Faiblesse des institutions “Il faut trouver d’autres moyens de faire face aux défis politiques”- Mathias Hounkpe
Même s’il est souvent salué comme étant une bonne initiative, le dialogue politique montre parfois ses limites. Non prévu par les textes constitutionnels, le dialogue illustre aussi le blocage des institutions .
Cet expert trouve qu’il faut maintenant “trouver d’autres moyens de faire face aux défis politiques auxquels nos jeunes démocraties sont confrontées. C’est pour cela que vous observez des tentatives de dialogue pour régler des problèmes qui, normalement, auraient pu être gérés à travers le fonctionnement normal des institutions”.
Un moyen de gagner du temps
Si le dialogue est facile à mettre en œuvre, il n’est en revanche pas toujours le moyen le plus efficace pour régler les problèmes.
Le pouvoir en place considère souvent ce type de dialogue national comme une manière de gagner du temps en offrant une concertation sous contrôle. C’est l’avis de Maurice Ndione Seck, professeur de sciences politiques à l’université Gaston Berger de Saint-Louis au Sénégal.
“En réalité le dialogue est nécessaire pour le consensus”, précise-t-il avant d’ajouter que “souvent, les acteurs impliqués ne jouent pas franc-jeu, notamment les tenants du pouvoir pour qui c’est un moyen de reprendre du souffle pour perpétrer les pratiques autoritaires”.
Le dialogue, une nécessité pourtant
S’il est difficile de juger de l’efficacité réelle de ces dialogues, ceux-ci demeurent toutefois nécessaires dans les moments de crise, estime pour sa part Kag Sanoussi, président de l’Institut international de gestion des conflits. “Le dialogue est une des solutions car il permet de ne pas rompre les liens entre les protagonistes” explique-t-il.
Dans la foulée du grand dialogue national est la preuve de l’importance de ce genre d’initiative. “Quand on maintient les liens de manière durable, on finit par trouver des pistes de rapprochement”, conclut-il.
Toutefois, le plus difficile reste la mise en œuvre des conclusions. Une phase cruciale mais très souvent négligée par les pouvoirs en place.
La conversation ne fournit aucune solution magique aux problèmes de la démocratie. La démocratie n’a que peu à voir avec l’intimité ou avec la communauté. Elle peut être palpitante, elle peut être ennuyeuse, elle peut provoquer l’anxiété, elle est souvent inconfortable. Je n’apprécie que rarement les discours délibératifs des publics assemblés en assez grand nombre pour prendre des décisions. Je préfère les conversations à deux aux larges rassemblements. Je préfère les séminaires aux larges assemblées. Plus le groupe est grand, plus je veux des règles de conduite, car je parle lentement. C’est l’une des choses que la vision romantique de la conversation ne comprend pas.
Il en est une autre, ajouterai-je en guise de coda. La démocratie requiert parfois le retrait de la conversation, le retrait des sujets publics communs. La démocratie, comme le suggère Stephen Holmes (1995, p. 202-235), peut exiger que la discussion elle-même soit limitée. Aux États-Unis, les risques de désunion et de démembrement de l’État et de la société civile par les passions religieuses conduisirent au premier amendement et à une histoire de deux cent ans d’efforts constitutionnels spécifiques pour maintenir la religion en dehors de la discussion politique. La démocratie peut choisir, en un sens, de bâillonner ses délibérations politiques, en cantonnant certains sujets à la société civile ou à la sphère privée. Les démocraties peuvent même choisir de bâillonner directement le discours politique dans l’intérêt d’une délibération équitable. L’un des exemples les plus familiers, pratiqué à travers les États-Unis, est la prohibition du discours politique à proximité des lieux de vote le jour des élections. Le discours ici est traité comme une action, une forme d’intimidation, ou une source d’avantages inéquitables. Les législateurs à travers le pays ont conclu qu’une douve de silence politique devrait entourer le château du lieu de vote. Lors des derniers pas des électeurs en direction de l’isoloir, les droits collectifs d’expression politique sont sacrifiés aux droits individuels à la délibération personnelle.
Troisièmement, la démocratie peut exiger le retrait de la civilité elle-même. La démocratie peut parfois exiger que votre interlocuteur n’attende pas poliment que vous ayez fini mais vous secoue par le col et s’exclame : « Écoute ! Écoute bon sang ! ». Nous appelons ces situations sociales des mouvements, des grèves, des manifestations. Nous appelons ceux qui initient ces manquements à la civilité déterminés, ambitieux, déraisonnables, intéressés, brutaux, impétueux, égocentriques – des gens de l’acabit de Newt Gingrich, Martin Luther King ou William Lloyd Garrison. Tous sont prêts à s’engager dans une conversation démocratique, mais ils sont également pugnaces au-delà de la civilité, prêts même pour défendre leur point de vue à sortir complètement de la conversation, du moins temporairement et stratégiquement. Tout concept de démocratie pleinement développé, et la place qu’il accorde en son sein à la délibération, devrait tenir compte des cas où la conversation est elle-même un obstacle à l’accomplissement de la démocratie.