Au-delà de son aspect saugrenu, le «Faux coup d’Etat du dictateur Moise Jovenel» charrie plusieurs questions que certains posent, parfois à la frontière avec le complotisme.
Ce vrai faux coup d’Etat servirait en fait à l’ancien président Jovenel Moise, absent du pays depuis tantot 4 ans , de jouer sur le moral de l’opposition afin de dissuader toute velléité de prise du pouvoir par la force.
Les autorités haïtiennes ont annoncé avoir déjoué dimanche un projet de coup d’État visant le président contesté, Jovenel Moïse, qui a affirmé avoir échappé à une tentative d’assassinat.
Cette « tentative de coup d’État » implique un juge de la Cour suprême, et une inspectrice générale de la police nationale haïtienne, a déclaré le ministre de la Justice, Rockefeller Vincent, lors d’une conférence de presse. Vingt-trois personnes ont été arrêtées au total, a précisé de son côté le premier ministre, Joseph Jouthe, également devant la presse.
« Ils avaient contacté des hauts gradés de la police au Palais national qui avaient pour mission d’arrêter le président, de l’amener dans cette habitation à Petit Bois [lieu de leur arrestationdans la capitale] et de faciliter l’installation d’un nouveau président provisoire, qui aurait fait la transition », a expliqué le chef du gouvernement. Il a ajouté que, parmi des documents saisis, figurait le discours que le juge avait prévu de prononcer pour devenir ce nouveau président provisoire, dans un régime de transition.
Le directeur général de la police nationale, Léon Charles, a précisé que de l’argent et des armes avaient été saisis, notamment deux fusils d’assaut M14, un mini Uzi, trois pistolets 9 mm et plusieurs machettes.
Prétendu complot
Plus tôt dans la matinée, Jovenel Moïse a expliqué que les auteurs du coup de force déjoué en voulaient à sa vie. « Je remercie le responsable de ma sécurité au Palais. Le rêve de ces gens était d’attenter à ma vie. Grâce au bon Dieu, nous n’avons pas vu ça. Ce plan a été avorté », a déclaré le président du pays en crise.
Le chef de l’État haïtien s’exprimait sur le tarmac de l’aéroport de Port-au-Prince, entouré de sa femme et du premier ministre Jouthe. Il s’est ensuite envolé en direction de la ville balnéaire de Jacmel pour assister à la cérémonie d’ouverture de son carnaval annuel, qui se tient au milieu de la pandémie.
Selon le président Moïse, le prétendu complot s’est amorcé le 20 novembre. Il n’a fourni aucune preuve pour appuyer ses déclarations. Il a précisé qu’un inspecteur général de la police avait également été placé en état d’arrestation. M. Moïse a ajouté que de plus amples renseignements seront donnés plus tard par de hauts fonctionnaires.
André Michel, l’un des principaux dirigeants de l’opposition haïtienne, a tenu une conférence de presse quelques heures après les arrestations pour exhorter la population à la désobéissance civile. Il a exigé l’arrestation du président. Selon M. Michel, l’arrestation du juge de la Cour suprême Yvickel Dabrezil est illégale parce qu’il bénéficie d’une immunité automatique.
M. Dabrezil est l’un des trois juges que l’opposition pourrait accepter en tant que président de transition potentiel.
Reynold Georges, un avocat qui a déjà travaillé comme consultant pour le gouvernement Moïse, mais qui a depuis rejoint l’opposition, a dénoncé les arrestations dans un entretien avec la radio Zenith FM. « Nous demandons sa libération immédiatement », a-t-il déclaré à propos du juge Dabrezil. M. Georges a également appelé les gens à se soulever contre Moïse.
L’inspectrice générale de police, Marie-Louise Gauthier, a aussi été arrêtée, selon un communiqué du Jeune Barreau de Port-au-Prince. L’organisation a accusé le gouvernement Moïse de semer la terreur.
Port-au-Prince a été le théâtre dimanche de manifestations clairsemées émaillées de quelques échauffourées avec la police.
Pouvoir contesté
M. Moïse soutient que son mandat à la tête du pays caribéen court jusqu’au 7 février 2022. Mais cette date est dénoncée par une bonne partie de la population haïtienne, selon qui le mandat de cinq ans de M. Moïse arrive à terme un an plus tôt, soit le dimanche 7 février 2021.
Ce désaccord de date est né du fait que Jovenel Moïse avait été élu lors d’un scrutin annulé pour fraudes, puis réélu un an plus tard.
Le pays s’est encore davantage enfoncé dans la crise au long de l’année 2020, privé de Parlement et gangrené par les violences. Isolé, le président Moïse gouverne par décrets, alimentant une défiance croissante au sein de la population.
M. Moïse prévoit organiser un référendum constitutionnel en avril qui, selon ses détracteurs, pourrait lui attribuer plus de pouvoir. Des élections générales sont prévues plus tard cette année.
Après son arrivée à Jacmel, M. Moïse a prononcé un discours pendant une heure. Il a surtout parlé des travaux d’infrastructure que son gouvernement a réalisés, mais a également appelé l’opposition à travailler avec lui.
« Il n’est pas trop tard, a-t-il dit. Je ne suis pas un dictateur. Les dictateurs sont des personnes qui prennent le pouvoir et ne savent pas quand elles partent. Je sais que mon mandat prend fin le 7 février 2022. »
Beaucoup y voient une concomitance suspecte. Mais de là à imaginer une machination, il n’y a qu’un pas !
“Il est totalement clair” d’affirmer que l’ancien président Jovenel Moise a mis en scène le Faux coup d’Etat pour renforcer son pouvoir.