PROPOSITION DE RÉSOLUTION DE LA CRISE
PRÉSENTÉES PAR DES PARTIS INSCRITS DANS LA DÉMARCHE MACHE KONTRE APRÈS DISCUSSIONS AVEC DES PERSONNALITÉS DIVERSES
NOTE EXPLICATIVE DE LA DÉMARCHE MACHE KONTRE
Depuis plusieurs mois, les partis politiques inscrits dans la démarche MACHE KONTRE (FUSION, MOCHRENHA, OPL, VÉRITÉ, VEYE YO) ont élaboré un document intitulé « Propositions pour une sortie inclusive de la crise ». Au lieu de rendre public ses propositions et de demander aux autres secteurs de la vie nationale, concernés par la dégradation de la situation sociale, économique et politique, d’y adhérer ou de les appuyer, Mache Kontre a choisi de préférence une démarche inclusive. Ceci signifie d’aller à la rencontre des partis politiques et des groupes organisés de la société civile pour tenter de trouver ensemble la formule susceptible de rencontrer l’approbation d’une masse critique de compatriotes. Le document a été partagé et discuté avec beaucoup de secteurs et de personnalités.
Créer unilatéralement une commission et coopter des personnalités au demeurant respectables pour en faire partie, sans concertation préalable avec l’ensemble des acteurs clés de la vie nationale, ne saurait permettre de réaliser le consensus indispensable pour réaliser le changement de système et la rupture avec les mauvaises pratiques que tout le monde réclame. De même se poser unilatéralement en médiateur ou facilitateur capable de consulter tous les secteurs et de proposer la bonne solution pour le sauvetage national, se heurtera à la même difficulté.
Toute démarche qui vise ouvertement ou de manière subtile à donner le contrôle de la transition à un secteur ou à un groupe de secteurs à l’exclusion des autres, est vouée à l’échec et ne permettra pas de bâtir ensemble le projet national de transformation de notre société, de notre façon d’aborder la chose politique, de notre économie et de la vie de tous nos compatriotes. L’ampleur, la complexité et la difficulté de la tâche qui nous attend exige de tous et de chacun de l’abnégation et une réelle capacité de dépassement. Notre société est divisée et traversée par trop de contradictions pour qu’un groupe aussi important soit-il puisse prétendre résoudre seul nos problèmes. Celles et ceux qui veulent mettre un terme au régime PHTK et préparer l’après Jovenel Moïse, doivent surmonter les divisions, les clivages et les haines, accepter de se remettre en question et de s’asseoir ensemble sans idées préconçues.
Dans la mesure où tous les secteurs ont le même objectif et sont déjà d’accord sur beaucoup de questions importantes, le travail peut se faire relativement rapide si tout le monde y met de la bonne volonté et si personne ne cherche à être hégémonique. En effet tous les secteurs réclament la démission du président de la république et des parlementaires. Tous veulent lutter contre la corruption et réaliser le procès des dilapidateurs des ressources du fonds Pétrocaribe en particulier et des deniers publics en général. Tous veulent le jugement des auteurs des massacres de Lasaline, de Carrefour Feuille et des autres manifestants victimes de la répression. Tous veulent la conférence nationale. Tous veulent des modifications substantielles dans la constitution Tous veulent la rupture et un changement de système. Le point de discorde se situe uniquement sur les questions de savoir qui va avoir le contrôle de la transition, qui a la légitimité et l’autorité pour choisir un président provisoire, qui va désigner le Premier ministre et les membres du gouvernement, qui va définir la feuille de route de l’équipe gouvernementale, qui va assurer le suivi de l’action gouvernementale et contrôler le respect de la feuille de route.
Dans les circonstances actuelles, toute démarche inclusive ne peut se limiter à de simples consultations, et ne saurait laisser la décision et le choix final à un groupe autoproclamé. Le succès doit passer par une véritable concertation entre les partis politiques, les groupes organisés et représentatifs de la société civile et du secteur privé. Toute solution durable ne peut venir de méthodologie ni de solution imposée. Elle passe obligatoirement par ce chita pale franc et ouvert sur toutes les questions et la construction d’un consensus suffisant sur le projet commun et sur les équipes qui auront à le mettre en oeuvre.
Les partis politiques inscrits dans la démarche MACHE KONTRE (FUSION, MOCHRENHA, OPL, VÉRITÉ, VEYE YO), lancent un appel aux auteurs et promoteurs des différentes initiatives à une rencontre en urgence, pour éviter de créer ou d’élargir un fossé entre les femmes et les hommes de bonne volonté.
