Haïti, deuxième pays indépendant du continent américain, a compris d’instinct que l’éclosion de nouveaux Etats dans le Nouveau Monde consoliderait son indépendance (1). Aussi le président Alexandre Pétion n’a-t-il pas marchandé son aide à Bolivar. Celui-ci, vaincu une première fois, cherche en vain du secours soit aux Etats-Unis, soit à la Jamaïque. Mais les Etats-Unis et l’Angleterre n’avaient aucune raison d’altérer leurs relations avec l’Espagne en favorisant la rébellion dans ses colonies. Bolivar se rendit alors en Haïti. Le président Pétion mit à sa disposition des armes, des munitions, de l’argent, des soldats, surtout les éléments de cette fameuse demi-brigade polonaise, véritables paladins de la liberté qui, envoyés à Saint-Domingue par Bonaparte pour combattre Toussaint-Louverture, refusèrent de se battre contre des hommes qui luttaient pour leur liberté.
A Bolivar, qui avec insistance lui demandait comment lui manifester sa reconnaissance, Pétion répondit : « En abolissant l’esclavage dans tous les territoires qui tomberont sous votre domination. »
Fidèle à la parole donnée, Bolivar dès son retour au Venezuela libéra immédiatement les mille cinq cents esclaves qu’il avait dans ses domaines. Mais quand il décréta la liberté générale, il provoqua un profond mécontentement dans tout le pays. Les propriétaires d’esclaves étaient lésés. Abandonné de tous, même de ses principaux lieutenants, Bolivar fut battu le 10 juillet 1816 et se réfugia en Haïti. Il y resta six mois. Et une nouvelle fois le président Pétion lui donna des armes, des munitions, de l’argent. Ce sera le triomphe.
Cette aide apportée à la rébellion dans les colonies espagnoles ne mettait pas Haïti en bonne posture vis-à-vis des puissances. Après vingt ans d’existence, elle n’était reconnue officiellement par aucun Etat, et il lui importait d’être reconnue par la France, l’Angleterre, l’Espagne et, à un moindre degré, par les Etats-Unis, dont l’ombre commençait à se profiler sur le continent.
Qu’attendre de l’Angleterre et de l’Espagne, qui certainement redoutaient l’exemple d’Haïti pour leurs colonies toutes proches, la Jamaïque, Cuba et Porto-Rico ? Qu’attendre des Etats-Unis, esclavagistes, qui n’étaient certainement pas enclins à reconnaître un Etat « coloured », pour employer une expression américaine ?
Restait la France, l’ancienne métropole. Et ce fut elle qui donna le signal. La France républicaine avait été la première à proclamer la liberté générale des esclaves. Une France monarchique, celle de Charles X, fut la première à reconnaître le premier Etat noir indépendant du monde.
Les négociations furent longues et difficiles. Le roi de France, chef d’un des puissants Etats du monde, entretenait les relations les plus cordiales avec les Etats-Unis, l’Angleterre et l’Espagne, qui, nous l’avons vu, n’étaient pas enclins à reconnaître l’indépendance d’Haïti.
On devait trouver une formule susceptible de ne déplaire à personne, car il fallait tenir compte en outre de l’opinion publique en France. Alors il fut décidé que par une charte le roi Charles X octroierait l’indépendance à l’ancienne colonie de Saint-Domingue moyennant une indemnité, offerte dès le principe, du reste, par le président Pétion pour dédommager les anciens colons.
L’opposition en Haïti se dressa contre la charte et excita le mécontentement populaire contre ce don, cette charité d’une indépendance si chèrement acquise. Quant à l’indemnité, non seulement elle était trop élevée, mais son principe même était discuté. De nos jours encore la charte de Charles X est matière à controverse et jugée selon les sentiments que l’on éprouve pour le gouvernement du président Boyer qui l’avait acceptée. Cependant l’observateur impartial ne peut qu’approuver le gouvernement haïtien d’avoir accepté la charte. La reconnaissance de l’indépendance d’Haïti par la France était incontestablement un succès pour la diplomatie haïtienne.
Le respect scrupuleux des traités et des pactes, la défense jalouse de l’intégrité de son territoire, une solidarité étroite avec les autres Etats du continent, telles étaient les grandes lignes qui devaient se dessiner de plus en plus nettement de la politique extérieure d’Haïti.
