Des décennies d’inaction du gouvernement, de frustration grandissante et de diminution du seuil de tolérance des citoyens laissent peu de place à l’erreur.La majorité des Haïtiens est en pratique quasiment exclue du système politique, et il est de plus en plus difficile pour n’importe quelle administration de gouverner efficacement. Le calendrier électoral prévu par la Constitution n’est jamais respecté, les mandats des élus prennent donc fin sans que leur succession soit assurée, entrainant l’instabilité institutionnelle. Les élections sont ni plus ni moins qu’une lutte entre des élites politiques et économiques avec une myriade de partis peu représentatifs qui peinent à mobiliser l’électorat et divisent le parlement. Depuis 2006, la participation électorale ne cesse de chuter, à l’image de la confiance de l’opinion publique.
Bien qu’il bénéficie du soutien des États-Unis et d’autres puissances occidentales, son autorité a été remise en question par des militants de la société civile haïtienne, notamment ceux qui ont rejeté la pression internationale exercée au début de l’année pour que des élections soient rapidement organisées en Haïti.
Monique Clesca, écrivain, militante et ancienne fonctionnaire des Nations unies, a déclaré en septembre à l’agence de presse Associated Press que M. Henry n’avait “aucune légitimité ni crédibilité”. “Nous avons voulu une solution haïtienne”, a-t-elle déclaré. “Il est temps que la communauté internationale nous dise : ‘Nous écoutons’, plutôt que de nous enfoncer dans la gorge quelqu’un qu’elle a mis là”.
Henry a promis d’organiser un vote en 2022, mais aucune nouvelle date d’élection n’a été fixée au milieu de la violence des gangs, de la pandémie de COVID-19 et d’autres crises, notamment un tremblement de terre de magnitude 7,2 qui a frappé l’île en août, faisant plus de 300 morts.
En septembre, M. Henry a révoqué les membres du Conseil électoral provisoire (CEP) par un décret présidentiel, ce qui a encore compliqué les perspectives de tenue des élections. Son mandat doit prendre fin le 7 février – ce qui aurait été le dernier jour de Moise au pouvoir.
Aujourd’hui, l’approche de la date limite du 7 février alimente les craintes de troubles et de flambées de violence, qui pourraient pousser davantage de personnes à fuir le pays.
Depuis le 19 septembre, plus de 17 000 Haïtiens ont été expulsés de pays d’Amérique latine et des Caraïbes, selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), qui vient en aide aux migrants.
Les États-Unis ont expulsé la grande majorité des Haïtiens arrivant à leurs frontières – plus de 12 000 personnes, dont des enfants – en vertu d’une règle restrictive relative à la pandémie de COVID-19, et les Haïtiens languissent maintenant au Mexique et dans d’autres pays de la région.
M. Concannon a déclaré qu’il appartiendra en fin de compte à la société civile haïtienne et aux membres des partis politiques “de créer les conditions qui permettront de mettre en place un gouvernement légitime et démocratiquement élu dans les meilleurs délais”.
“Dans les prochains mois, à court terme, les choses vont empirer, il n’y a aucun moyen de l’empêcher”, a-t-il dit. “Il y a un espoir à moyen terme que la solution haïtienne puisse progresser, mais ce succès dépend en grande partie du retrait des Etats-Unis.
Les défis auxquels Haïti est confrontée ne sont pas difficiles à percevoir. Il s’agit principalement de l’exigence d’une bonne gouvernance, de la construction d’un consensus parmi les élites, de la mise en place effective de stratégies de réduction de la pauvreté et du renforcement de l’Etat de droit. Malheureusement, ces défis n’ont jamais été abordés efficacement. Aujourd’hui, il est difficile d’être optimiste pour Haïti. Pour chaque pas en avant sur une de ces questions, plusieurs pas en arrière se sont produits – ou, au mieux, le statuquo a prévalu. Le changement provient néanmoins des bailleurs, qui, las, commencent à exiger que l’impasse prenne fin. Si Haïti souhaite s’en sortir, ses dirigeants doivent montrer, rapidement, le meilleur d’eux-mêmes. C’est un vœu pieux sur lequel le pays s’appuie, mais c’est sûrement tout ce qu’il lui reste. Sans un pacte national, le pm Ariel henry risque malheureusement de signer l’échec de son gouvernement et Haïti de subir l’abandon de la communauté internationale.