Le kidnapping se présente comme un défi considérable qui met en doute la capacité de nos acteurs politiques d’établir un climat de confiance tant sur le plan interne que celui externe. Il vient aussi remettre en cause les stratégies gouvernementales visant à gérer la crise politique du pays qui date de plusieurs décennies. Il défie également la prétention des troupes étrangères présentes sur notre territoire sous prétexte d’apporter la paix. Et souvent, il leur sert de référence, de couverture afin de légitimer et de pérenniser leur présence sur le sol « national » ; une présence qui, malgré sa contribution positive, mine l’économie nationale et fragilise notre institution policière. Et, en ce qui concerne ses dérives et les fonds mis à sa disposition, on se tait.
En outre, ce phénomène sert de tremplin pour les discours de ceux qui veulent se faire une place dans les affaires politiques. Ils l’utilisent soit pour promettre l’irréalisable et s’attirer des partisans pour les urnes, soit pour salir l’image du gouvernement en place avec tout ce que cela peut entraîner en terme de soupçon. Quand on leur demande par quel moyen est-ce qu’ils vont l’éradiquer, ils passent à autres choses. Et bien souvent, le nombre de cas de prises d’otages à fin pécuniaire augmente dans les périodes pré-électorales.
Ce phénomène pèse très lourd sur l’économie nationale. Par la peur qu’il crée, il empêche en partie aux investisseurs et entrepreneurs étrangers de venir s’établir en Haïti et d’offrir à une population majoritairement en chômage de plus grandes possibilités de travailler. Parmi ceux qui créent de l’emploi et prennent le risque d’ouvrir leurs entreprises, certains sont soupçonnés soit de complicité avec les kidnappeurs et de détenteurs d’une carte d’identification spéciale de fonctionnement ; soit d’être à leur tour des chefs de bandes. Les kidnappeurs seraient à leur service pour empêcher à d’autres investisseurs de s’installer sur le marché économique du pays. Nombre d’entre eux Aussi paralyse-t-il le commerce informel. Car, les petits commerçants en sont parfois victime.
Par ailleurs, l’expansion du phénomène sert de blocage au développement touristique (une des véritables sources de revenus dans plusieurs pays de la zone) du pays, riche en monument historique. Il constitue un véritable obstacle à la libre circulation, mobilité intra-nationale de nos vacanciers. Certains de nos riches familles, hommes d’affaire et autres, par peur d’être victimes, partent ailleurs pendant leurs vacances alors qu’ils aimeraient bien profiter de ce temps pour jouir des plaisirs de nos plages etc… Ce qui vient nourrir davantage du même coup, chez un bon nombre d’Haïtiens, l’envie de fuir le pays et cette tendance à ne pas valoriser nos richesses naturelles, nos sites nationaux.
L’argent de la diaspora haïtienne est la principale cible des kidnappeurs. Selon des témoignages de parents et de proches de personnes enlevées, un fort pourcentage des rançons exigées est souvent négocié directement avec nos compatriotes vivant aux États-Unis et au Canada. Les ravisseurs se servent des téléphones portables ou des carnets d’adresses de leurs victimes, font-ils savoir. Et, fort souvent, c’est de l’étranger que parviennent les nouvelles des rapts à la maison des victimes. Une situation pour le moins préoccupante pour l’économie du pays dans la mesure où l’Administration Moise /Lapin et d’autres secteurs de la vie nationale consentent de multiples efforts en vue d’améliorer les rapports avec les compatriotes de la diaspora et de mieux canaliser leurs apports vers le développement.
La diaspora constitue une source considérable pour la survie d’une bonne partie de la population. Les Haïtiens de la diaspora manifestent une volonté sans précédent de travailler et de contribuer au développement du pays.
La ligne de crête sur laquelle jouent les kidnappeurs concerne d’abord la sensibilité humaine de tout haïtien. Ils savent très bien qu’aucun compatriote ne va laisser maltraiter un de ses proches pour des raisons pécuniaires. Leur première cible c’est l’homme haïtien. Sur ce, la première chose servant à aider à mieux contrecarrer le phénomène, c’est d’aider à prendre conscience collectivement de son existence, de son caractère destructeur et imprévisible. Cette prise en compte de son existence servira aussi à rendre les citoyens plus coopérants, plus solidaires et plus attentifs aux signes indicateurs des germes d’extension.
c’est le moment pour la diaspora et les Haïtiens de se libérer collectivement d’une certaine mentalité qui les maintient captifs d’une logique d’échec. Un proverbe dit que lorsqu’il n’y a plus de vision d’avenir, un peuple vit dans le désordre. Quelle sera notre vision? C’est aux Haïtiens et à la diaspora haïtienne d’en décider.
Toutefois, Le système peut toujours continuer à faire d’Haïti ce pays misérable et invivable qu’il est aujourd’hui, mais une nation qui a changé le cap de plus de cinq cent ans d’histoires au début du XIVe siècle ne va pas mourir. Une génération consciente est en train de se forger, elle mettra de côté les voyous, les traîtres, les invertébrés et, à la guerre comme à la guerre, elle combattra envers et contre quiconque qui empêche ou empêchera à cette grande nation d’assumer et d’assurer sa destinée.
Henry Beaucejour
https://lenouvelliste.com/article/201906/linsecurite-en-haiti-un-veritable-complot-contre-le-peuple
https://lenouvelliste.com/article/32156/la-diaspora-haitienne-principale-victime-du-kidnapping
https://www.focal.ca/en/publications/focalpoint/233-march-2010-kerlande-mibel-fr