Si l’on définit classiquement la démocratie comme la recherche des solutions négociées, non violentes aux conflits on voit alors clairement que l’idée d’une communauté politique, unifiée par sa culture et ses croyances, en est le direct opposé. Max Weber reconnaît comme inséparable du développement des démocraties l’existence d’un monde définitivement divisé. Donc, Le fait du pluralisme est son fondement, puisque dans toute démocratie, c’est l’antagonisme des attentes qui prévaut. Elle est manifestée par la liberté des individus de choisir leur système de valeurs, leur religion, leur groupement politique sans que cela affecte le fonctionnement normal de la société.
La liberté de la presse dans un contexte démocratique est un rempart contre toute velléité dictatoriale et les abus du pouvoir d’autant que les pratiques duvaliéristes ne sont pas encore liquidées et semblent avoir la vie dure dans une communauté qui a vécu quasiment toute son existence sous des régimes autoritaires et néo-autoritaires. Nous en débarasser definitivement s’avère d’importance dans cette tentative d’une construction théorique de la transition démocratique. Hérold Jean-François, journaliste senior, nous dit que ce n’est que lorsque les journalistes sont libres de surveiller, d’enquêter et de critiquer les politiques et les actions qu’une bonne gouvernance peut exister. Ceci nous amène à poser cette question: Peut-il exister une démocratie véritablement en Haïti sans la presse?
Communiquer ses opinions, ses pensées librement n’était pas chose aisée en Haiti pendant longtemps. La liberté de la presse qui est étroitement liée avec la liberté d’expression et d’opinion, consacrée par la Déclaration universelle des Droits de l’Homme en son article 19, a été acquise en Haïti au prix de multiples sacrifices consentis par des journalistes militants qui exposaient au danger.
Avant le 7 février 1986, date charnière de ce que l’on appelle la reconquête de la liberté d’expression en Haïti, ceux qui s’avisaient de critiquer le chef couraient le risque de se faire tuer ou emprisonner par les sbires des régimes politiques qui se sont succédé. La liberté de la presse se heurtait aux reflexes et aux pratiques d’intolérance de ces régimes autoritaires. Par contre, ceux qui pratiquaient la basse flagornerie étaient protégés.
Or, la liberté d’expression et la liberté de la presse restent des traits essentiels de la démocratie. Cette conquête démocratique doit se perpétuer par un renforcement de la presse à travers des formations continues organisées par l’État de concert avec l’Université. La liberté d’expression est, en effet, un combat quotidien et permanent.
Tout citoyen doit pouvoir exprimer son désenchantement à l’égard de l’État et des institutions privées, émettre son point de vue dans les limites de la loi, sans crainte des représailles politiques. En effet, l’information constitue l’un des piliers de la démocratie, sans laquelle le citoyen serait la proie facile des gouvernants sans scrupules. La démocratie est un régime optimiste et exigeant qui, pour être en bonne santé, doit miser sur la capacité d’information et d’éducation de chacun de ses membres, puisqu’elle se veut l’expression de la volonté du peuple.
En 1804, Haïti est devenue la première république noire indépendante au monde issue d’une révolution d’esclaves. Deux cents ans plus tard, miné par le colonialisme et la violence, le pays a été placé sous occupation militaire onusienne dans ce qui prend la forme d’une toute nouvelle dictature: celle de la communauté internationale.
La presse haïtienne a failli au même degré que ce système de gouvernance en putréfaction. Comment défendre la liberté de la presse dans une démocratie moribonde où la pensée critique, la créativité intellectuelle et l’intelligence émotionnelle sont toutes sujets d’une dictature d’opinions archaïques de scélérats?
Construire un système de pensées objectives et équilibrées pour ce peuple tant naïf et encore misérablement exploité ne saurait accoucher cette démocratie de chaos où l’exaltation de l’incompétence et le culte de l’ignorance sont couronnés même au plus haut niveau de la magistrature suprême.
Dans cette pagaille de bas étages où des leaders d’opinions seniors se trouvent coincés, recalibrés et mis à nus par les médias en ligne et surtout par des internautes avisés des réseaux sociaux, le masque intellectuel creux de plus d’un, considérés comme modèles de rédacteurs ou d’éditorialistes, est tombé et le mythe entourant les palabres sans fondement académique vendus en vacarmes amplifiés de la radio, est tout simplement mis en déroute.
La presse traditionnelle et le système politique Haitien se baisent indécemment et hypocritement pour des dividendes trompeuses de visibilité exigeant des pratiques souillées de corruption dont le seul but est de satisfaire une clientèle politique spécifique et conserver une notoriété malicieuse sur l’opinion publique haitien.
La tyrannisation et la « tyrannosaurisation » de l’opinion ne peuvent être en aucun cas des armes défensives et offensives entre les mains de ces soit disant « pionniers de la démocratie haitienne ». Le débat publique aujourd’hui est ouvert à tout esprit embelli et innové grâce à l’accès rapide et précis aux informations sur internet.
L’évangile de lutte pour la démocratie et la liberté de la presse ne tient plus car cet Haiti en déliquescence morale, construit autour de toutes espèces d’énergumènes médiatiques est typiquement le produit tout craché de cette presse locale qui se prostitue en nature, faite d’invertébrés notoires et en espèce, récompensée par de juteux contrats à mille détours.
Il n’y a pas de démocratie sans une presse libre.
De même, on aurait pas cet Haiti démocratiquement agonisant sans cette presse d’imposture aux standards intéressés dont la culture d’opposition systématiquement avérée de certains et l’aliénation servile de beaucoup d’autres fragilisent le système de pensées d’un peuple peu éduqué. Le fanatisme et le culte de personnalité deviennent alors normes. Aussi, serait-il pas mieux que la presse haitienne se divise authentiquement en organes de lobby idéologique comme cela est fait au niveau des grands médias américains? Dès lors, l’opinion publique serait avisé suivant ses propres affinités politiques.
Une trivialité écœurante, une bassesse déshumanisante et un manque de professionnalisme criant dans ce secteur, considéré comme le quatrième pouvoir, sont malheureusement les caractéristiques minables de beaucoup de salariés de la presse haitienne d’aujourd’hui.
Absence d’éducation civique, le culte du buzzing, l’intoxication délibérée, manipulation destructive de l’opinion publique, les tactiques et manœuvres de cette presse pourrie sont multiples pour retenir la pensée Haitienne captive dans une ignorance endoctrinée et un sentimentalisme lassant.
Tout ce triste tableau décrit l’état d’une presse chaotique à l’image du pays où le principal outil de la démocratisation haitienne est piteusement mise en déroute par les lumières des réseaux sociaux.
Alors, qu’en serait-il sans l’avènement salvateur et innovant des réseaux sociaux?