Les propositions élaborées par Mache Kontre, sont le produit d’une réflexion partagée des partis politiques et de diverses personnalités. Elles constituent un document de travail et une contribution à la recherche d’une résolution de la crise. Elles peuvent faire l’objet de discussions, de débats et d’amélioration
STRUCTURES ET MÉCANISMES DE REMPLACEMENT DES POUVOIRS DÉFAILLANTS
Compte tenu du fait que les deux branches de l’Exécutif, les deux branches du Législatif et le Judiciaire n’inspirent plus confiance aux citoyennes et aux citoyens, il importe, pour ne laisser aucun vide au sommet de l’État, de trouver un consensus entre tous les acteurs clés de la vie nationale en vue procéder rapidement à leur remplacement.
Il s’agit de mettre en place immédiatement un Conseil National de Transition qui aura pour mission après le départ du président :
a. De choisir selon les modalités décrites ci-après, un Président de la République et un Premier Ministre,
b. De valider le choix des membres du gouvernement de transition,
c. D’assurer le suivi et le contrôle de l’action des membres du gouvernement en veillant au respect par ces derniers de la feuille de route faisant partie intégrante de ces propositions.
d. De désigner les membres de l’équipe chargée d’organiser le Dialogue National.
MÉCANISME DE CHOIX ET MISSIONS DES MEMBRES DU CONSEIL DE TRANSITION
1. Il s’agit d’un organe inclusif regroupant des représentants d’organisations politiques et de divers secteurs clés de la société civile.
2. Le conseil est composé de membres représentatifs des secteurs majeurs de la vie nationale. Ils sont présentés par les organisations politiques et les secteurs clés de la société civile et le secteur privé des affaires.
3. Les organisations composant le conseil de transition veilleront à désigner des personnalités honorablement connues et au-dessus de tout soupçon, ayant du caractère et capable de résister aux influences extérieures.
4. Elles auront le souci de désigner autant de femmes que possible de manière à ce que le conseil de transition compte en son sein au moins un tiers de femmes.
5. Les membres du conseil de transition occuperont cette fonction pendant toute la durée de la transition jusqu’à l’élection des nouvelles personnalités appelées à diriger le pays.
6. Il est entendu que les membres du conseil de transition ne pourront pas être choisi.es comme président de la république, premier ministre ni comme membre du gouvernement de transition.
7. Ils ne pourront pas non plus se porter candidats aux élections qui seront organisées à la fin de la transition.
8. La fonction de membre du conseil de transition n’est pas salariée, chaque membre recevra un montant forfaitaire décent lui permettant de couvrir les frais occasionnés par les services qu’il aura à rendre bénévolement à la nation.
9. Une fois le gouvernement mis en place, il veillera à fournir au conseil de transition des locaux appropriés, un secrétariat, des moyens logistiques et des ressources financières pour fonctionner de manière indépendante, optimale et efficace.
10. Les membres du conseil de transition éliront parmi eux un(e) président(e), un(e) vice-président(e), deux secrétaires-rapporteurs (es)
11. Ils établiront eux-mêmes leurs règlements intérieurs et prendront leur décision à la majorité absolue des membres.
12. .
CHOIX DU PRÉSIDENT PROVISOIRE DE LA RÉPUBLIQUE
1- Dès sa première réunion le Conseil devra entamer les démarches en vue de choisir un Président de la République. Pour ce faire, il procèdera de la manière suivante :
2- Il demandera aux partis politiques représentés au sein du Conseil de transition de s’entendre pour présenter deux (2) candidats et aux divers secteurs représentant la société civile d’en proposer un (1) pour occuper le poste de président de la république pour, la durée de la transition.
3- Chaque candidature sera présentée formellement par chaque secteur avec un curriculum vitae, une lettre de motivation et un engagement de l’intéressé à travailler en étroite collaboration avec le premier ministre qui sera chargé avec son gouvernement de conduire la politique de la nation pendant la transition et de mettre en oeuvre les exigences de la feuille de route.
4- Le président de la République restera en fonction jusqu’à la fin de la période de transition qui ne pourra en aucun cas aller au-delà du 7 février 2022, pour la passation du pouvoir à un président élu.
5- Les secteurs concernés veilleront à soumettre comme candidats des personnalités honorablement connues et au-dessus de tout soupçon, ayant du caractère et capable de résister aux influences extérieures.
6- Les secteurs qui ont proposé une candidature n’auront pas la possibilité de faire campagne ou une promotion particulière de leur candidat.
7- Les membres du Conseil établiront la procédure appropriée pour parvenir à la majorité absolue pour le choix du président de la république qui pourra se faire à huis clos.
