L’accès à l’éduction est l’une des priorités de l’Etat d’un pays et doit être garanti pour tous ses citoyens. Ici en Haïti parlant d’éducation, c’est un secteur qui est principalement scindé en deux ; si on met de côté les différents embranchements qui peuvent être retrouvés dans les deux principales catégories. On parlera
ainsi d’écoles publiques et d’écoles privées. Les premières, sous l’obédience de l’Etat haïtien n’aurait dû rien avoir à envier aux secondes, ce qui n’est pas le cas.
Si ailleurs, en terre étrangère un parent dont l’enfant fréquente un établissement public peut avoir le cœur net, ici en Haïti, les parents font choix des écoles publiques, faute de pouvoir se payer mieux. « Mes enfants avaient débuté leur scolarité à une école publique, pour ensuite rentrer à une école privée. Ce n’est
qu’une question de choix du côté des parents, sachant que les deux écoles suivent le même programme
académique » explique Marline Lizaud, une mère vivant en France avec ses deux enfants. Un discours qui sera tout autre pour un parent vivant en Haïti « 1Si m te gen kòb, m pa t ap janm chwazi mete pitit
mwen nan lise » rapporte Jeannette dont ses quatre garçons ont tous fréquenté un lycée pour leurs études secondaires. En effet, opter pour une école nationale, ou un lycée, est le plus souvent une alternative pour les gens de petite bourse, ne pouvant pas se permettre les frais de scolarité des écoles privées, qui coutent les yeux de la tête.
Les lycéens, délaissés même par leurs enseignants
Plus d’un parle des postes occupés dans une institution publique comme d’un privilège dû. On entendra souvent « E nan leta wi entèl ap travay» ; pour faire subtilement référence aux nombreuses
complaisances qui vont avec. Il en aurait dû être de même pour les lycéens, tenant compte du fait qu’ils fréquentent un établissement public, ou disons mieux « d’Etat ». En vrai, ces établissements ne sont d’Etat que de nom. Avec un piètre niveau d’éducation, des infrastructures à dormir debout, des professeurs peu qualifiés, et qui, quand ils le sont, préfèrent prêter leur service à des écoles privées, les
lycées sont condamnés d’avance. Il est assez courant que des professeurs détiennent plusieurs chaires ; quelques-unes dans les « grandes écoles » et d’autres dans les lycées. Ces derniers sont très souvent traitées en parent pauvre, car les enseignants ne reçoivent d’eux qu’une pitance, et qui parfois peine à venir. Ce qui amène aussi les lycéens à assister à beaucoup plus de grèves qu’aux cours indiqués dans leurs horaires. « M konn fè on semèn m pa al fè kou nan lise a ; leta p ap peye. M ka fè dèt sou lajan lekòl prive yo ap ban m nan, m pa ka fè sa pou lise yo. Leta konn ap dwe m nenpòt 6 mwa » épilogue un enseignant qui a préféré rester sous couvert d’anonymat. Si les lycéens doivent parfois sortir l’artillerie lourde rien que pour avoir une place en salle de classe, cette bataille se révèle maintes fois vaine, sans titulaires pour les enseigner. En effet, dans un lycée de la place, les lycéens sont parfois obligés de rentrer chez eux avec des blocs, -ceux-là même qui leur ont servi de siège durant la période de cours- pour les ramener en classe le lendemain.
Comme ça, ils sont sûrs de s’asseoir pour suivre les cours, quand il y en a. Une pratique qui est sans conteste commune à plusieurs lycées. Sans oublier la promiscuité entre les élèves, qui, assez souvent doivent suivre les cours sous un soleil de plomb, à cause d’une bâtisse bancale.
Ecoles publiques, lycées : de prétendus investissements étatiques
La logique voudrait que l’Etat gratifie aux lycéens l’accès à l’éducation à un prix dérisoire, et qu’en retour, à la fin de leurs études secondaires, ces derniers se mettent au service de l’Etat. Mais comment demander à ces élèves baisés par le système éducatif de servir un Etat qui n’en a eu cure d’eux ? Comment oser en demander autant à des gens qui en ont reçu si peu ? Des lycéens on, dira qu’ils sont des matheux, « yo se timoun fò», mais ce sont des appellations qu’ils ont
acquises, très souvent au prix d’efforts personnels. Deux personnes sur 10, d’anciens lycéens, regrettent ce choix de leur parent de les avoir inscrits à un lycée. « Si m te gen pou m chwazi mete tèt mwen lekòl, m pa t ap janm chwazi lise » confient la plupart de ceux interrogés dans le cadre de ce travail. « Pou mwen, pa gen okenn fyète pou di w se elèv lise » a rajouté l’un d’eux. Ce qui n’est pas différent pour les parents. « Lise a te pèmèt mwen jere lòt bagay nan kay la, epi pran swen lòt timoun yo. Men m konnen se pa t pi bon chwa m te ka fè pou timoun yo » révèle Marlène, mère célibataire de trois enfants, dont les trois ont fréquenté le lycée.
Quel est l’avis du ministère de l’Education Nationale sur la question ?
Contacté dans le cadre de ce travail pour répondre à certaines questions, le Ministre de l’Education Nationale, le sieur Josué Agenor Cadet a été malheureusement injoignable ?
Le problème des écoles publiques, notamment les lycées est à considérer en amont. Allouer une partie considérable du budget national à l’éducation, mettre l’emphase sur la question salariale des enseignants, mais aussi et surtout veiller à ce que les cours soient dispensés dans de bonnes conditions (bonne répartition des élèves dans chaque classe, des matériels7 didactiques adéquats…).
Combien de nos lycéens peuvent clamer haut et fort qu’ils doivent leur réussite à leur passage dans un lycée ? D’ailleurs, que sont devenus les lycéens haïtiens ? Ont-ils été promus à un brillant avenir, ou ont ontinué à être livrés à eux-mêmes sans aucun sain auquel se vouer ?
Les Lycéens: les pseudo-privilégiés du système éducatif haïtien
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