Les proverbes, contes et épopées sont méconnus de la nouvelle génération.Il en est de même que le retour à la terre, le tissage des corbeilles et paniers avec la liane, l’indigénat ( la médecine à la pharmacopée)…”Le christianisme a mystifié nos coutumes et l’Occident semble avoir pris le dessus sur notre identité culturelle” explique un septuagénaire.Il déplore la mort certaine de certains us et coutumes au profit de celles de l’Occident qui, selon lui, pervertissent les mœurs de la jeunesse du continent noir.
Selon l’historien Georges Michel, parler de la relation diplomatique entre Haïti et le Venezuela renvoie automatiquement à mars 1806 lorsque l’empereur Jacques 1er a fait don d’un stock de drapeaux bleu et rouge à Miranda qui luttait alors pour la libération de la grande Colombie, c’est-à-dire, l’actuel Venezuela, La Colombie, l’Équateur et la Bolivie. C’est sur la place de la douane de Jacmel que Miranda décide d’accoler le jaune au drapeau haïtien pour obtenir les couleurs auxquelles on reconnait aujourd’hui le Venezuela.
Après l’emprisonnement de Miranda en Espagne, Simon Bolivar prend le flambeau de la mobilisation visant à chasser les Espagnols de l’Amérique du Sud. Vaincu, il se sauve du continent, rejoint Haïti le 24 décembre 1815 et rencontre le président Alexandre Pétion à Port-au-Prince le 2 janvier 1816.
Dans « Le temps des humiliés », le professeur Bertrand Badie fait de l’humiliation le mode de conduite par excellence de la diplomatie moderne. La politique extérieure d’Haïti est l’expression la plus éloquente de cette pensée du français. Car, depuis un certain temps, nous sommes rabaissés sur le plan international. Notre souveraineté n’est qu’apparence. « Nous appartenons au bataillon des incapables et des inférieurs au niveau international », soutient Hérold Toussaint dans la préface d’un ouvrage de Pierre Raymond Dumas.
Néanmoins, remontant à l’orée de l’histoire diplomatique d’Haïti, nous nous sommes rendus compte que notre diplomatie n’a pas toujours été symbole de déception et d’improductivité. « Malgré les circonstances handicapantes de son avènement au statut d’Etat-nation, notre pays avait souvent brillé dans l’arène diplomatique », phrase de Pierre Raymond Dumas. « Toussaint Louverture, Jean-Jacques Dessalines et Henri Christophe avaient su définir et établir comme prioritaires les intérêts du pays et avaient su les promouvoir dans leurs relations avec les grandes puissances », ajoute-il. Alexandre Pétion de son côté, n’a pas manqué de faire valoir notre capital historique en léguant à la postérité le concept de panaméricanisme.
Haïti considérait toute atteinte à l’intégrité de son territoire comme une menace à son existence. C’est pourquoi quand, en 1891, l’amiral Bancroft Gherardi, de la marine des Etats-Unis, se présenta avec une flotte importante pour obtenir contre cinq millions de dollars la cession de la baie du Môle de Saint-Nicolas, située en face du canal de Panama (ce qui lui donnait une valeur stratégique de premier ordre), le gouvernement haïtien manœuvra pour décourager l’amiral américain, qui s’en alla les mains vides. Puis vint la guerre hispano-américaine, et les Etats-Unis firent de Guantanamo Bay à Cuba ce qu’ils avaient voulu faire du Môle de Saint-Nicolas. Les années passent. La notion de nationalisme s’est profondément transformée, ses tenants ne sont plus les mêmes. L’intégrité territoriale passe au second plan dans les caractéristiques de la souveraineté. Les forces économiques exercent une pression de plus en plus implacable sur la vie et l’existence des peuples. En regardant en arrière, les générations d’aujourd’hui peuvent discuter le geste de leurs pères refusant l’offre de l’amiral américain… Mais c’est avec le sang versé, c’est avec les sacrifices qu’ils se sont imposés que les fils font la grandeur et la pérennité de leur patrie.
https://www.loophaiti.com/content/opinion-diplomatie-haitienne-peut-toujours-en-parler
https://ayibopost.com/entre-haiti-et-le-venezuela-une-longue-histoire-dinterets-et-de-trahisons/
http://www.gabonews.com/fr/actus/art-et-culture/article/gabon-quand-notre-tradition-se-meurt
https://www.monde-diplomatique.fr/1957/05/JEANTY/22153