Pays socialistes exclus, colère du Mexique, influence de la Chine : ce lundi, la rencontre des chefs d’Etats de la région, censée définir une nouvelle relation entre les Etats-Unis et le reste du continent, est mal engagée.
Dans la catégorie organisation chaotique, le neuvième sommet des Amériques, qui s’ouvre ce lundi à Los Angeles, risque de rivaliser avec la finale de Ligue des champions au Stade de France. A la veille de la rencontre supposée des chefs d’Etat et de gouvernement des 35 pays du continent américain, les Etats-Unis n’avaient toujours pas publié la liste des invités.
Les présidents parias, le Vénézuélien Nicolás Maduro, le Cubain Miguel Díaz-Canel et le Nicaraguayen Daniel Ortega (tous soutiens de la Russie dans sa guerre contre l’Ukraine), ont fait savoir que, de toute façon, ils ne se rendraient pas en Californie. Cuba a même convoqué un «contre sommet» le 27 juin à La Havane, avec ses alliés auxquels s’était jointe la Bolivie. Dont le président de gauche, Luis Arce, avait proclamé : «S’ils veulent organiser une réunion entre amis, qu’ils le fassent, mais ils ne peuvent pas l’appeler le Sommet des Amériques.»
Plus grave est l’absence à Los Angeles, ville où la moitié de la population est latine, du président mexicain Andrés Manuel López Obrador, dit Amlo, même s’il est représenté par son ministre des Affaires étrangères, l’influent Marcelo Ebrard. Joe Biden «tient vraiment, personnellement, à ce que le président mexicain soit là», affirmait il y a quelques jours Juan Gonzalez, conseiller de la Maison Blanche pour l’Amérique latine. Le Mexique est en effet un interlocuteur incontournable de Washington, sur les politiques migratoires comme sur le trafic de drogue ou d’armes.
Freiner la Chine
Les enjeux du sommet des Amériques sont nombreux pour les Etats-Unis, qui ont vu leur influence s’amenuiser dans leur ancien pré carré. Joe Biden doit notamment convaincre du bien-fondé de sa position en Ukraine auprès de pays d’Amérique latine très pénalisés par un conflit qui leur semble lointain : flambée des prix de l’énergie et des matières premières, pénurie des fertilisants agricoles…
Washington souhaite aussi freiner le rouleau compresseur de la Chine, qui avance ses pions, diplomatiques et économiques, dans la région. La coopération économique avec l’Amérique centrale pour tenter de réduire le flux migratoire, la coordination des mesures contre la pandémie de Covid-19 ou la lutte contre le changement climatique sont aussi à l’ordre du jour. Des chantiers ambitieux qui nécessitent des investissements financiers importants, peu envisageables dans la situation actuelle.
Lorsqu’Haïti devint la première République noire du monde en 1804, elle dut payer un lourd tribut. La France lui imposa de lourdes indemnités pour payer les biens – et les esclaves – qu’elle avait perdus.
Cette dette, d’une valeur d’environ 21 milliards de dollars aujourd’hui, a fait peser sur le pays de lourdes charges. Cet argent aurait pu être consacré à la construction de routes, de systèmes d’irrigation et d’autres projets d’infrastructure qui auraient soutenu le secteur agricole à long terme. Il a fallu à Haïti plus d’un siècle pour rembourser sa dette.
Grâce à une variété de cultures de base, la nation caribéenne était largement autosuffisante sur le plan alimentaire jusqu’au milieu des années 1980. Puis, sous la pression des États-Unis et des organisations internationales, elle a accepté de libéraliser le commerce et de réduire les droits de douane à l’importation de 50 à 3 %, contre 38 % en moyenne dans la région. Cette mesure a ouvert les portes au riz hautement subventionné des agriculteurs américains, sans qu’aucune politique d’accompagnement ne vienne protéger les producteurs alimentaires locaux, incapables de concurrencer ces importations à bas prix.
« Ces décisions mettent les agriculteurs haïtiens sur la paille », explique Angeline Annesteus, qui est née en 1983 et a été témoin des effets de ces politiques sur ses parents. « Tu regardes ta famille essayer de travailler une terre qui ne lui rapportera presque rien. »
« Les gangs contrôlent toutes les routes principales reliant Port-au-Prince à la campagne et [les petits agriculteurs] ne peuvent pas accéder aux marchés pour vendre leurs produits »
La libéralisation du commerce a également décimé l’industrie traditionnelle de la volaille haïtienne, remplaçant les poulets locaux élevés en liberté qui mettaient quatre mois à atteindre leur maturité par des poulets américains pouvant atteindre leur maturité en un mois environ grâce aux pratiques d’élevage industriel.
Autrefois appelée la “perle des Antilles” par les colons français et connue pour exporter régulièrement du sucre, du café et des oranges amères pour parfumer le Grand Marnier, Haïti dépend aujourd’hui largement des importations alimentaires.
Aujourd’hui, 80 % du riz, toute l’huile de cuisson et près de la moitié de la nourriture consommée en Haïti sont importés, selon l’organisme de surveillance de la famine FEWS NET, financé par les États-Unis.
En mars 2010, deux mois après le tremblement de terre catastrophique, Bill Clinton, qui était président des États-Unis lorsque certains des accords de libéralisation du commerce sont entrés en vigueur, s’est excusé d’avoir défendu des politiques qui ont nui au secteur agricole du pays.
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Pourtant, même avant le tremblement de terre de 2010, les agriculteurs n’avaient « aucun soutien financier, aucune technologie, aucune éducation », a déclaré à The New Humanitarian Fritz Alphonse Jean, président de l’Institut haïtien d’observatoire de politiques publiques (INHOPP) et ancien gouverneur de la Banque de la République Haïtienne (BRH). « Si vous regardez le crédit alloué au secteur agricole aujourd’hui, il est inférieur à 2 %. Ce secteur a été complètement négligé tout au long de l’histoire économique haïtienne. »
La dynamique de l’aide internationale a également compliqué la situation. Des agences telles que le Programme alimentaire mondial (PAM) fournissent une aide cruciale aux personnes en situation de crise. Bien que le PAM affirme avoir commencé à acheter davantage de nourriture auprès des producteurs locaux, la majorité est toujours achetée à l’extérieur d’Haïti car la production locale ne peut pas satisfaire les besoins.
En octobre 2010, Oxfam International a publié un rapport critiquant la façon dont l’aide alimentaire étrangère continuait de saper l’agriculture locale et appelant les donateurs à contribuer plutôt au développement du secteur. Pourtant, les choses semblent avoir très peu changé plus de dix ans plus tard.
Il était « vraiment frustrant de voir que beaucoup d’aliments étaient acheminés dans le sud » après le tremblement de terre d’août, a déclaré Miles de la Haiti Response Coalition. « Nous avions des personnes pour organiser et mobiliser sur le terrain qui vivaient au sein de la population et disaient : “Écoutez, vous pouvez acheter de la nourriture sur le marché. Vous n’avez pas besoin d’envoyer de la nourriture à un endroit où on en trouve sur le marché”. »