Nous avons tiré plusieurs leçons qui pourraient être utiles à ceux qui veulent aider Haïti aujourd’hui.
Tout d’abord, le fait que des étrangers soient impliqués ne rend pas un accord moins valable. Comme les clans somaliens avant l’intervention de Kouyaté, les Haïtiens tentent seuls de forger un accord de gouvernement depuis deux ans. Ils ont bénéficié d’une tiède médiation extérieure, mais pas au niveau requis. À quel moment la “solution haïtienne” a-t-elle fait son temps ?
Deuxièmement, la formule pour parvenir à un accord n’est pas établie, mais pour y parvenir, il faudra un médiateur ou une équipe de médiateurs très compétents et dévoués, qui resteront dans le processus jusqu’à ce qu’il soit conclu – et même plus. Kouyate est resté en Somalie pendant une année entière après la signature de l’accord.
Troisièmement, il s’agit également de réunir le bon éventail d’acteurs locaux capables de conclure et d’appliquer un accord. Il peut s’agir de 1 700 personnes, comme lors de la première Loya Jirga afghane, ou de trois ou quatre personnes seulement, comme dans les Balkans ou dans le processus du quartet tunisien. Pour Haïti, ce nombre se situerait très probablement entre 60 et 80.
Quatrièmement, le processus ne peut pas être simplement illimité. Kouyate a imposé un calendrier raisonnable et a été clair lorsqu’il n’y avait rien à gagner à poursuivre les pourparlers, puisque l’intransigeance et l’égoïsme étaient en cause. La crise haïtienne ne peut être résolue en un seul week-end, mais si le processus exige plus de deux semaines de discussions, la formule est probablement erronée. Haïti n’a ni tribus, ni clans, ni religions opposées. Le pays compte de nombreux acteurs clés dont l’ambition est démesurée, et cette ambition ne peut être freinée que par un doux exercice de persuasion extérieure.
Cinquièmement, une force quelconque, généralement extérieure, est nécessaire pour faire respecter un accord ou au moins assurer une sécurité de base. Une force de maintien de la paix des Nations unies a maintenu la paix en Somalie, comme elle l’a fait à plusieurs reprises en Haïti. À l’heure actuelle, la situation en Haïti est beaucoup plus compliquée, car l’accord nécessaire est un accord de gouvernement général entre des parties qui ne se battent pas, dans un pays envahi par des gangs qui se battent. Une modeste force de sécurité extérieure sera probablement nécessaire pour maintenir les gangs tranquilles pendant que le processus politique progresse et que les institutions gouvernementales se remettent en place.
Source https://www.usip.org/publications/2023/06/there-path-forward-haiti-its-not-one-we-are