Certains indices semblent indiquer que les leaders eux-mêmes sont peu intéressés par les
partis en tant que tels, une fois qu’ils ont accédé au pouvoir. Pourquoi ? Tout démontre
que lois électorales et les lois sur les partis sont transgressées de manière systématique,
sans susciter de véritables protestations et, encore moins, de poursuites juridiques
comme pour rappeler à ceux qui pourraient s’illusionner sur l’importance des partis
politiques, qu’ils sont dans l’erreur.
Observons le mode de création de certains partis: depuis plus de 20 ans, les présidents
en exercice créent leur propre parti: Aristide fonde Fanmi Lavalas ; Préval, parvenu au
pouvoir avec la plateforme appelée Lespwa monte un nouveau groupement politique :
INITE ; Martelly porté au pouvoir sous la bannière du parti Répons peyizan, crée le Parti
Haïtien Tèt kalé.
On passe ainsi allègrement d’un parti à un autre, sans qu’il soit question d’orientation
idéologique. Pour créer ces partis présidentiels le pouvoir n’hésite pas à « débaucher »
les membres et des parlementaires des autres partis. Fort de ces paramètres l’Exécutif
peut s’imaginer s’installer à vie ou commencer très tôt à préparer sa pérennité, d’autant
plus qu’il dispose des leviers du pouvoir, très efficaces au moment des joutes électorales.
Cette propension à exercer une mainmise sur les élections, explique que de nombreux
leaders de partis aient de la peine à croire en la possibilité d’avoir des élections non
frauduleuses. De fait, les batailles extrêmement longues et âpres autour des juges
électoraux témoignent d’une difficulté particulière à admettre le principe de l’impartialité
des conseils électoraux. Comme par hasard, en 25 ans, le pays a connu pas moins de
16 conseils électoraux provisoires. Car il appartient à chaque gouvernement de savoir
nommer les bons conseillers. C’est sans doute une des raisons qui expliquent le nombre
élevé d’élections -présidentielles ou législatives- contestées : 1988, 1993, 1995, 1997,
1999, 2000, 2006, 2009, puis 2010.
On remarque également que les lois électorales sont fort peu appliquées à la lettre. Le
Général Namphy avait décidé, lors des élections de 1988, qu’un sénateur ou président
pouvait être élu au premier tour avec une majorité relative, alors que la Constitution en
vigueur prévoyait exactement le contraire : la majorité absolue sinon deux tours.
Plus tard, en 2006, René Garcia Préval est déclaré élu au premier tour grâce à
l’intervention de la communauté internationale qui estime non nécessaire un deuxième
tour. De même, là où la loi électorale prévoit qu’un candidat qui a été responsable des
deniers publics doive obtenir un certificat de décharge, l’Exécutif dispense le conseil
électoral d’appliquer cet article.
On peut aussi mentionner le cas de la double nationalité qui tantôt est évoquée pour
refuser un candidat, tantôt est passé sous silence selon que le candidat est bienvenu
ou non. Par ailleurs, la loi sur la reconnaissance légale des partis par le ministère de la
Justice, les conditions de financement des partis ainsi que les heures d’antenne prévues,
sont rarement respectées.
Tout semble concourir à montrer que le jeu politique est faussé : perte de confiance
dans les partis, perte de confiance dans l’État. On pourrait parler de cercle vicieux : d’un
côté, la suspicion jetée à l’avance sur les partis et, de l’autre, le très faible appui de l’État
à la légitimation des partis politiques. Il appartient non pas à l’État, mais au libre jeu
démocratique de décider du sort des partis trop faibles pour survivre.
Nous montrerons, dans un premier temps, les liens existant entre le fonctionnement
des partis et les institutions électorales. Ensuite, nous essaierons de situer les partis et
plateformes politiques dans l’arène politique de 1979 à nos jours.