s’explique grandement par le résultat d’une migration importante vers les États-Unis d’Amérique, le Canada, le Chili et le Brésil. Selon des rapports produits par des instances internationales, la croissance entre 2016 et 2017 reflète une augmentation de plus de 100 000 migrants qui effectuent des transferts régulièrement vers Haïti. Les émigrés du pays gardent alors de bons rapports avec les parents, les amis et d’autres proches demeurés en Haïti. Plus d’un tiers des ménages haïtiens reçoit un transfert de la diaspora.
Ainsi, cette précieuse ressource est plutôt un moyen important de création de nouvelles entreprises. Ce qui aurait une incidence positive sur la création d’emplois et surtout sur la croissance. Dommage, de l’avis du spécialiste de la finance, que ces fonds sont plutôt canalisés vers la consommation. Ce qui n’a pas d’importance, car ils couvrent des besoins de l’éducation, de logement et surtout favorisent la sécurité de plusieurs millions d’Haïtiens. Mais il reste un fait que très peu de ces fonds sont alloués à des activités génératrices de revenu.
En pourcentage dans le produit intérieur brut (PIB), l’apport de la diaspora est loin d’être négligeable. C’est presque un tiers du PIB du pays, soit 32% pour être plus précis. Fort de cela, M. Duroseau affirme que la diaspora haïtienne peut jouer un rôle de levier pour l’investissement dans des activités porteuses, le financement des infrastructures et de bien d’autres types de projets de développement.
le vote à l’étranger est un droit que la diaspora attend depuis longtemps. De nombreux pays de la région autorisent leurs résidents à voter comme mécanisme de participation à la politique de leur cité. Normalement pour imiter de bons exemples des pays avancés , il serait souhaitable que la diaspora soit représentée au Parlement.
La diaspora a pour défi majeur de créer une structure pouvant conjuguer les efforts des Haïtiens dans différents pays pour redéfinir des stratégies susceptibles de contribuer efficacement au développement d’Haïti. L’existence d’une telle structure permettrait aux Haïtiens à l’étranger de participer activement à la solution des problèmes du pays qui est chère à nous tous.
l’Haiti de demain a aujourd’hui une occasion unique de repenser sa politique à l’égard de la diaspora .Des pouvoirs publics au secteur privé en passant par le monde associatif, un nouveau partenariat doit être mis en place où les diasporas Haitiennes joueront pleinement leur rôle. Ces personnalités issues de la diaspora sont les meilleures ambassadrices d’une relation HAITI-HAITI tournée vers l’avenir.
Henry Beaucejour
https://lenouvelliste.com/article/191659/le-potentiel-de-la-diaspora-haitienne