8- Une fois sélectionnée la personnalité choisie sera appelée à prêter serment immédiatement par devant la Cour de Cassation, de manière à éviter toute solution de continuité à la tête de l’état.
9- Les secteurs disposeront de vingt-quatre (24) heures pour soumettre les candidatures. Le scrutin aura lieu le lendemain de la réception des candidatures.
CHOIX DU PREMIER MINISTRE OU DE LA PREMIÈRE MINISTRE
1- Pour le choix du ou de la Premier.ère ministre le conseil de transition procèdera de la manière suivante :
2- Dès sa première réunion il demandera uniquement aux représentants des partis politiques faisant partie du conseil de transition de s’entendre pour proposer trois (3) candidats.
3- Les partis politiques veilleront à soumettre comme candidats des personnalités (femmes ou hommes) honorablement connues et au-dessus de tout soupçon, ayant du caractère et capable de résister aux influences extérieures.
4- La candidature devra être déposée dans les vingt-quatre (24) heures suivant la prestation de serment du président de la république.
5- Le conseil de transition aura quarante-huit (48) heures pour effectuer son choix, mener des enquêtes et interviewer les candidats s’il le juge nécessaire.
6- Il est entendu que dans les deux (2) cas les membres du conseil de transition feront de leur mieux pour que les choix effectués pour ces personnes clés de la gouvernance reçoivent un soutien aussi large que possible, car la mission qui les attend est délicate, complexe et aura besoin de l’appui du plus grand nombre.
7- Le premier ministre aura pour mission de constituer son équipe gouvernementale dans un souci d’équilibre, d’efficacité et d’inclusion de différents secteurs.
8- Il s’engagera à exécuter scrupuleusement la feuille de route faisant partie de cette proposition.
9- Il restera en fonction jusqu’à l’arrivée du nouveau gouvernement choisi selon les dispositions de la constitution.
CHOIX DES MEMBRES DU GOUVERNEMENT
1- Une fois le Premier ministre confirmé, celui-ci prend toutes les dispositions pour constituer son gouvernement en concertation avec le président de la république et le conseil de transition.
2- Il s’agira d’un gouvernement resserré comptant au maximum quinze (15) ministres dont au moins six (6) devront être des femmes.
3- Les personnalités proposées doivent être honorablement connues et au-dessus de tout soupçon, ayant du caractère et capable de résister aux influences extérieures.
4- Elles devront toutes s’engager à travailler en équipe et à accepter le leadership du chef du gouvernement pour la mise en oeuvre des exigences de la feuille de route.
5- Les ministres proposés par les groupements politiques devront s’engager à ne pas faire de leur ministère une chasse gardée pour leur parti.
6- Tous les ministres devront prendre formellement l’engagement de lutter contre la corruption, la contrebande, la gabegie administrative et le népotisme.
FEUILLE DE ROUTE DU GOUVERNEMENT DE TRANSITION
Le nouveau gouvernement aura pour missions principales de :
A- Au niveau Politique :
1- Restaurer l’autorité de l’État et créer un climat sécuritaire pour ramener la paix et la confiance de la population en menant des actions efficaces contre les gangs armés, les trafiquants de drogue et la détention illégales d’armes à feu ;
2- Assurer toutes les missions régaliennes de l’Etat et tout mettre en oeuvre pour son fonctionnement normal ;
3- Créer les conditions pour la réalisation d’un procès Pétrocaribe juste et équitable dans un délai raisonnable, en vue de faire condamner les coupables et surtout de récupérer les sommes détournées, en sollicitant pour accompagner le juge chargé du dossier, une assistance technique de l’Organisation des États Américains (OEA) ou de l’Organisation des Nations Unies (ONU) dont Haïti a signé et ratifié les conventions de lutte contre la corruption et l’impunité ;
4- Organiser le procès des auteurs du massacre de Lasaline de Carrefour Feuilles et des exécutions sommaires de manifestants
5- Fournir au Comité de pilotage du Dialogue National les ressources matérielles, logistiques et budgétaires nécessaires pour entamer sans délai le processus.
