Cette semaine, j’ai été l’objet d’un article diffamatoire publié par une pseudo-agence de presse, passée maître dans l’art de calomnier ceux qui n’ont pas l’échine courbée devant ses patrons.
En général, j’évite de répondre aux attaques calomnieuses et sans fondement surtout lorsqu’elles émanent de sources non crédibles. Toutefois, je fais aujourd’hui exception à cette règle car cet article à charge me donne finalement l’occasion d’apporter certaines explications à celles et ceux qui, en toute bonne foi, pensaient que j’avais accepté un poste rémunéré de l’administration Moïse alors que je la critiquais publiquement. En d’autres termes, j’aurais accepté les largesses d’un pouvoir dans lequel je ne me retrouve pas. Quelle aberration ! Rien de plus faux.
La réalité est que je suis fonctionnaire de l’État depuis 2015 recruté à partir de mes compétences jugées conformes aux défis posés par la nécessité de renforcer la e-Gouvernance au sein de la Primature. Depuis mon intégration dans l’État, je n’ai jamais été révoqué de l’administration publique et j’ai eu des relations courtoises, respectueuses avec tous les Premiers ministres qui se sont succédés ; de Laurent Lamothe à Joseph Jouthe en passant par Evans Paul.
Alors que j’étais en position de mise en disponibilité, le Premier ministre, chef de l’administration publique, a donné suite à ma réintégration conformément aux procédures régissant la matière dans la fonction publique. Dans ce contexte de mise en commun de toutes les compétences disponibles pour lutter contre la COVID-19, c’était un devoir et un honneur pour moi car l’heure est au dépassement, et j’espère que ma présence au sein de la cellule de communication de gestion de la crise de la pandémie du Coronavirus (COVID-19) aura été bénéfique à la collectivité.
C’est dommage qu’en Haïti, le fonctionnaire de l’État soit perçu comme un employé au service et en service d’un régime ou d’un leader même quand ce dernier commet des erreurs. Toutefois, je ne suis pas et ne serai jamais de ceux qui sont disposés à perdre leur liberté de parole ou de citoyen, non pas par effronterie ou insubordination, mais par devoir patriotique et conviction personnelle. Critiquer est aussi apporter sa pierre à l’édifice de construction nationale.
Le Fonctionnaire doit pouvoir jouir de ses droits inaliénables d’exprimer son opinion sur la gestion du pays conformément à l’article 171 de la loi sur la Fonction Publique qui dispose : « Le fonctionnaire, tout en étant libre d’exprimer des opinions philosophiques, politiques ou religieuses doit se garder de contester publiquement les principes constitutionnels de l’État ». C’est la seule restriction imposée par cet article.
C’est ce droit que j’ai exercé en critiquant la gestion et le leadership du président Moïse et que je continuerai à exercer indépendamment du président au pouvoir. D’ailleurs, c’était de bon droit car j’ai supporté Jovenel Moïse en 2015 et je l’ai toujours assumé publiquement. Cependant, la direction suivie par notre président s’éloignait tous les jours de mes principes et de ma vision de la res publica. Ma décision de servir l’État ne devrait jamais aller à l’encontre de mes convictions, mes valeurs et mon droit d’exprimer une position dissidente. J’ai donc fait un choix difficile : celui d’exprimer une conviction profonde liée à mes principes au lieu de rester confiné dans ma posture de cadre muet dans le débat public. C’est une tare familiale pour les Vincent qui ont produit des serviteurs d’État jusqu’au poste de président de la République.
L’Haïti moderne dont nous rêvons tous sera celle où un serviteur de l’État pourra, sans risque de se faire attaquer, exprimer publiquement ses convictions profondes et ses réserves sur la gouvernance de ce même État : le nôtre ! Mais pour cela, il faudra des hommes et des femmes de dimension capables d’accepter le fait que servir l’État ne devrait jamais être synonyme d’une soumission aveugle. Je serai toujours fidèle à mes valeurs mais jamais à un leader qui les trahit.
Stéphane VINCENT