6- OEuvrer au renforcement de notre système judiciaire en vue de garantir le respect des droits de la personne, celui de la propriété privée et la sécurité juridique pour tous les investisseurs
7- Réduire le train de vie de l’État et allouer les ressources ainsi dégagées à des programmes sociaux ;
8- Engager les réformes nécessaires pour assainir la gestion des organismes autonomes à caractère financier et les organismes de sécurité sociale et lancer des audits de chacun d’eux ;
9- Revoir le système électoral en vue de diminuer les coûts de l’organisation des élections, de garantir la transparence des scrutins et l’obtention de résultats incontestables ;
10- Créer les conditions pour la tenue à la fin de la transition des élections qui devront être libres, honnêtes et démocratiques ;
11- Revoir la loi sur les partis politiques et leur financement public de manière à limiter leur prolifération inconsidérée ;
Former une commission vérité sur les crimes économiques et financiers de 1986 à nos jours et engager des poursuites judiciaires contre les coupables éventuels ;
B- Au niveau économique :
1- Combattre la corruption, la contrebande, la fraude fiscale et l’impunité sous toutes leurs formes en vue de trouver des ressources supplémentaires pour le financement de l’action gouvernementale ;
2- Entreprendre les réformes économiques et fiscales nécessaires pour fournir à l’Etat des ressources suffisantes pour le financement des projets au bénéfice de la population ;
3- Initier des réformes structurelles en vue de rétablir un climat susceptible d’attirer des investissements étrangers massifs et de créer des emplois durables et bien rémunérés ;
4- Assainir les finances publiques pour en finir avec les gaspillages des deniers publics et les privilèges indus ;
5- Relancer la production agricole avec pour objectif d’atteindre l’autosuffisance alimentaire à moyen terme en consacrant des investissements publics substantiels aux zones rurales ;
6- Favoriser l’accès au crédit à des taux bonifiés pour les jeunes entrepreneurs, les femmes et les agriculteurs ;
7- Instaurer une gestion budgétaire rigoureuse en vue de maitriser les déficits publics et d’en faire un usage intelligent pour limiter la pression sur la parité de la monnaie nationale par rapport aux devises étrangères ;
8- Restaurer la confiance des bailleurs de fonds multilatéraux, bilatéraux et privés en vue d’avoir de nouveau accès aux sources de financements indispensables pour reconstruire notre économie et répondre aux attentes et aux revendications légitimes de la population ;
C- Au niveau social :
1- Soulager par des mesures concrètes et immédiates les conditions de vie des masses défavorisées des zones urbaines et rurales et exécuter des programmes sociaux au bénéfice de couches sociales les plus vulnérables de la population ;
2- Initier des réformes politiques, économiques et constitutionnelles ;
3- Respecter les engagements internationaux de l’Etat Haïtien ;
4- Ouvrir des enquêtes sérieuses sur les exécutions extrajudiciaires et sur les crimes restés impunis ;
5- Rendre les soins de santé de base accessibles au plus grand nombre à des coûts abordables ;
6- Revaloriser le traitement des fonctionnaires de l’état ;
7- Accorder une attention particulière aux conditions matérielles d’existence des enseignants tant du secteur public que du secteur privé ;
8- Négocier avec le secteur privé l’augmentation et le maintien du pouvoir d’achat des travailleurs ;
DIALOGUE NATIONAL
1. L’un des moments forts de la Transition sera la tenue des grandes assises nationales. Ce chita tande nasyonal que tous les acteurs appellent de leurs voeux devra être le lieu et l’occasion pour tous et pour chacun de mettre sur la table leurs revendications, leur vision et leurs projets pour la nouvelle Haïti que nous voulons et dont nous rêvons.
2. Dialogue national, Conférence nationale, Etats généraux de la nation, l’appellation importe peu.
3. Beaucoup de travaux ont été réalisés à l’occasion des états généraux sectoriels. Il faudra capitaliser sur les diagnostics posés et les synthèses produites jusqu’ici pour déterminer les points sur lesquels devra porter le dialogue inter haïtien.
4. Immédiatement après la mise en place du gouvernement, le conseil de transition se réunira pour désigner les membres de l’équipe chargée d’organiser le Dialogue National. Il devra dans le même temps définir un cahier des charges et fixer un délai raisonnable pour la réalisation pour la réalisation dudit dialogue.
5. Il est entendu que le Dialogue National devra être inclusif. Tous les secteurs de la vie nationale à travers l’ensemble du territoire devront avoir l’opportunité de se prononcer et de faire entendre leur voix.
6. Toutes les questions concernant la redéfinition du système de gouvernance et la rupture dont tout le monde parle devront être débattues en profondeur de façon à aboutir à l’élaboration d’un projet national en vue de la transformation de la société haïtienne, projet qui fera partie intégrante d’un pacte républicain qui s’imposera à tous.
7. Il sera demandé à l’équipe de pilotage du Dialogue National de débattre en priorité des modifications à apporter à la Constitution de manière à confier la mise en forme des changements souhaités à un groupe d’experts en vue d’obtenir une version techniquement bien rédigée susceptible d’être présentée à la population pour son approbation par référendum ;